Aides au logement : ce qui change en 2016

Modifier en partie le mode d’attribution des aides au logement ? C’est le pari de la loi de finances 2016, qui s’attaque à la réforme d’un système bien ancré dans les mœurs. Alors qu’il avait annoncé son intention de mettre les mains dans le cambouis et de changer le mode de calcul, le ministère du Logement a revu sa copie pour ne proposer que des ajustements, avec révisions des seuils et des plafonds. Quels sont ces ajustements, et dans quelle mesures peuvent-ils impacter les bénéficiaires des APL ?

Les aides au logement : le nerf de la guerre

La philosophie des aides au logement pour les locataires (APL) est la suivante : tout locataire louant un bien, dès lors que le bail est à son nom, peut bénéficier d’une allocation pour l’aider à s’acquitter de son loyer, sans conditions d’âge mais en fonction de ses ressources.

Les aides au logement concernent – et continuent de concerner, en 2016 :

  • Les locataires, colocataires et sous-locataires d’un logement vide ou meublé ;
  • Les accédants à la propriété bénéficiant d’un dispositif d’aide à l’achat (PTZ, PC, PAS) ;
  • Les résidents en foyer d’hébergement (jeunes travailleurs, étudiants, personnes âgées, etc.).

À noter que les APL ne sont pas cumulables avec l’ALF (allocation de logement familiale) et l’ALS (allocation de logement sociale).

Les aides au logement reviennent très souvent sur le devant de la scène. En réalité, dès que les institutions ou les organisations (patronales, en l’occurrence) se prennent de faire les comptes du coût de la politique du logement en France, les oreilles des APL sifflent vigoureusement. C’est bien simple : chaque loi de finances, ou presque, est l’occasion de relancer le débat sur le versement de ces aides qui représentent entre 18 et 20 milliards d’euros par an… Mais pour une politique globale qui rapporte, comme le rappelle un chercheur de l’Institut d’études politiques de Paris dans cet article, entre 60 et 80 milliards d’euros en retour.

L’utilité des aides au logement a toujours fait débat, et devrait, semble-t-il, occasionner encore bien des tirages de cheveux dans l’avenir. La question est posée avec une régularité de métronome : quid des APL pour les étudiants ? Les loyers ne sont-ils pas si élevés pour les petites surfaces précisément parce que les propriétaires savent que les allocations solderont 50 % du montant, les délestant de la responsabilité de trouver un locataire sérieux et bon payeur ? Ne serait-il pas plus efficace de faire migrer ces sommes vers la construction de logements neufs abordables pour les jeunes ? Les bénéficiaires des APL qui voient leur loyer entièrement couvert par cette allocation ne devraient-ils pas verser au moins une partie du montant, à des fins de responsabilisation ?

Le rabotage des APL version 2016

Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que la loi de finances 2016 ait été l’occasion, pour le gouvernement, de revenir sur cette affaire épineuse. Le ministère du Logement en a profité pour apporter quelques correctifs au mode d’attribution de ces aides très populaires. Certains de ces correctifs entreront en vigueur au 1er juillet 2016, d’autres viendront plus tard.

Précisons d’abord qu’à la faveur d’un recul du gouvernement, qui n’a finalement pas modifié le mode de calcul des aides au logement, les bénéficiaires de moins de 25 ans ne seront pas touchés par ces correctifs. Comme le précisait Libération en décembre dernier, dans le bras de fer qui opposait, sur ce point, le duo composé du ministère du Logement et de Bercy, favorable à ce changement, au ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, qui s’élevait contre cette révision, c’est ce dernier qui a eu gain de cause.

Seul le mode d’attribution des aides au logement est donc amené à évoluer en 2016. Les modifications apportées devraient permettre au ministère du Logement de faire une économie de 225 millions d’euros sur l’année, sur un budget total de 15,5 milliards d’euros. Elles concerneront quelques 500 000 bénéficiaires sur un total de 6,5 millions.

Refonte des plafonds de ressources et de loyer

En 2016, comme il est précisé dans le texte de loi disponible ici, le plafond de ressources pour bénéficier des APL est plafonné à :

  • 4 562 € pour une personne seule ;
  • 6 534 € pour un couple sans personne à charge ;
  • De 7 793 € à 9 192 € (et au-delà) pour une personne seule ou un couple selon le nombre de personnes à charge.

