Immobilier de prestige : en plein boom à Paris, en Provence et sur la Côte d'Azur

Le marché de l’’immobilier de prestige reprend des couleurs : augmentation du nombre de transactions, retour des Américains et des Britanniques, investissement dans la pierre parisienne de la part des Français expatriés à Londres, Genève ou Bruxelles. De son côté, la clientèle française résidente n’est pas en reste. Mais le faible niveau du stock de biens à vendre ne permet pas de satisfaire toutes les demandes et alimente la hausse des prix. Qui sont ces acquéreurs fortunés qui trouvent leur bonheur ? Quelles sont leurs motivations ? Quelles sont les perspectives du marché immobilier haut de gamme d’ici 2020 ? Analyse des professionnels.

Le soleil brille sur le marché immobilier de prestige parisien. En témoigne les chiffres des principaux acteurs de l’immobilier de luxe, réunis le 23 juin à l’occasion d’une table ronde afin de commenter la dernière étude de Lux-résidence.com, concernant les tendance de l’immobilier de prestige. Patrice Besse, John Taylor, Coldwell Banker France et Monaco, le Groupe Daniel Féau, Emile Garcin et Barnes étaient présents. Tous confirment que la tendance des prix est à la hausse et que les ventes ont fait un bond au 1er semestre 2017, principalement à Paris, mais aussi en Provence et sur la Côte d’Azur.

Vue sur la Tour Eiffel : près de 30 000 euros le mètre carré

Chez Coldwell Banker, les ventes sont en progression de 16% en un an. « L’activité est très soutenue pour les appartements compris entre 800 000 euros et 1,5 million d’euros. Pour ce type de biens, la clientèle est exclusivement française. Le vecteur de décision reste les taux d’intérêt toujours très attractifs », souligne Laurent Demeure, président de Coldwell Banker France & Monaco. Mais « au-delà de 2 millions d’euros, les acquéreurs se préoccupent peu des taux et regardent davantage la fiscalité et la parité monétaire », précisent les professionnels. Coldwell Banker vient de vendre à un Français expatrié à Genève, un très bel appartement d’une superficie de 250 mètres carrés dans le VIIe arrondissement parisien, avec vue imprenable sur la Tour Eiffel pour près de 30 000 euros le mètre carré, soit 7 millions d’euros. Emile Garcin, pour sa part, vient de réaliser en Provence « trois belles ventes en 3 semaines, entre 7 et 12 millions d’euros à deux Britanniques et à un Américain », rapporte Nathalie Garcin.

Investir aux quatre coins de la planète

A noter que la tendance est de plus en plus à la mobilité et les personnes très fortunées n’hésitent pas à diversifier leurs actifs en investissant aux quatre coins de la planète. Il faut dire qu’aujourd’hui, contrairement à 50 ans en arrière, le développement des transports aériens facilite cette démarche. Un privilège que peuvent s’octroyer les supers-riches. Ainsi « un client Russe possède sa résidence principale à Moscou, une propriété en Toscane, un appartement à Miami pour l’hiver et un appartement à Paris pour les week-ends », confie Coldwell Banker.

4 ventes par jour

En termes de volumes de transactions, même constat chez Daniel Féau qui enregistre à Paris et dans les belles communes de l’ouest parisien (Neuilly-sur-Seine, Boulogne-Billancourt et Saint-Cloud) 15% de ventes en plus en un an. Depuis 2 mois, leurs quinze agences parisiennes réalisent même au total 4 ventes par jour, ce qui est révélateur d’une activité soutenue. « Nous avons vendu plusieurs biens à plus de 10 millions d’euros. Notamment un bien d’exception localisé en rez-de-jardin à proximité du Champs de Mars », précise Nicolas Pettex-Muffat, directeur général du Groupe Daniel Féau. Pour rappel, l’an dernier, il avait vendu à des Français un hôtel particulier somptueux, situé sur la place des Vosges à plus de 30 millions d’euros.

