À quel moment peut-on parler de logement insalubre ?

Pièces humides ou envahies par les nuisibles, habitats exposés au plomb, présence d’amiante, eau courante qui ne fonctionne pas, pièces à vivre dénuées de fenêtres… Avec une estimation de 500 000 à 600 000 logements considérés comme impropres à être habités, l’insalubrité des logis est un véritable problème de santé publique. À quel moment peut-on parler de logement insalubre ? Quels sont vos recours si vous êtes locataire ? Que risquez-vous en tant que propriétaire ?

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La notion de logement insalubre

En théorie, tout le monde a une idée de ce que peut être un logement insalubre : présence de nuisibles, humidité trop élevée, moisissures, plâtre des parois qui se décompose, installations d’électricité et de chauffage qui ne fonctionnent pas ou très mal, sanitaires dans un état déplorable… Nous avons tous vu des émissions sur le sujet, et pu constater que certaines habitations ne devraient même pas être autorisées à porter ce nom.

Mais, dans les faits, à quel moment peut-on parler de logement insalubre ? Quels sont les critères qui définissent ce terme pour l’État ?

Insalubrité : la définition légale

Selon la loi du 13 avril 1850 portant sur la question, sont insalubres « les logements qui se trouvent dans des conditions de nature à porter atteinte à la vie ou à la santé de leurs habitants ». Le texte ajoute deux points essentiels : d’abord, que cette insalubrité peut résulter notamment « de la mauvaise odeur, de la trop grande agglomération d’habitants, du manque d’air et de lumière, de l’humidité, de la malpropreté, etc. ». Ensuite, qu’elle doit être « inhérente à l’habitation », c’est-à-dire « dépendre du fait même de l’habitation », que la cause en soit intérieure (« défaut d’air et de jour », « humidité du local ») ou extérieure (« dépôts d’immondices », « stagnation des eaux dans les cours et passages », « malpropreté des murs, des escaliers, des corridors et de toutes autres dépendances »).

Un logement est donc considéré comme insalubre lorsqu’il est fortement dégradé et qu’il présente, en l’état, des risques pour la santé des occupants (ainsi que pour celle des voisins). L’insalubrité doit découler de son état ou des conditions d’occupation, mais également de son exposition aux causes extérieures (dans le cadre d’une habitation avec fenêtre donnant sur le local poubelle, le propriétaire ne pourra pas rejeter la faute sur la voirie municipale).

Les critères de caractérisation de l’insalubrité

Des critères d’évaluation précis permettent d’établir l’insalubrité d’un logement. Ces critères sont :

  • Le taux d’éclairage naturel des pièces principales (un logement présentant des conditions correctes d’habitabilité ne peut pas être dénué de fenêtres ou d’ouvertures donnant sur l’extérieur) ;
  • La structure du logement : organisation intérieure des pièces, dimensions, isolation thermique et acoustique, état des surfaces ;
  • L’aération des pièces et le taux d’humidité ;
  • Les facteurs de risques : installations produisant une combustion, présence de résidus toxiques (amiante, peinture au plomb), risques de chutes ou de blessure, etc. ;
  • Les équipements : sanitaire, cuisine, évacuation des eaux usées, eau courante et potable, chauffage, installation électrique, etc. ;
  • L’usage et l’entretien du local : le logement doit être propre, tenu en bon état, et ne pas être sur-occupé (nombre de locataires trop élevé).

La plupart du temps, les situations d’insalubrité mènent directement à des situations de péril pour les occupants. Ce qui peut avoir des conséquences graves pour les locataires… et coûter très cher aux propriétaires.

