Une année cruciale pour l'assurance emprunteur ?

Un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux rendu le mois dernier pourrait bien révolutionner la bancassurance. Jusqu'alors l'assurance du crédit immobilier était considérée comme entrant dans le cadre du Code de la consommation, causant un flou juridique dont les banques ne se privaient pas de profiter. Le législateur monta souvent au créneau au cours des dernières années, de la loi Lagarde à la loi Hamon afin de protéger l'emprunteur. Stoppez tout, le 23 mars la cour d'appel de Bordeaux a donné raison à une plaignante, arguant que l'assurance emprunteur dépendait en fait du Code des assurances. Le défendant, les Assurances Crédit Mutuel (ACM), entend se pourvoir en cassation. S'il perd, c'est tout un monde qui sera chamboulé.

Les assurances crédit résiliables tout les ans ?

La source du litige

À l'origine de cette éventuelle révolution, une habitante de la région bordelaise désire un meilleur contrat d'assurance pour 2 prêts immobiliers souscrits avec le CIC, filiale du Crédit Mutuel. Comme il est fréquent dans ce genre de cas, la banque prêteuse refuse la substitution. Toutefois alors que les fins de non-recevoir de ce type de demande se basent sur la similarité des garanties, le CIC avance un tout autre argument.

Ses juristes choisissent d'invoquer l'article L3 112 – 9 du Code de la consommation, qui précise que la faculté de choisir son contrat d'assurance emprunteur n'est disponible qu'à la souscription, et non pas en cours d'exécution.

Faille juridique du contrat ou de la législation ?

Déboutée une première fois par le tribunal d'instance, la plaignante fait appel et obtient gain de cause pour faute de mentions relatives à la résiliation.

« À défaut de dispositions spécifiques, il ne peut être retenu que ce texte exclut toute faculté de résiliation en cours du contrat d'assurance, et l'exercice de cette faculté est donc soumis aux règles générales régissant le contrat d'assurance, et notamment aux articles L 112 – 2 et L 113 – 12 », selon le décret rendu par la cour d'appel de Bordeaux.

Ainsi le contrat souscrit par la plaignante peut être résilié par courrier recommandé avec accusé de réception, 2 mois avant la date d'anniversaire. La cour conclut que le CIC « a commis une faute en refusant la résiliation sollicitée alors que le contrat MMA proposé présentait des garanties équivalentes ».

Bataille juridique dans les méandres des textes de loi

Le lecteur averti se rendra compte qu'il est difficile à ce stade de parler d'une petite révolution, au contraire de ce que l'on peut lire partout sur Internet. Il faut être expert dans le domaine de la juridiction des assurances pour en déduire que tous les contrats d'assurance emprunteur sont ainsi désormais rapportés au code des assurances, et donc facilement résiliables tout les an sous condition de similarité des garanties.

D'autant plus qu'à un moment donné, la cour d'appel de Bordeaux mentionne dans son arrêt le fait que le contrat d'assurance de groupe concurrent trouvé par la plaignante « n'était pas exclusivement un contrat d'assurance-vie dans la mesure où d'autres risques étaient garantis ». Cela signifierait-il qu'une assurance de prêt immobilier couvrant uniquement le décès échapperait à ce qui pourrait désormais faire jurisprudence ?

Il faudra attendre quelques mois encore pour éclaircir ce nouveau dossier, d'autant plus que le défendant, les Assurances Crédit Mutuel, ont annoncé se pourvoir en cassation. Le mot de la fin appartiendra ainsi à la plus haute juridiction de France, et dès lors 2 scénarios majeurs sont possibles.

Si la Cour de Cassation donne raison à la cour d'appel de Bordeaux, les contrats d'assurance emprunteur pourront être résiliés par lettre recommandée avec accusé de réception, avec préavis de 2 mois, mais surtout sous condition d'apporter une équivalence des garanties.

Si la Cour de Cassation déboute la cour d'appel de Bordeaux, de toutes façons les nouvelles dispositions de la loi Hamon, ainsi que la normalisation des garanties de l'assurance-crédit prendront le relais.

 

L'équivalence des garanties : un pilier de la bancassurance qui s'écroule

Loi Lagarde, loi Hamon : même combat

Avant la loi Lagarde de 2010, une banque avait le droit d'imposer son propre contrat d'assurance crédit, dont elle base les cotisations sur le capital emprunté. D'un autre côté les assureurs externes spécialisés calculent les leurs sur le capital restant dû, ce qui est plus logique et 2 fois plus économique pour l'emprunteur.

La loi Lagarde permis alors à ces derniers de choisir leur propre contrat au moment de la souscription de leur prêt immobilier.

Mais ce système comportait une faille : l'équivalence des garanties. Au prétexte que les garanties apportées par les contrats concurrents n'étaient pas suffisantes, la banque refusait systématiquement toute tentative du malheureux emprunteur, ce dernier étant obligé de céder au fur et à mesure que la date de fin du compromis de vente sur le logement convoité approchait.

Alors vint la loi Hamon, l'autorisant à substituer son assurance emprunteur dans les 12 mois qui suivent la signature du contrat de prêt. Il est difficile à cette heure de tirer un premier bilan de cette mesure, en application uniquement depuis juillet. Toutefois il n'est pas risqué d'avancer que l'argument de l'équivalence des garanties est toujours un obstacle pour l'emprunteur récalcitrant.

Quand la fiche d'information standardisée met les pieds dans le plat

Le 23 janvier 2015, le Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) arrachait finalement un accord avec les banques. Dès le 1er mai 2015, ces dernières devront remplir une fiche d'information standardisée pour motiver tout refus de changement d'assurance-crédit.

Fini les explications floues et incomplètes, dans la pratique l'emprunteur présente un contrat concurrent à sa banque, cette dernière le refuse mais doit cocher les cases de la liste de ses exigences en matière de garantie.

Fort de ladite liste, l'emprunteur retourne alors vers la concurrence, qui lui remet un produit correspondant exactement à ce que demande la banque prêteuse.

Puis à partir du 1er octobre 2015, le prêteur potentiel devra remettre la liste des garanties demandées « en amont de l'émission de l'offre de prêt, pour permettre au candidat à l'emprunt d'exercer sa liberté de choix en matière d'assurance emprunteur dans les conditions prévues par la loi ».

Affaire à suivre.