Immobilier : après un bilan 2017 exceptionnel, quelles sont les perspectives pour 2018 ?

2017 est une année record, en termes de transactions réalisées, de montant moyen investi par les Français pour acquérir un logement et de superficie achetée. Mais le dynamisme du marché, comme la hausse des prix, se sont essentiellement concentrés au premier semestre. Au second semestre, une décélération de la hausse des prix est observée. Analyse croisée de Century 21, Meilleursagents et SeLoger/LPI.

L’année 2017 est incontestablement une année historique pour l’immobilier. Le volume de 958 000 transactions (Notaires) dans l’ancien marque un record de fluidité. Pour la 3e année consécutive, le Réseau CENTURY 21 enregistre une progression du nombre des ventes (+6,5% en 2017, par rapport à 2016). 2017 a été une année exceptionnelle avec une hausse importante des volumes de transactions (+10%) dans un contexte de maintien des taux à des niveaux extrêmement bas, confirme Meilleursagents.

Les volumes ont fait un bond au premier semestre

Cette hausse des transactions se concentrent uniquement sur le premier semestre. Selon LPI/SeLoger, l’année 2017 a très bien commencé, bénéficiant d’un environnement exceptionnel : au début du printemps, les ventes réalisées progressaient de plus de 12 % sur un an. Mais la hausse des prix des logements a déstabilisé la demande des ménages jeunes ou modestes.

Et après des mois d’été durant lesquels la progression des ventes s’est faite moins rapide (plus de 7 % sur un an, tout de même), la conjoncture a atterri durant l’automne.

L’année 2017 finit moins bien qu’elle n’avait commencé : + 2.5 % sur un an. Toutefois, jamais par le passé le marché n’avait eu à connaître un tel niveau d’activité.

2017 une année en deux temps

Les taux de crédit sont passés de 1,6% en moyenne sur 20 ans au 31 décembre 2016 à 1,85% en avril 2017. Le signal a été assez fort pour faire réagir, voire surréagir, des acheteurs soucieux de bénéficier des meilleures conditions de financement. Alors que les volumes de transactions baissaient régulièrement depuis 2013, le premier semestre 2017 s’est enflammé au point de compenser largement l’effet traditionnellement réfrigérant des élections présidentielles puis législatives.

Jusqu’à l’été, les acheteurs sont restés très actifs et pressés, pensant que les taux pourraient remonter. Après une légère augmentation, les taux ont rapidement retrouvé un niveau très bas. Au second semestre, ils ont été ramenés autour de 1,70% sur 20 ans et ont même continué à baisser se stabilisant autour de 1,50% sur 20 ans en ce début 2018. Rassurés sur la pérennité des conditions de financement, les acheteurs ont pris leur temps dès la rentrée pour réaliser de belles opérations, analyse Sébastien de Lafond, président de Meilleursagents.

Bordeaux un cas à part : hausse des prix 16,5% en un an

 Côté prix, l’augmentation moyenne de 2% en France cache le fort contraste entre Paris et la plupart des grandes villes de France qui connaissent une hausse relativement importante de leurs prix (+5% en moyenne) alors que les zones rurales voient leurs prix stagner (+/-0%), selon Meilleursagents. Les plus grandes villes de France (Paris + Top 10) peuvent être classées en trois groupes en fonction de leur dynamisme. Bordeaux est à part avec plus de 16% d’augmentation des prix en 2017. Les prix bordelais (3 700€/m²) ont dépassé en fin d’année le niveau de Lyon (3 600€/m²).

Deuxième groupe : Rennes (+3,4%), Nantes (+5,5%), Nice, Lyon (+7,7%), Paris(+5,8%) et Toulouse(+4 ,2%) qui avaient déjà retrouvé la croissance en 2016, ont confirmé en 2017 leur attractivité.

Troisième groupe : Marseille, Montpellier, Lille et Strasbourg restent à la peine avec des variations de prix comprises entre -2% et +2%.

