Le point sur le droit à l'oubli de l'assurance crédit

La convention signée le mardi 24 mars soulève les applaudissements de la classe politique, mais laisse l'association UFC - Que Choisir de marbre. Ce jour-là assureurs, mutuelles et services publics ont convenu à un protocole de droit à l'oubli pour les anciens malades du cancer. Désormais un survivant du cancer ne sera plus fautif de ne pas déclarer son ancienne pathologie, lorsqu'il remplira un formulaire de demande d'assurance de crédit. S'il s'agit d'une réelle avancée, un long chemin reste à parcourir eu égard au temps nécessaire pour disposer de ce fameux droit à l'oubli.

« Un pas décisif qui n'est pas le dernier » (M. François Hollande)

La signature de la convention s'est faite en présence du Président de la république, de la ministre de la santé Mme Marisol Touraine, et du ministre des finances M. Michel Sapin. Les représentants des assurances étaient également présents, notamment en la personne de M. Bernard Spitz, président de la FFSA (Fédération Française des Sociétés d'Assurances).

Certaines réactions sont euphoriques, à l'image de M. Spitz « une avancée considérable pour le pays et pour le monde » et de Mme Jacqueline Godet, présidente de la ligue nationale de lutte contre le cancer : « une avancée qu'on peut qualifier d'historique ».

De son côté le chef de l'état se veut plus réservé, en rappelant que si la convention est un pas décisif, il reste du chemin à parcourir. Car si « le droit à l'oubli se trouve enfin traduit dans la réalité », il reste que le délai de prescription est long.

 

Un droit à l'oubli de 15 ans pour les anciens malades du cancer

Lorsqu'un particulier souhaite souscrire un prêt immobilier, le prêteur lui demandera une assurance crédit. Pour y postuler le candidat va donc répondre à un certain nombre de questions, dont l'une d'entre elle concerne ses antécédents médicaux. Mentir à un assureur est une faute pénale, et pourrait déboucher sur une indemnisation a minima, voire sur aucune indemnisation.

Ainsi une personne ayant été atteinte d'une maladie grave est obligée de se déclarer, provoquant des surprimes par rapport à des cotisations normales, si ce n'est un refus pur et simple.

Alors depuis longtemps des associations se battent pour le droit à l'oubli. Mardi dernier a donc vu un certain progrès, avec la signature de cette convention. Cependant elle ne concerne que les anciens malades du cancer, dont la fin du traitement est intervenue il y a au moins 15 ans.

Plus clairement, un candidat emprunteur n'est désormais plus obligé de déclarer un cancer dont la guérison date d'il y a plus de 15 ans.

Une exception s'applique lorsque le cancer est survenu avant l'âge de 15 ans, dans ce cas le droit à l'oubli est réalisé 5 ans à partir de la fin du traitement.

Un ancien malade souhaitant obtenir une assurance crédit avant la date de déclenchement du dispositif, devra toujours déclarer son ancienne maladie. Toutefois il est convenu d'établir une liste des cancers guéris ne donnant pas lieu à une surprime.

 

L'assurance emprunteur et la convention AERAS

Dans la pratique, mutuelles et sociétés d'assurances ont signé la convention AERAS (s'Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé), destinée à permettre l'accès aux prêts immobiliers aux personnes ayant des problèmes de santé. Les assureurs s'engagent ainsi à ne pas appliquer de surprime au-delà de 1,4 points du taux effectif global de l'emprunt.

Cette convention s'applique pour les personnes âgées de moins de 70 ans à la fin des remboursements, et pour un prêt d'un maximum de 320 000 €. Un accord d'assurance obtenu dans le cadre de la convention AERAS est valable 4 mois. En cas de refus du prêteur ou de l'assureur, le candidat à l'emprunt peut saisir la commission AERAS.

Malheureusement les choses sont souvent plus compliquées dans la réalité. Car si un accord peut être trouvé, il se fait toujours au prix de cotisations élevées, risquant de dépasser le cadre de la capacité de remboursement des demandeurs.

 

L'association de consommateurs UFC - Que Choisir peu convaincue

Dans un article paru le lendemain de la signature de la convention, l'UFC - Que Choisir ne participe pas à l'euphorie générale. L'association regrette d'abord le manque de données publiques sur lesquelles baser une analyse, puis met en avant les surprimes généralement pratiquées sur la faible proportion de dossiers acceptés grâce à la convention AERAS.

D'après les informations recueillies par l'UFC - Que Choisir, les surprimes imposées aux personnes ayant des complications de santé pourraient atteindre 200 €.

 

Vers un meilleur choix de l'assurance crédit pour le consommateur

Le bras de fer entre les associations de consommateurs et les banques dure depuis plusieurs années. Au départ les banques avaient le droit d'imposer leur propre contrat d'assurance crédit avec toute souscription de prêt immobilier. Problème pour l'emprunteur : les cotisation dudit contrat sont basées sur le capital emprunté, et non pas sur le capital restant dû.

Puis le 1er juillet 2010 arrive la loi Lagarde, interdisant aux banques d'imposer leur propre contrat. À partir de là des courtiers spécialisés entrèrent en jeu, proposant des délégation d'assurance dont le taux de cotisation est basé sur le capital restant dû. Différence de coût : environ 2 fois moins cher…

Les banques utilisent alors un argument qu'elles conserveront jusqu'au 1er mai 2015 : l'équivalence des garanties. Certes l'emprunteur a le droit de choisir son contrat d'assurance crédit, mais le prêteur conserve celui de le refuser lorsque les garanties présentes ne sont pas suffisantes.

De guerre las et surtout au vu de l'approche de la date fatidique de la promesse d'achat, l'emprunteur craque et accepte les conditions du prêteur, quitte à ce que cela lui coûte plus cher.

Alors le 26 juillet 2014 arrive la loi Hamon, permettant aux emprunteurs de changer d'assurance crédit sans préavis, au cours des 12 mois qui suivent la date de signature du contrat. Une avancée notable pour le consommateur, arrêtée net par la règle sur l'équivalence des garanties.

Il faudra attendre la fin janvier pour que finalement le CCSF (Comité Consultatif du Secteur Financier) arrache un accord aux assureurs. À partir du 1er mai 2015, ces derniers devront motiver leur refus d'assurance en cochant les garanties requises dans une liste officielle. À partir du 1er octobre 2015, cette liste devra même être procurée avec l'offre préalable de crédit.