L'immobilier est-il encore trop cher ?

Pour l'économiste du Crédit Agricole spécialiste de l'immobilier, M. Olivier ELUERE, les prix des logements restent élevés. Comme les notaires avant lui, il tempère l'optimisme des professionnels quant au redémarrage du marché. Il s'agirait surtout d'un rebond, qui pourrait fort se transformer en soubresaut en 2016, sous la poussée du chômage et selon lui d'une possible remonté des taux d'emprunt. Et c'est dans ce contexte que le baromètre LPI SeLoger observe que les prix de l'immobilier diminuent moins qu'avant.

Les prix de l'immobilier diminuent, mais…

Baisse dans l'ancien, remonté dans le neuf

Le baromètre LPI SeLoger note que l'immobilier ancien se vend en moyenne à 3230 €/m² en France, alors qu'il s'affiche à 3307 €/m². En 3 mois le prix signé a donc baissé de -0,7 %. Du côté des maisons la moyenne affichée est à 1948 €/m², mais ce type de logements part en moyenne à 2880 €/m². Il s'agit d'une baisse des prix de -1,9 % sur 1 an. En revanche pour les appartements le marché serait face à une tendance haussière. Avec un prix signé à 3494 €/m², il s'agit d'une augmentation de +0,1 % sur 3 mois. Cela dit les prix reste effectivement en baisse de -0,8 % sur 1 an.

C'est un autre son de cloche du côté de l'immobilier neuf. Globalement les acheteurs s'en sortent pour 3863 €/m², en augmentation de +0,5 % sur 3 mois. Les prix des maisons neuves restent moins chers que les maisons anciennes, à 2290 €/m². S'il s'agit d'une augmentation de +0,2 % sur 1 an, en revanche le baromètre ne dit pas si le prix de vente concerne également le terrain, ce qui est peu probable.

Le prix des appartements dans les programmes neufs reste élevé à 4588 €/m², une hausse de +0,2 % sur 3 mois.

Les prix sont trop élevés selon le Crédit Agricole

Chez le Crédit Agricole, on constate que le prix des logements anciens est globalement en recul de -2,7 % au 2e trimestre. On prend note que ce recul a commencée à la fin 2011, après « une hausse cumulée de 150 % entre 1998 et 2011 ». On en conclut qu'il ne s'agit que d'une goutte d'eau par rapport à l'inflation des 15 dernières années.

Et l'on s'inquiète surtout d'une croissance atone, d'un chômage élevé ainsi que de l'« impact des mesures fiscales de 2012–2013 ». Malgré des facteurs favorables comme une démographie en solde positif, l'aspect valeur refuge de la pierre, l'importance d'être propriétaire pour la retraite et le modèle de crédit, on imagine que les prix de l'immobilier pourraient descendre encore en 2016.

L'auteur du rapport, M. Olivier Eluere, note même que « les taux de crédit devraient remonter peu à peu au cours des prochains trimestres », sous l'effet d'une remontée attendue de l'OAT 10 ans. Ces bons du Trésor sont historiquement une référence pour déterminer le niveau des taux d'emprunt. Leur rendement a navigué autour des 0,8 % le mois dernier, pour subitement grimper autour des 1 % le 20 octobre, pour finalement se replier à 0,85 % le 23 octobre.

Le marché immobilier va-t-il ralentir ?

L'ancien et le neuf en plein boom

Au Crédit Agricole on constate que le marché de la région parisienne se détache de celui des régions. En Île-de-France les ventes d'appartements anciens augmentent de +3,4 % sur 1 an au 1er trimestre, tandis qu'au niveau national il grimpe de +10 % sur les 8 premiers mois de 2015. Après avoir enregistré 800 000 transactions immobilières en 2010–2011, la chute fut rude en 2012 à 705 000 transactions.

Puis en août les notaires ont finalement enregistré 740 000 ventes immobilières, particulièrement liées à « un effet d'aubaine ». Nombres d'acheteurs se sont décidés à franchir le pas eu égard au niveau plancher des taux d'emprunt, soucieux de profiter de la bonne occasion.

Dans l'immobilier neuf c'est la fête. Après une année 2013 catastrophique qui a vu les ventes des promoteurs chuter de -15 %, au 1er semestre 2015 elles bondissent de +19 % sur 1 an. Mais cette bonne performance est surtout le fait des investisseurs, qui selon les promoteurs représentent 52 % des contrats au 2e trimestre 2015.

Mais les vendeurs pourraient bien se retrouver avec la gueule de bois, car l'encours de logement neuf à la vente est en net repli. Alors qu'ils proposaient 107 000 unités au 3e trimestre 2014, on en compte plus que 97 500 au 2e trimestre 2015.

Ainsi il faudrait aujourd'hui 11,5 mois pour tout vendre, ce qui est moins que les 14,3 mois nécessaires l'année dernière à cette époque, mais toutefois plus long que les 8,3 mois nécessaires sur la période 1995–2011.

Et si les taux d'emprunt immobilier remontent ?

La théorie avancée par l'économiste du Crédit Agricole, M. Olivier Eluere, et que les taux d'emprunt pourraient donc remonter en 2016. Il base sa théorie sur le fait que le rendement de l'OAT devrait remonter, mais force est de constater qu'il ne s'agit que d'une théorie. En ce moment les banques sont en train de ralentir la remontée des taux engagée cet été, on en trouve encore qui prêtent en dessous de 2 % sur 15 ans à 20 ans.

Les grandes enseignes ont clairement affiché leur intention de soutenir le marché de l'immobilier l'année dernière à la fin de l'année. Elles ont réitéré ces bons vœux à la rentrée, et en maintenant leurs conditions d'emprunt à ce niveau elles pourraient ainsi constituer le moteur du marché immobilier en 2016.

Toutefois il est clair qu'elles peuvent changer d'avis dans 6 mois, et qu'elles devront bien s'adapter aux conditions des marchés financiers. Elles disposent certes d'une importante réserve de trésorerie constituée par l'opération QE de la Banque Centrale Européenne, ce qui tend à les détacher quelque peu des évolutions des OAT 10 ans.

Mais si effectivement les taux immobiliers remontent, fatalement les acheteurs retourneront dans leur position attentiste, ce qui pourrait forcer les vendeurs à abaisser leurs prix. C'est ce qui fait dire au Crédit Agricole que le nombre de transactions immobilières serait « en hausse de 10 % en 2015 est en légère baisse en 2016 ». En conséquence « les prix de l'ancien baisseraient de 1 % par an », et l'on finirait ainsi l'année 2016 avec 9 % de moins qu'en 2011.

Ce qui est sûr, c'est que l'année 2015 se présente comme un bon cru, et que les prochains mois d'hiver pourtant peu propices à l'achat immobilier devraient voir de nombreux projets se concrétiser. Les prix commencent à remonter en région parisienne, il est donc temps pour beaucoup d'acheteurs de passer à l'acte dans la région la plus peuplée de France.