Auto-régulation du marché : les acquéreurs n’achètent pas à n’importe quel prix

Laurent Vimont, Président de Century 21 France, précise que « les prix augmentent pour la 2ème année consécutive mais restent contenus, (+1,2% sur un an). Le prix moyen au m2 s’établit en 2017 à 2552€, encore loin du plus haut atteint en 2011 avec 2665€ le m2 ».

Selon les données de LPI/SeLoger, dans 16 % des départements, les prix au m² sont de moins de 1500 €, dans 33 % des départements, ils se situent entre 1500 et 2000 €, dans 23 % des départements, entre 2000 et 2500 €, dans 12 % des départements (dont 1 département francilien), entre 2500 et 3000 €, dans 11% des départements (dont 3 départements franciliens), entre 3000 et 4000 €, et dans 5 % des départements (tous franciliens), au-delà de 4000 €.

Sur l’année, le marché reste dynamique, les délais de vente le prouvent en raccourcissant encore (91 jours en moyenne), mais le ralentissement du nombre de transactions réalisées au second semestre montre bien que le marché s’auto-régule, les acquéreurs refusant d’acheter à n’importe quel prix. Nous sommes encore loin, très loin de la frénésie observée en 2004 où les délais de vente moyens avaient atteint le seuil plancher de 64 jours.

Les Français achètent le plus grand possible

Le Président de Century 21 France précise que « France entière, le montant moyen d’une transaction établit un record historique : 208 759€ en moyenne (202 510 € pour les appartements et 222 847€ pour les maisons) ». Les acheteurs profitent des conditions très favorables du crédit et s'endettent au maximum : ils allongent la durée de leur emprunt pour acheter le plus grand possible : la surface moyenne d’un bien acheté est de 86,2m2 en 2017 (58,4m2 pour les appartements et 114,7m2 pour les maisons), un nouveau record qui efface celui réalisé l’année dernière seulement. Même constat dans le baromètre LPI-SeLoger/janvier 2018, la surface habitable moyenne de logements anciens s’établit à 80,8 m² en France, 72,7 m² en Ile-de-France et 93,4 m² en Poitou-Charentes.

La situation de Rennes mérite de s’y attarder

La politique logement intelligemment appliquée par la municipalité de Rennes allie construction neuve, logement social et rénovation pour contenir la hausse des prix (+3,4%). Avec un taux de chômage (7%) inférieur à la moyenne nationale et un volume important de transactions immobilières de bureaux et locaux d’activité, Rennes confirme son dynamisme et son attractivité pour les entreprises. Une situation à suivre en 2018.

Envolée des prix parisiens : hausse spectaculaire de 43,5% en 10 ans !

Avec une hausse de +5,8% en un an, Paris reste une valeur sûre pour toutes les catégories d’acheteurs (investisseurs, primo accédants, étrangers…), souligne Sébastien de Lafond. Les grandes surfaces (3 pièces et plus) ont particulièrement vu leurs prix augmenter (+7,1%) alors que les studios et deux-pièces ont subi les effets de l’encadrement des loyers annulé tardivement en fin d’année avec une hausse limitée à +4,3%, selon les données de Meilleursagents.

Laurent Vimont note « qu’à Paris, les 9000 € du m2 sur l’année ont définitivement été franchis. Le prix moyen au m2 s’établit ainsi à 9084€ en 2017. Il a pris 7,5% sur un an et 43,5% en dix ans ! » Et même si les Parisiens sacrifient quelques m2 pour réaliser leur rêve, le montant moyen d’une transaction crève les plafonds : 452 545€ soit 200 000€ de plus qu’il y a onze ans ! Cette hausse des prix de 7,5% sur un an essentiellement concentrée sur le 1er semestre a eu pour effet immédiat un ralentissement de l’activité qui, sur l’année, recule de -8,7% par rapport à 2016. Ce coup de frein a provoqué une légère décélération de la hausse des prix parisiens au second semestre. Paris est cependant toujours en surchauffe, les délais de vente continuent de raccourcir pour s’établir à 57 jours ; ils sont cependant encore loin du plus bas observé en 2011. Un logement à l’époque se vendait en moyenne en un mois et demi (45 jours).

