Plan logement : ce qu’en pensent les professionnels

Le gouvernement a dévoilé sa stratégie pour le Logement le 20 septembre dernier. Optimistes dans l’ensemble, les professionnels ont salué des mesures qui « vont dans le bon sens ». Avec toutefois des interrogations et des inquiétudes sur certains points. Les réactions de la FNAIM, d’Orpi, de Théséis & du Laboratoire de l’Immobilier, de Vousfinancer, de Sogeprom et du Groupe Gambetta.

« Les annonces du Ministre et de son Secrétaire d’Etat font preuve de bon sens et de pragmatisme : ces orientations stratégiques révèlent une véritable vision d’ensemble, que nous attendions depuis longtemps ! », a déclaré Bernard Cadeau, président du réseau Orpi, suite aux annonces du gouvernement sur sa stratégie Logement.

 « Cependant, certains points restent à préciser, notamment sur la question des logements existants. Ce plan est principalement basé sur la construction. Nous saluons cet effort, et notons que les bases d’un véritable choc de l’offre sont posées, mais avons besoin de précisions sur les mesures réservées aux bailleurs privés : en effet ces acteurs, capables de mettre rapidement beaucoup de biens supplémentaires sur le marché, ont un rôle essentiel à jouer dans le rééquilibrage entre offre et demande, et nous appelons de nos vœux un statut fiscal qui leur soit dédié », a-t-il ajouté. « Nous nous interrogeons également sur les dispositifs Pinel et PTZ, qui vont être restreints. Le risque à nos yeux est que ce nouveau dimensionnement, du PTZ notamment, décourage certains investisseurs, ce qui serait dommageable pour les zones concernées », s’inquiète Bernard Cadeau.

 « Le prêt à taux zéro pour l’achat d’un logement neuf ciblera les zones A, Abis et B1 sur la même période, avec une souplesse de transition sur la zone B2 durant l’année 2018. Et pour soutenir la revitalisation des secteurs détendus, notamment les villes moyennes, le PTZ pour l’achat d’un logement ancien à rénover sera recadré sur les zones B2 et C pour une durée de quatre ans», a annoncé Julien Denormandie le 20 septembre dernier.

Et « le dispositif Pinel sera recentré uniquement sur les zones A, Abis et B1 sur 4 ans également ». Jusqu’au 31/12/2021.

PTZ recentré de manière efficace et rationnelle

Selon Vousfinancer, l’élargissement du dispositif du prêt à taux zéro a été particulièrement efficace en 2016 et 2017, mais son recentrage en 2018 devrait avoir un impact limité, avec tout de même de forts écarts selon les régions. « Les mesures annoncées par le gouvernement vont dans le bon sens, et sont de nature à rassurer les acheteurs et les investisseurs dont nous avions pu constater l'attentisme ces dernières semaines... Certes les dispositifs sont recentrés mais de manière efficace et rationnelle, en privilégiant les zones tendues. Ces mesures claires et définies pour 4 ans devraient donc contribuer à la poursuite du dynamisme du marché et bénéficier tant au secteur du neuf qu'au logement ancien » analyse Sandrine Allonier, directrice des relations banques chez Vousfinancer.

PTZ : marché de la maison individuelle pénalisé en zone C

 A noter que 80% des PTZ ont été accordés dans le neuf chez Vousfinancer. « Au niveau national, d’après le Sgfgas, seuls 23 % des PTZ ont été accordés dans l’ancien au 1er trimestre 2017, avec de fortes disparités selon les régions, selon la tension du marché. En IDF ou en PACA, 92 % des PTZ sont accordés dans le neuf, alors qu’en Bourgogne Franche Comté ou Centre Val de Loire, 40 % le sont dans l’ancien… », rappelle VousFinancer. « Finalement ce recentrage neuf/ancien selon la tension des zones a du sens… A part pour les acheteurs de maisons individuelles, qui pouvaient bénéficier d’un PTZ en zone C mais n’y auront plus le droit en 2018, ce qui pourrait être préjudiciable dans les régions comme la Bretagne notamment, où la majorité des PTZ sont attribués à des logements individuels, pour la plupart neufs… » , souligne Jérôme Robin, directeur général et fondateur de Vousfinancer.

Dispositif Pinel reconduit : lisibilité et pérennité

 « Au-delà de l’effet vertueux pour les investisseurs d’un recentrage sur les zones urbaines les plus tendues, la reconduction pour 4 ans du dispositif Pinel donne à l’ensemble des professionnels de l’immobilier la visibilité nécessaire pour travailler au développement d’opérations immobilières dont les cycles de réalisation sont pluriannuels et se rallongent du fait de la complexité de la construction de projets en zones urbaines tendues », se réjouit Renaud Cormier, directeur général de Théséis.

« Cette reconduction est une excellente nouvelle pour l’ensemble du secteur de la construction dont l’embellie récente reste fragile.

Pour rappel, en mars 2017, Théséis et le Laboratoire de L’Immobilier avaient déjà suggéré de recentrer le dispositif Pinel sur ces zones les plus tendues et donc d’exclure les communes situées dans les zones B2 et C. L’objectif était double : Concentrer l’effort de production de logements supplémentaires sur les secteurs sur lesquels les besoins sont les plus forts et rester fidèle à l’esprit du dispositif. Et sécuriser les investisseurs particuliers en les orientant vers les marchés locatifs les plus larges et les plus dynamiques.