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Logement insalubre contre logement indécent

Attention, toutefois, à ne pas confondre logement insalubre (ou indigne) et logement indécent. Par nature, un logement insalubre est toujours indécent ; mais un logement indécent, à l’inverse, n’est pas toujours insalubre. En réalité, il existe une progressivité dans la notion d’habitabilité qui lie le locataire à son propriétaire – une aggravation par phases, rapportée sur le site de l’ADIL :

  1. Mauvais entretien du logement
  2. Réparations locatives à la charge du locataire
  3. Réparations plus importantes à la charge du propriétaire
  4. Indécence
  5. Manquement à l’hygiène et à la salubrité
  6. Insalubrité/péril des occupants

Les indices de décence du logement ont été redéfinis par la loi SRU. Citons les plus importants :

  • Une surface habitable minimale de 9 m2, avec hauteur sous plafond d’au moins 2,2 mètres (pour un volume habitable total de 20 m3).
  • Des installations et des raccordements d’électricité, de gaz et de production d’eau chaude conformes aux normes de sécurité en vigueur, en bon état d’usage et de fonctionnement.
  • Des pièces principales bénéficiant d’un éclairage naturel suffisant.
  • Des dispositifs d’ouverture et de ventilation qui permettent une bonne aération du logement et le bon fonctionnement des équipements.
  • Des dispositifs visant à retenir les occupants en fonction des périls (garde-corps aux fenêtres, rampe sur l’escalier, balcons protégés, etc.).
  • Des matériaux de construction et des revêtements qui ne présentent pas de risques pour la sécurité physique et la santé des occupants.

Le cas échéant, le locataire peut exiger de son propriétaire qu’il réalise les travaux de réhabilitation nécessaires à la remise en état de décence du logement, ou qu’il réduise le montant du loyer.

La décence est donc l’étape qui précède l’insalubrité (puis le péril). La mise en conformité est relativement simple pour le propriétaire, et les moyens de protection pour le locataire sont nombreux. Lisez cette plaquette pour reconnaître facilement les signes d’indécence dans un local destiné à un usage d’habitation.

Logement insalubre contre logement menacé de péril

Un logement en péril est un habitat menacé par des conditions structurelles graves mettant en danger la sécurité des occupants. Il s’agit souvent de problèmes structurels majeurs, tels que des fissures importantes, une fondation affaiblie, un risque d’effondrement, etc. Contrairement au logement insalubre, l’habitat en péril est principalement lié à des problèmes de sécurité, et non nécessairement à des problèmes d’hygiène ou de salubrité.

Toute personne (occupants, voisins, passants, etc.) ayant connaissance de cette situation d’insécurité peut alors signaler ces faits en mairie. Le maire peut alors engager une procédure de mise en sécurité à l’encontre du propriétaire du logement ou du syndic de copropriété lorsque l’immeuble est en copropriété. L’objet de cette procédure de mise en sécurité n’est pas de réaliser des travaux de réparation ou de restauration définitifs du bâtiment mais des travaux strictement nécessaires pour mettre fin au danger. L’arrêté de mise en sécurité pris par le maire peut être :

  • ordinaire lorsque la sécurité des occupants n’est pas immédiatement mise en jeu ;
  • ou imminent si la sécurité des occupants est immédiatement mise en jeu.

L’arrêté de mise en sécurité peut être complété par une interdiction d’habiter à titre temporaire. Dans ce cas, le propriétaire doit assurer l’hébergement des occupant. Si l’arrêté ordonne une interdiction définitive d’habiter ou la cessation de la mise à disposition de locaux à des fins d’habitation, le propriétaire doit assurer le relogement des occupants. Dans les deux cas, le loyer versé par les occupants cesse d’être dû à partir du premier jour du mois qui suit l’envoi de la notification de l’arrêté de mise en sécurité.

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L’insalubrité et ses conséquences

Selon la fondation Abbé-Pierre, entre 500 000 et 600 000 logements seraient considérés comme insalubres, et donc impropres à l’habitation. Rien qu’à Paris, plus de 6 700 signalements ont été portés à la connaissance des autorités en 2015 – un chiffre qu’il faut relativiser en regard du petit nombre de locataires qui osent dénoncer un propriétaire fautif, de crainte d’être mis à la rue. Quelles sont les conséquences d’une situation d’insalubrité pour le locataire ? Et pour le bailleur ?

Les démarches à suivre pour le locataire

S’il est occupant d’un logement manifestement insalubre, le locataire doit en informer, par lettre recommandée avec accusé de réception, son propriétaire, qui devra, engager des travaux, à ses frais, pour y remédier.

