Déconfinement et hausse des taux des crédits immobiliers : quelles conséquences pour les emprunteurs ?

Les Français continuent de se passionner pour la pierre, c’est un fait. Le confinement n’a pas eu raison de leur intérêt pour l’immobilier. Et ils sont plus que jamais prêts à investir dans l’achat de leur résidence principale ou dans des biens locatifs. Cependant, il y a un obstacle à leur optimisme et leur volonté d’acheter un appartement ou une maison : la hausse des taux de crédits immobiliers. De plus, les conditions d’octroi de crédit se sont durcies et il y a une baisse du taux d’usure. Ces conditions bloquent de plus en plus de dossiers. Alors que le secteur de l’immobilier redémarre, les banques semblent faire obstacle à cette relance. Quelles sont donc les conséquences pour les emprunteurs ? C’est ce que nous allons voir dans cet article.

Des conditions d’octroi de prêt immobilier plus dures qui pénalisent les futurs investisseurs

Fin 2019, les taux d’intérêts des crédits immobiliers avaient atteint leur niveau historique le plus bas. Ceci avait dynamisé le secteur de l’immobilier et facilité les démarches pour les investisseurs. Les banques avaient prêté plus de 250 milliards d’euros aux investisseurs. Et le marché avait ainsi totalisé plus d’un million de transactions immobilières. Les conditions d’octroi des crédits étaient donc plus qu’avantageuses, même pour les primo-accédants.

Souvenez-vous aussi que fin 2019, le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) avait donné de nouvelles directives aux banques. Jugée trop laxistes vis-à-vis des conditions d’octroi des prêts immobiliers, ces dernières ont du se plier aux nouvelles règles imposées par le HCSF. La première, c’est un taux d’endettement maximal de 33%. La deuxième, c’est une durée d’emprunt ne pouvant excéder 25 ans.

Mais aujourd’hui, entre ces règles appliquées à la lettre par les banques et la crise que nous venons de traverser, les conditions d’octroi de prêt immobilier ont de réelles conséquences pour les futurs investisseurs.

« Si les taux moyens sont de 1,55 % sur 25 ans, certains emprunteurs avec moins de 40 000 € de revenus obtiennent plutôt des taux proches de 2 %. En ajoutant l’assurance de prêt, les frais de garantie et de dossiers, le TAEG - taux annuel effectif global - dépasse alors le taux d’usure qui est de 2,51 % et le dossier est alors refusé » explique Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer.

« On observe un durcissement global des conditions d’octroi au travers des profils d’emprunteurs refusés, sont plus qualitatifs qu’en 2019. On le constate tant sur les revenus et l’apport moyens, en hausse en 2020 chez les emprunteurs considérés comme « non finançables », que sur les durées des prêts refusés, en baisse de 7 mois en seulement 1 an… » complète Sandrine

Les nouveaux exclus du marché immobilier 

En tout état de cause, les premières victimes des nouvelles règles de du HCSF et de la crise du Covid-19 sont les primo-accédants et les investisseurs locatifs. Les primo-accédants s’endettent généralement sur les périodes les plus longues. Et n’ont généralement pas un apport personnel élevé. Donc ils empruntent le maximum de ce qu’ils peuvent sur les durées les plus longues acceptées. Les anciennes conditions d’emprunt étaient donc idéales pour ce profil d’acquéreurs. Mais ils se retrouvent aujourd’hui dans la zone rouge et peuvent se voir refuser leurs projets de financement immobilier.

Concernant les investisseurs locatifs, il en va de même, mais avec une autre problématique. Les revenus locatifs étaient jusque-là pris en compte dans le calcul du taux d'endettement. Ainsi, sans avoir un apport de départ, un investisseur pouvait obtenir un financement sans difficulté, tout en restant dans la limite du taux d’endettement maximal. Mais aujourd’hui, la crise sanitaire que nous venons de traverser a changé la donne. L’investissement locatif peut ne plus être perçu comme une nécessité et les banques peuvent ainsi refuser des dossiers.

Pour illustrer cela, prenons l’exemple d’une agence Vousfinancer qui vient de recevoir un refus de prêt pour un dossier. Celui-ci aurait pu être financé sans problème en début d’année, avant la crise Covid-19.

Le profil de ce couple est le suivant :

42 et 41 ans, mariés, 2 enfants, ingénieur et assistante RH

Revenus : 84 000 euros par an

15 000 euros d’épargne

Projet : Achat de leur résidence principale à 360 000 euros.

Taux d’endettement à 25 %

Taux proposé avant le confinement : 1,65 % sur 25 ans (TAEG : 2,42%) mais passé à 2,10 % mi-mai (TAEG : 2,86%)

TAEG supérieur au taux d’usure (2,51%), donc refus de la banque

L’analyse de contexte par Sandrine Allonier est édifiante : « La baisse des taux d’usure dans un contexte de remontée des taux de crédit est un problème majeur. C’est l’effet collatéral des recommandations du HCSF qui ont conduit les banques à privilégier les meilleurs profils. On s’engouffre actuellement dans un cercle vicieux : comme le taux d’usure est à un niveau historiquement bas, certains dossiers d’emprunteurs ne passent plus, donc le taux qu’ils auraient dû obtenir n’est pas pris en compte dans le calcul du taux d’usure du trimestre suivant qui se base donc seulement sur les dossiers acceptés ! Donc le taux d’usure augmente plus lentement que les barèmes affichés par les banques, qui doivent de ce fait, elles aussi, limiter la hausse des taux, avec un impact sur la rentabilité des prêts qu’elles accordent. »

Ainsi, comme nous venons de le voir, les conséquences pour les futurs emprunteurs sont bien réelles et tangibles. Reste à savoir si pour relancer l’activité dans le secteur immobilier le HCSF et les banques assoupliront les conditions d’octroi. Cela afin de permettre à ceux qui pouvaient emprunter en début d’année et qui aujourd’hui se retrouvent exclus, de donner de nouveau vie à leur projet immobilier.


Sandra PETRICEVIC