Nous avions récemment renouvelé cette proposition dans le cadre de la consultation lancée pendant l’été par Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires auprès des collectivités territoriales et des acteurs du logement dans le cadre de la préparation du projet de loi logement mais également au travers de nombreux échanges avec des élus locaux, directement ou au travers de nos partenaires commerciaux ou promoteurs. En cohérence avec cette position, Théséis s’est toujours refusé à commercialiser des opérations bénéficiant d’agrément Pinel sur les zones B2 et C.

Cependant, nous resterons attentifs à la finalisation du projet de loi, les contours définitifs du nouveau zonage et le taux de réduction d’impôt étant susceptibles d’arbitrages de dernière minute lors des échanges au parlement comme au Sénat. Le texte final ne sera voté qu’en fin d’année et que les décrets d’application ne seront probablement publiés que fin décembre », rappellent Renaud Cormier, directeur général de Théséis et Franck Vignaud, directeur du Laboratoire de l’Immobilier.

A noter que Vousfinancer, 3ème réseau national de courtiers en crédit immobilier sera présent au salon Patrimonia de Lyon les 28 et 29 septembre aux côtés de Théséis, groupement de professionnels de la gestion de patrimoine, afin d’accompagner les investisseurs voulant profiter du dispositif Pinel pérennisé pour quatre ans, et recentré sur les zones urbaines.

Abattements sur les plus-values : un appel d’air salutaire

 Selon Pierre Sorel, directeur général de Sogeprom, « les mesures du gouvernement vont dans le bon sens, notamment l'abattement sur les plus-values qui devrait libérer de nombreux terrains et créer un appel d'air salutaire sur l'offre de logements ».

Choc de l’offre ou « mort des HLM » ?

Beaucoup plus pessimiste et virulent, pour Norbert Fanchon, président du directoire du Groupe Gambetta, « ce qui s'annonce n'est rien moins que le meurtre du logement social en France. Le gouvernement persiste et signe l'arrêt de mort des HLM.  On voit se mettre en place un mécanisme infernal de démantèlement des HLM très loin du choc de l'offre. Depuis des semaines, l'exécutif inquiète le pays sur la question du logement : des saillies violentes contre la propriété immobilière, assimilée à une rente, une réduction intempestive de 5€ des APL, des discours d'austérité budgétaires à la serpe, accusant les aides publiques de tous les maux, la responsabilité rejetée sur les bailleurs de corriger leurs loyers d'autant, voilà ce qui a tenu lieu d'expression politique sur le logement ».

« Dans cette ambiance singulière et anxiogène, alors que les acteurs du logement perdent tous leurs repères, voilà qu'Emmanuel Macron vient de faire des promesses d'une parfaite clarté : la mort du logement social est programmée avec une rigueur de métronome. On somme les organismes bailleurs HLM de baisser leurs loyers d'une cinquantaine d'euros…Comme il faut reconnaître que les bailleurs sociaux ne travaillent ni à abonder leurs réserves ni à distribuer des dividendes, mais à réinvestir sans cesse dans la construction. Ces choix politiques sont glaçants par les conséquences qu'ils entraîneront : la baisse des APL génèrera peu ou prou le montant réinjecté par les organismes dans le lancement de nouveaux programmes chaque année et dans l'achat aux promoteurs des 25% de logements sociaux rendus obligatoires par la loi ALUR -également menacée par l'exécutif-. Il s'ensuivra une baisse de l'abondement de l'offre sociale, sans doute à hauteur de 100 000 unités par an, générant des tensions sur les loyers partout en France », avertit Norbert Fanchon.

Aucune nouvelle norme et lutte contre la rétention foncière

De son côté la FNAIM a salué « de nombreuses mesures positives » mais selon la Fédération nationale de l’immobilier, « un Grenelle du Logement est plus que jamais nécessaire. Parmi les mesures pour le logement présentées par le gouvernement, il est appréciable de noter que plusieurs d'entre elles vont dans le bon sens : aucune norme nouvelle, libération du foncier et lutte contre la rétention foncière, mobilité accrue dans le parc social, transition énergétique et numérique dans les territoires ainsi que le bail mobilité », a souligné Jean-François Buet, président de la FNAIM. 

Concertation nécessaire avec les professionnels au lieu d’une consultation numérique

Cependant, « malgré tout leur intérêt, ces mesures ne pourront répondre à leurs objectifs que si elles s'inscrivent dans le cadre d'une véritable concertation réunissant l'ensemble des acteurs du logement. 

Cette concertation que la FNAIM demande depuis le début de la Présidence Macron serait un signal important pour accompagner les réformes nécessaires. 

Nous sommes prêts à dialoguer avec des responsables politiques pragmatiques, à l'écoute des professionnels et nous saurons rester vigilants pour que le premier patrimoine des Français connaisse une grande réforme à la hauteur des enjeux » a fait savoir Jean-François Buet dans un récent communiqué.

Bail mobilité et CDD

 « Nous sommes très favorables au bail mobilité (d’un à 10 mois, Ndlr), mais celui-ci devrait s’inscrire dans une réflexion globale autour de l’accès au logement de tous ceux qui n’ont pas un statut professionnel de type CDI : alors que la plupart des recrutements se font aujourd’hui en CDD, il y a urgence à s’adapter », a par ailleurs ajouté Bernard Cadeau, président du réseau Orpi.

 « Ce plan d’envergure est capable de déclencher un véritable choc de l’offre, même si nous attendons des précisions, sur le statut du bailleur privé notamment mais aussi sur l’IFI. », a-t-il conclu.

 On attend le texte de loi final puis les décrets d’application…en fin d’année.

Alexandra Boquillon