La nouvelle donne de l’investissement : le crowdfunding immobilier

Après l’investissement locatif et les SCPI, le crowdfunding immobilier serait-il en train de devenir une méthode d’investissement prisée des particuliers ? Ce marché récent aligne pour le moins des chiffres impressionnants, et attire de plus en plus petits et grands investisseurs en affichant des promesses de rendement qui frôlent l’absurde (entre 8 et 12 % en moyenne !). Revue de détail.

Quand l’immobilier s’invite dans le crowdfunding

Le crowdfunding est désormais un terme connu, popularisé par les plateformes comme Kickstarter ou My Major Company : chaque particulier devient un investisseur à petite échelle en finançant le projet (artistique, technologique) d’individus ou d’entreprises. Le don se fait avec ou sans contrepartie, sous forme de financement participatif en capital, ou sous forme de prêt participatif.

Depuis 2014, un nouveau mode de financement s’invite dans le monde du participatif hexagonal. Le crowdfunding immobilier s’appuie sur le fonctionnement des plateformes participatives pour proposer aux particuliers d’investir dans des projets immobiliers. Il suffit, en substance, de participer à une levée de fonds (via une plateforme dédiée) et d’attendre le retour sur investissement – sans avoir jamais besoin de voir la couleur d’un immeuble ou d’une maison.

Quelques chiffres

Dans les faits, quels résultats donnent le crowdfunding immobilier ? Les opérations de financement participatif dans le domaine immobilier ont-elles vraiment permis de lever des sommes importantes et de pousser le développement de projets ? En mars 2016, la plateforme d’equity crowdfunding Anaxago a publié les résultats de son baromètre France. Ces données, estimées à partir des publications de toutes les plateformes de crowdfunding immobilier en activité, offrent un point de vue privilégié sur ce territoire très récent :

  • On compte plus de 150 projets immobiliers financés par le biais du crowdfunding depuis 2014. Paris a lancé 12 projets, tandis que Montpellier est la première ville de France en termes de montants collectés.
  • En tout, ce sont 48 millions € qui ont été collectés via les plateformes de crowdfunding immobilier (sur 13 sites actifs). 3 432 logements ont été construits par ce biais, et quelques 6 800 emplois ont été créés ou conservés.
  • En moyenne, chaque projet est financé à hauteur de 320 000 €.
  • Le taux de rendement moyen par projet est de 8,4 %.

On pourrait objecter que ces chiffres offrent un instantané d’une période assez longue (deux ans). Or, que se passe-t-il sur ce marché depuis le début de l’année 2016, et alors que le crowdfunding immobilier commence à se démocratiser, ou du moins à titiller l’intérêt d’un plus grand nombre de particuliers investisseurs ? Le site Crowdlending a publié un autre baromètre, prenant la mesure des investissements entre janvier et août 2016. Voici quelques-uns des chiffres relevés :

  • 80 projets ont été financés depuis le début de l’année 2016, via 16 plateformes, contre 44 projets en 2015.
  • 36 millions € ont été collectés sur la même période.
  • Le montant moyen de l’investissement participatif par projet est de 452 000 €.
  • Le taux de rendement moyen est de 9,9 %.
  • La durée moyenne d’investissement est courte : 17 mois.

On le voit : le crowdfunding immobilier est une affaire qui marche bien depuis le lancement des premiers projets participatifs en 2014.

Pourquoi un tel engouement ?

Récent, le crowdfunding immobilier s’est pourtant déjà bien installé dans le paysage de l’investissement dans la pierre. Comment expliquer un tel engouement ?

D’abord, par les promesses de rentabilité. Avec des rendements allant de 7 à 15 % et une moyenne de 8,3 %, l’investissement participatif dans l’immobilier arrive loin devant les classiques livret A (0,75 %), PEL (1 %) et assurance-vie (2,5 % en moyenne). Bien sûr, il y a des risques, mais avec des rendements aussi attractifs, ils sont inévitables. Attention, toutefois : on parle de rendements nets de frais, mais pas nets d’impôts. Les revenus ainsi générés sont soumis à une fiscalité classique, compensée par zéro avantage fiscal.

Ensuite, par la possibilité donnée à tout un chacun d’investir dans l’immobilier à son échelle. Le ticket d’entrée dans le crowdfunding immobilier est à 1 000 €, ce qui permet à nombre de petits investisseurs de participer. L’investissement moyen est seulement de 20 000 €.

