Fichier positif, le pour et le contre

La création du Registre National des Crédits aux Particuliers (RNCP) a été voté par le Sénat vendredi 13 septembre. Ce fichier devrait donc entrer en action fin 2014, si aucun retard n'est à déplorer. Il était initialement prévu qu'il recense tous les prêts à la consommation et emprunts immobiliers des particuliers. Les banques et organismes de crédit l'auraient ainsi consulté afin de déterminer le taux d'endettement actuel de leurs clients. Au final, les données ne comprendront que les prêts à la consommation. Dommage car la version belge, plus complète, donne de très bons résultats.

RNCP ou fichier positif

Le RNCP a pris le nom commun de « fichier positif ». Cette expression est dérivée du fait que le seul fichier des crédits existant est le Fichier des Incidents de Crédit aux Particuliers (FICP) de la Banque de France. Or, il est négatif d'y être inscrit. Par opposition, on a donc apposé l'étiquette de « positif » au Registre National des Crédits aux Particuliers.

À quoi servira le fichier positif ?

À l'information

La volonté de créer un fichier réunissant les données relatif aux crédits des particuliers n'est pas nouvelle. Elle fait suite aux besoins qu'ont les banques et sociétés de crédit d'examiner la situation financière des candidats emprunteurs. Actuellement, lorsqu'un particulier vient demander un prêt, les établissements financiers qui l'accueillent doivent faire en sorte que son taux d'endettement final ne dépassera une certaine limite. Chez les banques, cette limite est de 33 % des revenus imposables nets. Les sociétés de crédit pratiquent chacune leur propre politique. Certaines vont jusqu'à 40 %, d'autres ferment complètement les yeux.

De quels outils dispose-t-on actuellement ?

Actuellement, lorsqu'un établissement financier veut déterminer le taux d'endettement d'un particulier, il épluche ses relevés de comptes bancaires. Pour cela il peut interroger le Fichier des Comptes Bancaires et Assimilés (FICOBA), qui lui permettent de déterminer tous les comptes bancaires que possède son client. Il peut alors lui réclamer les relevés des comptes en question, et pointer les paiements relatifs à des mensualités. De là, il déduit le taux d'endettement actuel du demandeur.

Des crédits souscrits trop vite dans la pratique

Lorsqu'un emprunteur vient demander un prêt à la consommation dans un établissement financier qui ne le connaît pas, les conseillers ont le temps d'étudier sa situation. On lui demande d'apporter certaines preuves de revenus, et l'on évalue ensemble sa capacité d'emprunt. Dans la réalité, lorsqu'un particulier arrive dans une grande surface pour acheter un bien de consommation à crédit, les contrôles sont quasiment inexistants. Au mieux, on lui demandera de revenir avec des fiches de paie.

Or, la surconsommation de crédits est particulièrement liée aux achats impulsifs, sans aucun contrôle de la part des établissements financiers prêteurs. À cet égard la création d'un fichier positif prend tout son intérêt, et pourtant il est peu probable que le Registre National des Crédits aux Particuliers résolve le problème du surendettement.

Le surendettement en France

Le surendetté n'est pas majoritairement responsable

220 000 dossiers de surendettement ont été déposés au cours de l'année 2012. Sur ce nombre, un maximum de 20 000 est lié à une surconsommation de crédits. Les 200 000 autres ont été causés par des accidents de la vie. Licenciement, maladie, un mauvais événement vient causer une diminution des revenus.

Le fichier positif et le surendettement

Dès lors que l'on comprend que la majorité du surendettement en France a été causée par un accident de la vie, le fichier positif prend moins de sens. On pense bien entendu aux 20 000 particuliers à qui des établissements de crédit ont prêté sans précaution, mais là-encore un argument de poids vient freiner l'enthousiasme des défenseurs du consommateur.

À quoi servira un fichier permettant de déterminer rapidement le taux d'endettement d'un client, si la Loi n'impose pas de taux d'endettement maximum ? Au cas où une société de crédit a prêté à risque, sera-t-elle tenue responsable ? C'est là-où l'exemple belge entre en jeu, en mettant en avant la réussite de son propre fichier positif.

La réussite du fichier positif belge

Le fichier de la Centrale des Crédits aux Particuliers (CCP)

Le fichier positif belge est géré par la Centrale des Crédits aux Particuliers (CCP). Il a été créé en 1993, mais n'a intégré la totalité des financements des ménages qu'en 2003. Y sont inscrits tous les emprunteurs ayant souscrit des prêts à la consommation, prêts immobiliers et même ceux ayant une autorisation de découvert bancaire. Entre 2002 et 2008, on estime que le nombre de dépôt de dossier de surendettement en Belgique a baissé de 25 %. Là-où le montant moyen des arriérés d'un dossier de surendettement est d'environ 45 000 € en France, il est de 15 000 € en Belgique.

L'application de la méthode belge en France

Si la création d'un fichier positif français a été voté par le Sénat en septembre 2013, on est tout de même loin de la version initialement prévue. Au départ, le Registre National des Crédits aux Particuliers devait inclure les prêts immobiliers et prêts à la consommation sous toutes ses formes. Il ne comprendra finalement que les prêts à la consommation afin de le mettre plus rapidement en place. Ce timide début permettra de n'inscrire que 10 millions  de personnes au fichier positif, contre 25 millions si l'on devait ajouter les prêts immobiliers.

Mais surtout, les prêts renouvelables non-utilisés ne seront pas inscrits dans la première version du fichier positif.

Fichier positif, il faudra attendre

Dans sa version primaire, qui devrait voir le jour fin 2014, le fichier positif français ne représentera pas un outil majeur pour les professionnels du crédit. S'il s'agit incontestablement d'une bonne idée, plusieurs points en limiteront l'efficacité.

Premièrement, les courtiers en crédit n'y auront pas accès. Et pourtant ils pourraient joindre un relevé du fichier à l'attention de leurs partenaires financiers, pour gagner du temps dans l'avancée du dossier.

Deuxièmement, le fait que les lignes de crédit renouvelable non-utilisées n'y figurent pas, fait perdre au fichier positif de son efficacité. Car on sait pertinemment que l'utilisation de prêt revolving est le premier pas qui mène au surendettement.

Au final, les banques et sociétés de crédit devront donc toujours interroger le FICOBA pour obtenir une vue globale de l'endettement de leurs clients.

Le monde ne s'est pas fait en un jour. Il arrivera bien un moment où le fichier positif français sera complet, à l'instar du CCP belge. Les professionnels de la finance aux particuliers disposeront alors d'un outil complet pour mieux établir un dossier de demande de prêt. Il n'est tout de même pas évident que le fichier positif permette de diminuer le surendettement de façon notable.