Demande à Paris : 50% de Français et 50% d’étrangers

Patrice Besse qui affirme avoir réalisé autant d’affaires au 1er semestre 2017 que sur toute l’année 2016, vient de vendre à des Français un hôtel particulier près du Trocadéro, à 6 millions d’euros. La preuve que la clientèle française n’est pas en reste. Selon lui, « à Paris, les demandes émanant des Français représentent 50%, soit autant que les étrangers. Nous avons des demandes importantes faites par des Français. Dernièrement, l’un d’eux a acheté très rapidement un appartement à presque 4 millions d’euros dans le Marais ».

Effet pro-Macron ?

Y aurait-il un effet Macron qui booste le marché immobilier de prestige ? Selon le Cabinet Daniel Féau, « depuis l’élection de notre nouveau Président, tout se passe comme si la France, décrite comme un enfer fiscal il y a quelques années, était devenue le jardin d’Eden ».

Pour rappel, en 2012, suite à l’élection de François Hollande, les étrangers prenaient leurs jambes à leur cou et boudaient la France perçue comme un enfer fiscal. Selon les professionnels, les Britanniques et les Américains reviennent aujourd’hui en force. « Certes nous constatons le retour des Américains qui avaient d’ailleurs complètement disparus depuis les attentats perpétrés en France en 2015 », confirme Nicolas Pettex-Muffat. « Par contre, les acquéreurs donnant une adresse à Londres ne sont pas forcément des Britanniques mais en majorité des Français expatriés à Londres », nuance-t-il. Et ces expatriés se ruent sur les appartements parisiens. D’ailleurs, chez Daniel Féau, la part des non-résidents a doublé ces derniers mois. Mais quelles sont leurs motivations ?

Patrimoine immobilier investi en euro et à Paris : une double valeur sûre

 « Pour un Français expatrié à Londres, il est judicieux de diversifier ses actifs et de se positionner sur de l’immobilier en euro. Depuis le Brexit, les Français de Londres craignent que la livre soit davantage chahutée sur les marchés monétaires avec une Grande-Bretagne en dehors de l’Europe qu’avec une Grande-Bretagne dans l’U.E », analyse Nicolas Pettex-Muffat.

Parmi les pays actuellement les plus attractifs sur le marché international de l’immobilier de prestige, la France rafle la troisième place du podium avec un résultat de 42%, en nette progression de 6% en un an, derrière le Portugal et l’Espagne avec respectivement un résultat de 45 et 44%, par contre tous deux en recul par rapport à juin 2016, selon la dernière étude de Lux-residence.com.

Le tweet raté de Donald Trump

Certes, « la politique pro-business défendue par un jeune Président comme Emmanuel Macron rassure les étrangers », admet Laurent Demeure. Mais ce ne serait pas le seul motif qui pousse les Américains à investir à Paris. En outre, le tweet de Donald Trump posté en février dernier à propos de son ami Jim qui dit « Paris n’est plus Paris », et ne souhaite plus venir à dans la capitale, n’a nullement fait de tort au marché de l’immobilier de prestige parisien. Bien au contraire ! « Paradoxalement, depuis ce tweet, il n’y a jamais eu autant d’Américains qui investissent à Paris », affirme Laurent Demeure.
Il faut dire aussi que les Américains sont attentifs à la parité euro/dollar. « Comme le dollar a atteint des sommets, les Américains profitent du taux de change qui leur est actuellement favorable », observe-t-il. 

Pénurie d’appartements entre 1 et 2 millions 

Aujourd’hui les stocks sont restreints, notamment en ce qui concernent les beaux biens familiaux compris entre 1 et 2 millions d’euros. « Nous sommes dans un marché de pénurie. Nous ne pouvons satisfaire toutes les demandes. Le niveau du stock est comparable à celui constaté en 2012 », témoigne Nicolas Pettex-Muffat. Et d’ajouter « un bel appartement familial doté de 3 ou 4 chambres part dans la journée ». Ce déséquilibre entre l’offre et la demande exerce d’ores et déjà une tension sur les prix et alimente la hausse. « Les prix ont augmenté de 10% sur les 12 derniers mois », confirme-t-il. Et ils devraient poursuivre leur ascension dans les prochains mois, anticipent les professionnels de l’immobilier. En tout cas, « tant que les taux d’intérêt resteront bas, je ne vois pas comment les prix pourraient baisser », met en exergue Nicolas Pettex-Muffat, « sauf événement anxiogène majeur ».