Un pouvoir d’achat parfois malmené : -15% en un an à Bordeaux

Avec les évolutions des prix et des taux, le pouvoir d’achat immobilier (nombre de m² achetable par un ménage moyen) a souvent été malmené en 2017 mais dans des conditions très contrastées selon les villes. Cité de tous les records, Bordeaux voit son pouvoir d’achat immobilier baisser de -15% en un an passant de 42 à 36 m². Lyon a été aussi chahutée avec une baisse de -8% soit 4 m² de pouvoir d’achat en moins. Nice, Paris et Nantes baissent de -6% en un an mais avec des impacts limités en termes de surface (-1 à -3 m²). Les ménages résidant à Montpellier, Lille et Marseille voient leur pouvoir d’achat inchangé.

Marseille : + 47% de pouvoir d’achat depuis 2011

Marseille est en ce début 2018 le champion du pouvoir d’achat alors qu’en 2011, un ménage moyen pouvait acheter 37 m² en 2011, il peut aujourd’hui acquérir 55 m² (+47%), tant les prix de la cité phocéenne ont chuté en 7 ans. Strasbourg a vu son pouvoir d’achat immobilier progresser sensiblement passant de 40 m² en 2011 à 51 m² aujourd’hui, soit +28%. Paris et Montpellier (+24%) comme Lille (+22%) et Nice (+19%) confirment, pour des raisons et dans des situations très différentes que le pouvoir d’achat immobilier a progressé depuis 2011. Enfin, Nantes (+12%), Toulouse (+11%) et Rennes (+9%) ont moins progressé. Bordeaux, toujours aussi exceptionnelle en termes de valorisation, a vu logiquement son pouvoir d’achat s’effondrer de -7% depuis 2011.

Profil des acquéreurs

Chez Century 21, les acquisitions sont effectuées principalement pour l’achat de la résidence principale, la part des transactions destinées à l’investissement locatif recule de 4,9%. Plus d’un quart des transactions sont réalisées par les 30/40 ans quand la part des moins de 30 ans et celle des plus de 60 représentent chacune 19,5% des acquéreurs.

Selon l’Observatoire des agents immobiliers de Meilleursagents (près de 9000 agences), les acheteurs se répartissent en 2017 de la façon suivante :

32% sont des primo accédants qui seront amenés dans les prochaines années à remettre leur bien sur le marché pour en acheter un plus grand. En entrant sur le marché, ces primo accédants préfigurent la dynamique future du marché. 40% ont revendu un bien pour en acheter un autre. Cœur du marché, les secundo-accédants ont su tirer parti de l’exceptionnelle attractivité des taux. En revendant leur bien à la hausse, ils ont pu accéder à de nouveaux logements plus grands.

Investisseurs ostracisés par le Gouvernement

16% sont des investisseurs locatifs privés : malgré l’encadrement des loyers à Paris et à Lille, malgré les incertitudes fiscales, malgré des rendements faibles et hypothétiques, malgré tout…les particuliers restent attachés à la pierre comme valeur sûre à long terme. Dommage que la politique fiscale du nouveau Gouvernement ostracise ces investisseurs alors qu’ils contribuent d’une part à la dynamique du marché et d’autre part à la fourniture de logements rénovés et décents à la population qui ne peut pas (encore) acheter ou ne bénéficie pas du logement social. 12% sont des acheteurs de résidences secondaires, un chiffre étonnant qui prouve que ce marché n’est pas mort et que les Français restent attachés à la pierre

Noir, c’est noir !

L’encadrement des loyers ainsi que l’éventuel élargissement du dispositif à la banlieue parisienne continuent de dissuader les propriétaires bailleurs, et la part consacrée aux investissements locatifs chute de -16,7% pour ne plus représenter que 21,4% des transactions parisiennes (cette part était de 30,1% en 2011). La pénurie du marché locatif ne peut, dans ce contexte, que s’aggraver.