Également, les modalités attractives de ce type d’investissement constituent un argument fort. D’une part, le financement participatif immobilier est de courte durée : entre 1 à 3 ans, ce qui permet de toucher rapidement les bénéfices de son investissement. D’autre part, il offre une grande diversité dans les investissements : immobilier d’habitation, immobilier professionnel, etc.

Enfin, les professionnels de l’investissement s’y mettent aussi. Profitant des taux d’emprunt extrêmement bas, les investisseurs traditionnels s’intéressent de près à ce mode de financement. Même les banques sont de la partie, notamment via la création de partenariats avec les plateformes participatives.

Les différents types de financement

Il existe 4 types de montages pour le crowdfunding immobilier en France. Les voici dans le détail :

  • Montage d’une SCI : les investisseurs obtiennent des parts de la Société Civile Immobilière en fonction des sommes investies. C’est une forme de financement particulièrement prisée des plateformes de crowdfunding immobilier. Homunity fonctionne de cette manière.
  • Création d’une holding avec part dans une SCCV : les investisseurs donnent naissance à une holding qui prend elle-même des parts dans une Société Civile de Construction Vente (SCCV) créée par le promoteur immobilier. La holding limite le risque de financement à la perte de l’investissement initial. La commercialisation totale des lots est une condition sine qua non au succès de l’entreprise – et à la récupération de l’investissement agrémenté d’une plus-value. La plateforme Anaxago fonctionne sur ce mode.
  • Émission obligataire sur une holding détenant des parts dans une SCCV : sur les bases du montage précédent, la holding emprunte elle-même les fonds nécessaires par le biais d’une émission obligataire. Les investisseurs financent cette émission. Le promoteur verse des intérêts d’emprunt aux investisseurs, et reverse le capital et les intérêts une fois que tous les lots ont été commercialisés. WiSEED fonctionne sur ce mode.
  • Émission obligataire pour une SAS : une SAS est créée à l’occasion de la levée de fonds et prend en charge le projet immobilier, en empruntant de l’argent aux investisseurs sous la forme d’une émission obligataire. Seule la structure juridique change par rapport au montage précédent, puisqu’une fois les lots vendus, l’investisseur récupère sa mise augmentée des intérêts d’emprunt. Lymo fonctionne sur ce mode.

(Source : Immo2)

Quels sont les risques du crowdfunding immobilier ?

Avec des taux de rentabilité qui frisent le délire et des investissements à court terme, il doit bien y avoir anguille sous roche du côté du crowdfunding immobilier. Où est le problème ? L’investisseur prend-il le risque de ne jamais revoir son capital ?

La jeunesse du marché rend difficile l’évaluation de ces risques. Les plateformes se protègent au mieux, par exemple en indiquant un délai de 6 mois d’allongement des travaux pour palier d’éventuels retards dans la construction. À ce jour, aucun scandale petit ou grand n’est venu entraver la course triomphale du crowdfunding immobilier, y compris aux États-Unis et en Angleterre où il existe depuis bien plus longtemps qu’en France.

Néanmoins, comme tout investissement, le crowdfunding immobilier comporte des risques. Ceux-ci concernent principalement : l’incapacité du promoteur à commercialiser tous les lots du projet ou son éventuelle faillite, auxquels cas l’investisseur perd sa mise de départ ; et la disparition de la plateforme utilisée, ce qui ne remet pas en cause l’investissement dans un actif qui existe toujours. En réalité, le particulier qui souhaite investir par ce biais doit surtout faire attention à 3 choses :

  • La solidité du promoteur. Les promoteurs cherchent à convaincre les particuliers de financer des projets immobiliers, ils usent donc de tous les arguments en leur faveur. À chacun de vérifier la solidité de ces professionnels du secteur, qui sont souvent des acteurs régionaux.
  • Le sérieux de la plateforme. L’investisseur doit vérifier l’existence d’un filet de sécurité : l’agrément de l’AMF, dont le label doit être affiché sur le site de la plateforme. Aujourd’hui, une douzaine de plateformes sont agréées (sur 26 actives en 2015).
  • Le sérieux du projet. Il ne faut pas hésiter à regarder quel promoteur se cache derrière un projet, et pourquoi pas suivre les avis des professionnels de l’investissement qui, en tant qu’acteurs installés dans ce secteur, savent de quoi ils parlent.

Enfin, on notera que la démocratisation du crowdfunding immobilier s’accompagne d’une solidification du secteur : la start-up toulousaine Lymo a récemment signé un accord capitalistique avec Bouygues. C’est un signe que les géants de la promotion immobilière en France s’intéressent à ce mode de financement. Et que le crowdfunding immobilier a de beaux jours devant lui.