Pourquoi les prêts immobiliers à taux fixe ne vont pas disparaître

Avec la baisse des taux de prêt immobilier, la question du taux variable risque de revenir sur la table, tout du moins sur celle du comité de Bâle. Le régulateur du secteur bancaire ne fait que ce qui constitue sa mission : éviter les crises provoquées par une subite évaporation du contenu des coffres des banques. Cependant banquiers et ménages français ne veulent pas entendre parler du taux révisable, et défendent fermement leur dispositif actuel.

Les taux fixes sont dangereux pour les banques, pense le comité de Bâle

Le comité de Bâle est chargé de réguler le système financier mondial, il dispose pour cela d'un véritable pouvoir décisionnel. Il a notamment fait parler de lui après la crise des subprimes, en imposant aux banques un certain niveau de fonds propres. Son objet est avant tout d'observer et de légiférer afin d'éviter les dérapages économiques.

Or en ce moment il constate que les taux de prêt immobilier fixes sont extrêmement bas, et que les banques se trouveraient fragilisées s'ils remontaient.

 

Le problème des sources de financement des banques

Pour qu'une banque accorde un prêt immobilier, elle doit emprunter à une autre entité afin de pouvoir prêter aux particuliers. L'une de ces entités est l'État, auprès duquel elles se financent grâce à l'argent que France Trésor a lui-même emprunté sur les marchés obligataires.

Une autre source de financement au jour le jour est constituée par les autres banques, c'est ce que l'on appelle les prêts interbancaires. L'indice EURIBOR (Euro Interbank Offered Rate) calcule la moyenne des taux auquel les banques se prêtent entre elles sans garantie. En ce moment les taux sont extrêmement bas, l'EURIBOR 1 mois (remboursable en 1 mois) étant à 0,002 %, tandis que l'EURIBOR 12 mois pointe à 0,299 %.

Les prêteurs peuvent également se financer auprès de la BCE (Banque Centrale Européenne), au taux de refinancement de 0,05 %.

Comme on le voit, en ce moment les banques ont la possibilité d'emprunter à des taux très bas, et elles jouent le jeu en prêtant aux ménages à des taux avantageux. Cependant lorsqu'un particulier souscrit un crédit immobilier sur 20 ans, la banque emprunte le capital sur une plus courte période. Elle doit donc effectuer des remboursements au jour le jour, et se trouve en difficulté lorsque les taux interbancaires augmentent.

D'où l'idée du comité de Bâle, reprise par le président de la Banque de France, M. Christian Noyer, de passer au taux variable. Mais cette solution, ni les banquiers ni les consommateurs français n'en veulent.

 

Les Français préfèrent rembourser à taux fixe

Jérôme Robin, président et fondateur de Vousfinancer.com rappelle que 96 % des crédits immobiliers sont accordés à taux fixe, contre 80 % il y a 10 ans. Le consommateur français ne veut pas prendre de risques, même si on lui démontre que ceux qui ont souscrit des taux révisables en 2008 descendent aujourd'hui à près de 1 %. Les préteurs pourraient voir les ménages se désintéresser de l'immobilier au cas où on les forcerait à passer au taux révisable : « les banques ont conscience que sonner le glas des taux fixes reviendrait à donner un coup de frein à la demande de crédits et donc à se tirer une balle dans le pied ».

D'autant plus que la différence entre le taux révisable et le taux fixe s'est considérablement réduite au cours de ces 3 dernières années, à un tel point qu'il est désavantageux auprès de certains établissements. Vousfinancer.com compte toutefois 1 partenaire qui propose un taux fixe de 2,40 % sur 20 ans, contre un taux révisable capé 1 de 2,13 %.

 

Les banquiers ne veulent pas de taux variable

Au mois de mai 2014, le comité de Bâle avait laissé entendre qu'il souhaitait s'ingérer dans les portefeuilles de prêts immobiliers des banques. Des bruits de couloirs rapportaient l'idée d'obliger ces dernières à distribuer des taux variables, afin de les protéger des variations des conditions interbancaires. Début juillet les fédérations des banques belges, allemandes, japonaises et françaises écrivent leur mécontentement au comité. D'après un extrait paru dans Les Échos du 7 juillet, « cette pratique [des taux fixes] a été une source de résilience pour les banques au cours de la dernière crise».

C'est également l'avis de Jérôme Robin, qui rappelle que le modèle français qui « repose sur l'octroi de crédits immobiliers essentiellement à taux fixes [ ] a contribué à la résistance des banques françaises en période de crise ».

Au début de l'été, le directeur de la Banque de France, M. Christian Noyer, remet le sujet sur la table en avertissant les banques sur la faiblesse des taux qu'elles octroient. La réaction ne se fait pas attendre, les banquiers montent au créneau pour défendre les taux fixes.

 

Les prêts à taux révisable, c'est pour qui ?

Sandrine Allonier, responsable des relations banque chez Vousfinancer.com, décrit la clientèle des taux révisables comme plus avertie, « avec des profils plutôt investisseurs considérés comme moins captifs pour la banque ». Car l'avantage de ce type de financement est que lorsqu'il est capé à 1 % ou plus, il est possible de négocier une levée des pénalités de remboursement anticipé. La cape du taux révisable représente un plafond au-delà duquel il ne peut pas grimper. C'est ce qui a manqué aux emprunteurs américains et espagnols, certains ménages outre-Atlantique ayant carrément vu leurs mensualités doubler en 6 mois.

En France le taux variable est utilisé pour ceux qui comptent revendre à moyen terme en évitant de payer des indemnités de remboursement.

 

Les banques préfèrent filtrer le profil des emprunteurs

Les remboursements à taux variable ne sont pas les seules solutions dont disposent une banque pour se couvrir des risques. Sandrine Allonier rappelle qu'elles sont « de plus en plus attentives aux contreparties des crédits qu'elles accordent ». Car dans le cadre de la 3e édition des accords de Bâle, les comptes courants et l'épargne des clients sont considérés comme des ressources au bilan.

Les prêteurs filtrent les candidats emprunteurs en fonction de leur capacité d'épargne, ainsi que de leur taux d'endettement, tendance constatée « depuis plusieurs mois déjà ».

De toute manière le taux révisable ne pourra pas être implémenté du jour au lendemain. Jérôme Robin rappelle qu'il faudrait « une période de transition suffisamment longue pour faire évoluer les comportements, sans risquer de gripper le marché immobilier ». Et de conclure que les taux fixes ne sont pas près de disparaître…