Cycle haussier : apogée en 2020

Pour info le prix moyen au mètre carré s’approche actuellement des 9000 euros, selon Century 21. Laurent Demeure table sur une évolution des prix au mètre carré dans Paris intra-muros autour de 10 000 euros d’ici 2 ans. « Si l’on mise sur une chute de la livre suite au Brexit, dans deux ans, 30 000 expatriés français à Londres (en comptant leur personnel, leurs assistants…) devraient logiquement rentrer en France et à Paris : autant d’acheteurs potentiels avec un pouvoir d’achat élevé », entrevoit Laurent Demeure. Mais comme les stocks à Paris intra-muros sont déjà restreints et ne sont malheureusement pas extensibles, cette hypothèse pourrait bel et bien accélérer la hausse des prix. Ainsi, « le cycle haussier devrait atteindre son apogée en 2020 », anticipe-t-il.

Etant donné qu’il n’y a pas de foncier disponible dans Paris intra-muros, la situation ne peut pas s’améliorer. « Nous ne sommes ni à New York ni à Londres où de nouvelles tours fleurissent régulièrement. Il y a peu de chance qu’une nouvelle tour haut de gamme sorte de terre avenue Montaigne dans les prochains mois », regrette Nicolas Pettex-Muffat. Dommage car à cette adresse prestigieuse, « les biens partiraient très facilement », surenchérit Laurent Demeure.

VIIe arrondissement : Hôtel particulier à vendre à 50 millions d’euros

D’ailleurs, le rare projet neuf d’exception baptisé Villa Grenelle, situé au 140 de la rue éponyme s’est très bien vendu malgré les tarifs les plus élevés de la capitale qu’il affichait : jusqu’à 33 000 euros le mètre carré ! « Il reste un seul appartement à vendre et un hôtel particulier ultraluxe proposé à presque 50 millions d’euros », confie Nicolas Pettex-Muffat, en charge de la commercialisation de ce programme d’exception chez Daniel Féau-Belles Demeures de France.

Coup d’arrêt à Londres et atterrissage en vue à New York

On a coutume de dire lorsque les prix atteignent des sommets que les arbres ne poussent pas jusqu’au ciel, sous-entendu que les prix doivent finir par redescendre un jour. Justement c’est ce qui est en train de se passer à Londres et à New York. « L’immobilier dans central London a enregistré une baisse des prix de l’ordre de 11% en 2016 alors qu’en 10 ans les prix avaient connu une croissance de 200% ! Un véritable coup d’arrêt qui a conduit les investisseurs britanniques à miser sur Paris, qui est encore en cycle bas. Pour info, le marché américain de l’immobilier de luxe est également en train de se retourner. En effet, les délais de vente s’allongent et les négociations vont bon train, entre 5 et 7% : autant de signes avant-coureurs d’un atterrissage du marché imminent », analyse Laurent Demeure.

De l’intention aux actes

En France, l’effet Macron suscite certes de l’optimisme mais « un optimisme mesuré », considère Laurent Demeure, « car si dans un premier temps, l’arrivée au pouvoir d’un jeune Président prônant une politique pro-business a été un signal positif pour les étrangers, dans un second temps, Emmanuel Macron va devoir mettre en œuvre ce qu’il a promis et passer de l’intention aux actes. Il va être observé sur la politique fiscale qu’il va mettre en œuvre car même si Paris reste attractive, la fiscalité constitue toujours un frein. Emmanuel Macron sera également observé sur la loi sur le travail. En effet, il va devoir réviser le code du travail afin de faire venir à Paris tout le business qui est aujourd’hui à Londres. Ce sont des emplois de très bons niveaux à relocaliser et ces gens vont devoir s'installer. Par ailleurs, les investisseurs aiment la stabilité, la sécurité et la lisibilité. Des avantages qu’offre aujourd’hui la ville de Francfort. Ce n’est pas un hasard si, notamment Goldman Sachs compte s’y installer », souligne Laurent Demeure. « Francfort s’accroche bien sur le Brexit. Dans cet environnement ultra concurrentiel, la France a une carte à jouer ». Paris peut-elle l’emporter sur Francfort ? C’est tout l’enjeu.

 Alexandra Boquillon