La procédure d’insalubrité

Si le propriétaire ne réagit pas, le locataire doit alors faire un signalement auprès du préfet du département. Des visites pour évaluer les risques sont susceptibles d’être organisées, mais uniquement entre 6h et 21h. Un rapport émanant du directeur général de l’Agence régionale de santé (ARS) ou du directeur du service communal d’hygiène et de santé (SCHC) doit constater s’il y a insalubrité ou non. Le document est ensuite remis au préfet avant l’adoption de l’arrêté de traitement d’insalubrité.

Il est également possible pour le préfet, en cas d’urgence, de demander au tribunal administratif de désigner un expert chargé d’examiner l’appartement, la maison ou l’immeuble en question. L’expert va alors dresser un constat de l’état de l’habitat concerné mais aussi des bâtiments mitoyens et proposer les mesures nécessaires pour mettre fin au danger. Avant que l’arrêté de traitement d’insalubrité ne soit pris, le propriétaire (ou le syndic si cela concerne les parties communes d’un immeuble en copropriété) est entendu afin de s’expliquer sur la situation d’insalubrité.

L’arrêté de traitement d’insalubrité peut être remédiable (qui peut être réglée par des travaux) ou irrémédiable (le logement ne peut plus être proposé à l’habitation, y compris après des travaux de rénovation). Quel que soit l’arrêté, celui-ci est notifié au propriétaire.

Si vous êtes locataire et que vous avez un doute sur l’état de votre logement, consultez cette page du site Habiter.org qui indique la marche à suivre.

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Les conséquences de l’insalubrité pour le bailleur

L’arrêté de traitement d’insalubrité rémédiable ou irrémédiable

Pour le propriétaire fautif, l’arrêté d’insalubrité aura de toute façon des conséquences financières importantes. Dans le meilleur des cas, l’arrêté rendu par le préfet stipule une situation d’insalubrité « remédiable » : ce document prescrit de fait les travaux nécessaires à effectuer pour rendre le logement parfaitement habitable, et impose un délai pour leur réalisation. En attendant, il lui sera interdit de mettre le logement en location.

Dans le pire des cas, l’insalubrité est considérée comme « irrémédiable ». Cela signifie que même des travaux importants ne seront pas en mesure de régler le problème (c’est le cas notamment des locaux non prévus pour l’habitation, comme les caves ou les combles), ou que les travaux nécessaires coûteront plus cher que la reconstruction complète des lieux.

Le propriétaire est également dans l’obligation de prendre en charge le relogement des occupants dans un local d’habitation décent.

Les sanctions encourues par le propriétaire

En tout état de cause, le propriétaire d’un logement insalubre peut faire l’objet de poursuites pénales et se voir infliger une lourde amende. Selon les faits reprochés, il risque ainsi :

  • un an d’emprisonnement et une amende de 50 000 euros s’il refuse de faire les travaux imposés par l’arrêté d’insalubrité ou de péril ;
  • trois ans d’emprisonnement et une amende de 100 000 euros s’il refuse de reloger le locataire ou le menacer pour qu’il renonce à être relogé ;
  • trois ans d’emprisonnement et une amende de 100 000 euros s’il continue à toucher un loyer alors que le logement est sous arrêté d’insalubrité ;
  • trois ans d’emprisonnement et une amende de 100 000 euros s’il dégrade le logement pour faire partir son locataire ;
  • trois ans d’emprisonnement et une amende de 100 000 euros s’il loue son logement devenu vacant.

En plus de ces différentes sanctions, les juges peuvent en outre décider d’ajouter l’une des sanctions suivantes :

  • la confiscation de l’immeuble ou du logement du propriétaire ;
  • l’interdiction d’acheter un bien immobilier pour le louer pendant 10 ans maximum.

Si vous êtes propriétaire et que vous vous retrouvez dans la situation de devoir effectuer des travaux importants de rénovation et de résorption de l’insalubrité, sachez que l’Agence nationale de l’habitat (Anah) propose de nombreuses aides visant à subventionner de telles réalisations. Accordées sous conditions, ces aides vous soulageront un peu du coût des travaux, surtout si vous remboursez déjà un crédit immobilier.

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