Crédit Agricole : la remontée des taux immobiliers pourrait limiter le marché

Plutôt que de reprise du marché immobilier, l'économiste du Crédit Agricole, M. Olivier Eluere, préfère parler de stabilisation. Il constate que la hausse des transactions ne permet pas de retrouver les niveaux de 2010 - 2011, et que la probable remontée des taux immobiliers pourrait enrayer le marché. Comme beaucoup d'autres avant lui, il considère que les prix du m² sont trop élevés, et s'attend à ce qu'ils continuent de baisser de - 3 % en 2016.

La remontée des taux immobiliers pourrait être néfaste

Une correction des taux d'emprunt pour l'instant maîtrisée

On ne cesse de le répéter depuis 2 ans déjà : les taux de prêt immobilier sont à des niveaux jamais vus depuis les années 40. Alors qu'en 2008 l'observatoire CSA/Crédit Logement notait que la moyenne dépassait légèrement les 5 %, 7 ans plus tard elle frôle les 2 %, et descend même à 1,99 % le mois dernier.

Mais après toute descente vient une courte période de stabilisation, puis de remontée. Ladite stabilisation fut plutôt courte, les banques se mettant à réviser leurs conditions à la hausse sur une période de 4 semaines. Vousfinancer.com annonçait qu'une trentaine de banques locales et régionales avait officiellement relevé leur taux, en précisant toutefois que la correction reste d'une faible ampleur.

Ce déclic qui a fait revenir les acheteurs

Dans sa note de conjoncture sur le marché de l'immobilier jusqu'en 2016, le Crédit Agricole s'inquiète de ce possible ajustement. Car si les taux d'emprunt sont constamment descendus depuis le 1er janvier 2014, il a fallu attendre la fin du 1er trimestre pour constater officiellement le retour des acheteurs.

Ces derniers ont retenu les leçons de la crise de 2008, désormais 90 % d'entre eux utilisent l'outil Internet pour effectuer leurs recherches. Ils sont bien documentés, ils sont organisés dans leurs démarches et observent une stratégie d'attentisme. On est donc pratiquement sûr que l'annonce de la fin de la baisse des taux a déclenché la fluidité du marché. Selon le Crédit Foncier l'acquéreur moyen mais aujourd'hui 4 mois à trouver un bien immobilier, contre 6 mois auparavant.

Mais les banques sont effectivement en train de relever leurs taux d'emprunt, certaines afin de désengorger leurs agences qui croulent sous les demandes de prêts immobiliers. D'autres ont d'abord pour motivation l'amélioration de leurs marges, mises à mal avec les taux exceptionnellement bas octroyés au cours des 6 derniers mois.

Et bien justement le Crédit Agricole juge cette hausse des taux inévitable. Ses analystes voient un ajustement modéré pour la fin de l'année 2015, mais plus marqué en 2016. Conséquence : l'année 2016 pourrait voir le nombre de transactions se tasser dans l'ancien.

 

Le climat économique pèse sur le marché de l'immobilier

Un pouvoir d'achat immobilier pas toujours amélioré

Certes les prix du m² baissent et les taux d'emprunt sont avantageux, mais cela ne suffit pas toujours. L'auteur du rapport note que même avec une croissance attendue de 1,2 % en 2015, et 1,4 % en 2016, le taux de chômage ne semble pour l'instant pas évoluer. Ainsi l'année 2015 pourrait se terminer avec 10,1 % de personnes sans emploi, et ses projections montrent que même une meilleure croissance en 2016 ne permettrait pas de descendre sous la barre des 10 %.

Dans ce contexte « une partie des primo accédants potentiels doivent renoncer à acheter ».

Les prix de l'immobilier ancien restent élevés

L'étude du Crédit Agricole propose un graphisme intéressant, mettant en relation la hausse du taux de chômage avec celle des prix du m². Mesuré depuis 1987, on voit clairement que les courbes évoluent de concert. Le prix de vente des logements tels qu'observé par les notaires, c'est-à-dire les prix signés, évoluent en fonction du pouvoir d'achat des ménages.

Or depuis 2011 l'emploi baisse, obligeant l'immobilier à faire de même. Beaucoup de professionnels considèrent que le marché est actuellement surévalué. Le rapport estime que le coût d'une opération immobilière était surestimé de 20 % au début de l'année 2012. Alors que 3 ans plus tard les prix reculent et les taux d'emprunt descendent, cette surévaluation ne serait plus que de 0 % à 5 %.

Et puisqu'il est probable que les taux vont s'ajuster à la hausse, il faudrait que les prix du m² ancien « baissent encore et deviennent clairement sous-évalués pour être jugés véritablement attractifs ». Et justement l'auteur du rapport s'attend à ce que le phénomène continue. Il ne serait pas surpris qu'à la fin 2016, le niveau des prix soit 12 % inférieur à celui de 2011.

 

Le marché de l'immobilier français reste solide

Les taux d'emprunt restent faibles

La baisse des taux a donc permis le renouveau du marché immobilier. Après des volumes de 800 000 transactions immobilières par an entre 2010 et 2011, le marché stagne aux alentours des 700 000. Toutefois à la fin mai, le décompte des 12 derniers mois faisait état de 711 000 ventes. S'il s'agit d'un recule de -3,8 % par rapport au même constat l'année précédente, les transactions augmentent tout de même de 6,9 % en ce début d'année.

La dépendance du marché immobilier avec les taux d'emprunt est donc clairement prouvée, ce qui précisément peut être une source d'inquiétude pour l'avenir.

Et les banques françaises sont prudentes

Pour briser un marché immobilier, rien ne vaut l'octroi de crédits à risque. C'est ce qui s'est passé aux États-Unis et en Espagne dès le début des années 2000. Les banques accordaient des prêts à taux variable non capé, à des ménages difficilement solvables et souvent déjà endettés. Le moteur de ce mécanisme se nourrissait avec la croissance, particulièrement celle des pays émergeant.

Mais lorsque la coupe s'est mise à déborder, de nombreux promoteurs se sont retrouvés avec des programmes invendus sur les bras, et les caisses vides.

Les banques françaises ont toujours été à l'opposé de ce type d'aventure. Pour obtenir un prêt immobilier il est nécessaire de ne pas dépasser un taux d'endettement futur de 33 %. Le conseiller clientèle consulte le FICOBA (Fichier des Comptes Bancaires et Assimilés), qui lui permet de savoir si les demandeurs ont souscrit d'autres prêts dissimulés auprès d'autres banques.

La stabilité professionnelle est une autre condition sine qua non. Les demandeurs doivent être en CDI, ou si l'un d'entre eux travail en CDD ou en intérim, il doit prouver au moins 18 mois d'activité ininterrompue. Enfin un apport personnel reste nécessaire même si les banques en demandent moins, ce qui permet au prêteur d'engager ses deniers sur un montant inférieur à celui de la valeur marchande du bien immobilier convoité.