Les retraités qui n’ont plus accès au crédit fuient la capitale (leur part recule de -14,9% en un an). Les employés et ouvriers sont également contraints de s’expatrier et leur proportion parmi les acheteurs régresse de -31% en 2017. Paris devient la capitale des cadres. La part des cadres moyens progresse ainsi de 3,4% quant à celle des cadres supérieurs et des professions libérales, elle fait un bond de 7% en un an.

Une bonne année 2018 en perspective : stabilité des taux et ralentissement de la hausse des prix

Laurent Vimont note « qu’en deux ans, la plupart des personnes qui pouvaient acheter grâce aux taux bas ont sauté le pas (si c’était dans leur projet). Les conditions de crédit, déjà extrêmement favorables, pourront difficilement l’être davantage, il faut donc s’attendre à ce que la progression de l’activité continue sa décrue dans les prochains mois, sans pour autant générer une atonie du marché. Ce dernier pourrait en revanche se bloquer si les prix ou les taux augmentaient vite, mais les indicateurs ne semblent pas pointer dans cette direction. L’année 2018 devrait donc être bonne sans connaître les records qui caractérisent celle que nous venons de passer ».

Contrecoup des décisions publiques

D’après la présentation bilan 2017 de Michel Mouillart, Professeur d’Economie à Paris Ouest et le baromètre LPI-SeLoger de décembre 2017, le ralentissement de la hausse des prix des logements anciens devrait se poursuivre en 2018. Toutefois, les inégalités déjà constatées entre les villes vont encore se renforcer.

L’activité devrait reculer en 2018, en dépit de conditions de crédit qui vont rester excellentes, la hausse des prix des logements continuant à altérer la demande des ménages.

D’autant que le marché de l’ancien subira le contrecoup des décisions publiques concernant les aides accordées pour l’achat ou la construction d’un logement neuf.

Un scénario 2018 ancré dans la continuité

Pour 2018, Meilleursagents table « sur une continuité de la dynamique de 2017. Pour l’instant, rien ne laisse présager d’évolution majeure des taux. D’une part, la BCE a resserré sa politique d’injection de liquidité mais conserve ses taux à un niveau plancher. Son objectif est toujours de ranimer une économie européenne qui n’est plus moribonde mais où le niveau de chômage (notamment dans la moitié sud de l’Europe) est encore trop élevé. De même, la FED américaine a de son côté remonté ses taux directeurs sans que cela entraîne une remontée des taux des emprunts d’état en Europe (notamment OAT à 10 ans). La reprise économique se généralise en Europe et notamment en France. La croissance du PIB (+1,9%) en 2017, meilleure que prévu (+1,6%), devrait progresser au même rythme l’an prochain, selon l’INSEE. Et pour l’instant cette reprise se fait sans sursaut de l’inflation ce qui milite pour un scénario de maintien des taux bas. Dans ce contexte, le chômage devrait se résorber en 2018 a un rythme modéré de l’aveu même du Gouvernement.

La dynamique économique française a incontestablement retrouvé des couleurs alors que la France se découvre une nouvelle attractivité dans un contexte européen marqué par les incertitudes du Brexit, les difficultés politiques allemandes, l’inconnu de la situation espagnole et les faiblesses du secteur bancaire italien.

En résumé, nous prévoyons une certaine stabilité des taux, une poursuite de l’activité immobilière à un niveau élevé mais avec l’arrivée progressive de nouveaux acheteurs (expatriés, étrangers, chômeurs de retour à l’emploi). L’année 2018 devrait être satisfaisante, dans la continuité de 2017 avec des hausses de prix moyen d’environ +2% sur l’ensemble du territoire et des disparités régionales fonction de l’attractivité des territoires", conclut Sébastien de Lafond, président de Meilleursagents.com.

Alexandra Boquillon

Sources : Century 21, Meilleursagents, LPI/SeLoger