Et la saga de l'assurance emprunteur continue

Il y a des habitudes qui ont la vie dure, le refus systématique d'un contrat d'assurance emprunteur concurrent par les banques semble en faire partie. Alors qu'elles devraient accepter la substitution des polices grâce à la loi Hamon, et surtout à l'implémentation d'une fiche d'information standardisée, il semble que ça bouchonne chez les conseillers clientèle. L'UFC Que Choisir a comptabilisé 45 réponses d'établissements bancaires, et relevé des refus systématiques, avec de nouvelles excuses quelquefois surprenantes. Cette réticence soulève bien des questions alors que depuis le 1er octobre une mesure devrait encore faciliter le choix de l'assurance crédit pour l'emprunteur.

Les banques et l'assurance des crédits immobiliers : une longue histoire

Un marché à 7,4 milliards d'euros

Rappelons que la souscription d'une assurance emprunteur lors d'un crédit immobilier, n'est pas rendue obligatoire par la loi. Toutefois le prêteur a le droit d'en exiger une, et il faut bien avouer que l'emprunteur est content de trouver un contrat. L'objectif est que l'assureur verse la quotité de mensualités de l'assuré à la banque prêteuse, au cas où un accident l'empêcherait de travailler.

Pour une question de gestion de risque, les banques demandent systématiquement la présence d'une police couvrant au moins le décès et la perte totale et irrémédiable d'autonomie. Elles en profitent d'ailleurs pour faire souscrire les contrats de leurs propre filiales, et ont ainsi récolté un chiffre d'affaires de 7 332 millions d'euros en 2013 (source fédération des assurances–FFSA).

Et pourtant les banques sont plus chères

En 2013, 89 % des contrats étaient « souscrits par un établissement de crédit pour le compte de leurs clients », alors que 11 % étaient signés « en délégation d'assurance », c'est ce que rapporte la FFSA. Et pourtant a garanties équivalentes, les cotisations des banques sont généralement 2 fois plus chères, car elle s'applique sur le montant emprunté, tandis que les formules de leurs concurrentes s'appliquent sur le capital restant dû.

Dans ce cas pourquoi les emprunteurs n'iraient-ils pas choisir les contrats en délégation ? Mais parce que les banques s'accrochent bien sûr.

L'équivalence des garanties

Si une banque n'a pas le droit d'imposer son propre contrat d'assurance de prêt immobilier, elle peut refuser ceux de la concurrence au prétexte que les garanties amenées ne sont pas suffisantes. C'est dans cette optique que le CCSF (Comité Consultatif du Secteur Financier) a imposé la présence d'une fiche d'information standardisée, destinée à harmoniser les garanties de l'assurance emprunteur.

Cependant les banques peuvent faire traîner l'étude du dossier, jusqu'à lasser les candidats emprunteur, généralement tenus de respecter le délai de la promesse de vente qu'ils ont signée. C'est dans cette optique que la loi Hamon leur permet d'accepter la proposition de la banque, mais d'en changer sans préavis dans les 12 mois suivant la signature.

Et pour renforcer davantage la protection du consommateur, depuis jeudi dernier une banque doit remettre la fameuse fiche d'information standardisée à toute personne lui demandant un crédit immobilier.

Et pourtant les choses pourraient ne pas se dérouler aussi facilement dans la réalité.

L'UFC - Que Choisir constate des irrégularités

Les banques s'accrochent à l'assurance emprunteur

Lors d'un communiqué paru sur son site, l'association de consommateurs constate que les banques ne jouent pas le jeu, et font de la résistance face aux mesures mises en place pour protéger l'emprunteur. Suite à un appel à témoin, UFC - Que Choisir a analysé 45 réponses d'établissements bancaires, contenant des excuses plutôt inattendues.

Ainsi certaines exigent que la lettre de changement d'assurance de crédit immobilier, soit envoyée par l'emprunteur lui-même. Une requête plutôt étonnante, quand on sait qu'un courtier en assurances est justement mandaté par son client pour conduire les démarches à sa place. Il semblerait que certaines banques demanderaient même à leurs emprunteurs de résilier d'abord leurs polices d'assurance en cours, avant d'en souscrire une nouvelle.

Se pose alors le problème du défaut d'assurance, qui pourrait non seulement mettre le patrimoine de l'accédant à la propriété en danger, mais surtout le placer en marge de ses engagements à être assuré sur ses mensualités…

Quand l'UFC - Que Choisir saisit l'ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Régulation)

Face à ces irrégularités constatées, l'association de consommateurs a décidé de saisir l'ACPR, comme ses statuts le lui autorisent. Ses responsables pointent notamment du doigt l'annonce de la fédération des banques, précisant que le système de la fiche d'information standardisée pourrait entrer en application au plus tard au 1er janvier 2016. Et pourtant un décret paru au Journal Officiel impose son utilisation dès le 1er octobre 2015.

Dans la pratique l'ACPR n'a pas la possibilité de mettre les banques à l'amende, elles pourraient toutefois les amener à cette issue en saisissant la justice. Mais UFC - Que Choisir n'écarte pas la possibilité de porter plainte par elle-même, comme son statut d'association de consommateurs le lui permet.

La souscription d'une assurance emprunteur aujourd'hui

Une aide dans la négociation du taux immobilier

Depuis l'arrivée de la loi Lagarde en 2010, interdisant aux banques d'imposer leur propre contrat d'assurance crédit, une porte s'est ouverte à la négociation. Dans la pratique un courtier en prêt immobilier agi pour le compte de son client, et recherche les contrats les plus adaptés à sa situation et à ses attentes. Il peut donc utiliser l'argument « mon client accepte votre contrat d'assurance, même s'il est plus cher, mais vous baissez votre taux ».

Ou au contraire « mon client dispose d'une bonne capacité d'épargne, il est prêt à domicilier son compte bancaire chez vous, mais à condition qu'il choisisse un contrat en délégation ». Cet exercice d'équilibriste entre la position d'offreur et de demandeur varie en fonction des banques, et surtout en fonction de leur politique commerciale, qui peut varier rapidement.

En profiter pour mieux protéger sa famille

Le fait de pouvoir choisir un contrat d'assurance crédit, permet également d'augmenter les garanties afin de mieux protéger les intérêts de l'emprunteur. Par exemple les travailleurs non salariés peuvent être intéressés par des garanties prenantes en charge leur quotité du prêt immobilier, même lorsqu'ils sont atteints d'une invalidité partielle temporaire.

Il est également possible pour celui du couple qui perçoit le plus de revenus, de s'assurer à une quotité jusqu'à 200 %. Ainsi en cas d'incapacité de sa part, l'assureur prendrait en charge la totalité des mensualités.