Les plafonds de loyer ont également été révisés par la loi de finances. Le but est-il de restreindre le nombre des bénéficiaires ? Il est surtout de modifier en profondeur la philosophie de cette allocation, qui permettait jusque là à ses bénéficiaires de pouvoir prétendre à des logements plus grands et plus confortables avec l’assurance qu’ils profiteraient d’un coup de pouce salutaire.

À partir de ce plafond, les aides au logement seront dégressives. Le ministère du Logement se propose ainsi de lutter contre les abus, afin de toucher les locataires qui choisissent des logements aux loyers trop élevés par rapport aux ressources dont ils disposent. Le seuil retenu par la loi de finances devra être supérieur ou égal à 2,5 fois le plafond du loyer. Cet article a fait des calculs : pour une personne seule vivant en région parisienne, le plafond à partir duquel les APL devraient baisser serait ainsi fixé à 732 € mensuels.

Or, dans l’esprit du ministère, il semblerait qu’un locataire qui vise un logement au loyer situé au-dessus du plafond se place d’emblée dans la catégorie des locataires qui ont les moyens de prétendre à plus de confort, et donc les moyens de payer. Concrètement, si vous préférez louer ce joli deux-pièces dans le 14e arrondissement de Paris, à quelques encablures de votre lieu de travail, à 1 000 € mensuels, plutôt que ce studio inconfortable et insalubre installé au fin fond du 20e arrondissement, avec le plus proche métro à 20 minutes à pied, à 600 €, c’est que vous n’avez pas besoin des APL. Voilà ce que dit, en substance, cette loi de finances.

Le patrimoine intégré au calcul

À partir du 1er octobre 2016, la Caisse des allocations familiales prendra en compte le patrimoine du demandeur dans l’évaluation de ses ressources, comme c’est le cas pour l’attribution du RSA. Jusqu’à présent, seul le revenu fiscal de référence était pris en compte dans l’évaluation.

La loi de finances, encore obscure sur ce point en l’absence d’un décret d’application, a fixé un seuil de 30 000 € de valeur patrimoniale. Quels paramètres ont présidé au choix de ce seuil ? Que se passera-t-il au-delà ? Faut-il s’attendre à une diminution progressive des APL au-dessus de cette somme, ou à un refus pur et simple de verser une allocation ? Mystère.

Également prévu pour entrer en vigueur au 1er octobre, un correctif stipule que tout enfant enregistré sur le foyer fiscal de ses parents ne touchera pas d’allocations logement si ceux-ci sont redevables de l’ISF. Celui-ci touche les patrimoines d’au moins 1,3 millions d’euros.

Par contre, pour ce qui est des étudiants, le calcul des aides ne prend pas en compte ces deux paramètres essentiels que sont l’éloignement géographique du domicile familial et les ressources des parents (sauf, donc, si ceux-ci sont redevables de l’ISF).

APL et dispositif Pinel

Le dispositif Pinel revu et corrigé pour l’année 2016 permet désormais de louer son bien immobilier, celui pour lequel l’investisseur a bénéficié de la réduction d’impôt, à un ascendant direct. Cela signifie qu’il est possible de louer à ses parents, à ses frères et sœurs ou à ses enfants. Ce correctif apporté au dispositif est un « plus » non négligeable qui convaincra sans doute nombre de candidats à l’investissement locatif.

Cependant, il serait utile d’apporter la précision suivante que les investisseurs ignorent trop souvent : il est interdit de toucher des allocations pour un logement si celui-ci est mis en location par un ascendant direct, y compris dans le cadre du dispositif Pinel. L’avantage qu’il y aurait à être le locataire d’un parent proche est donc réduit d’autant.

Les APL des jeunes actifs

Une bonne nouvelle, tout de même : pour les jeunes de moins de 25 ans qui ont un emploi, le calcul des aides au logement prendra en compte le revenu fiscal de référence. Le montant des APL sera donc calculé sur les revenus de l’année n-2, ce qui permettra de couvrir les difficultés financières auxquelles sont confrontés ces jeunes.

C’est au moins une preuve que le gouvernement, malgré ce rabotage de 225 millions d’euros sur les APL, n’oublie pas complètement sa priorité donnée au logement des jeunes en 2016.