Bail mobilité : une bonne nouvelle à condition que…

Le gouvernement va mettre en place un nouveau bail plus court que les autres baux existants. Lodgis et MorningCroissant spécialistes de la location meublée de courte et de moyenne durée ont réagi quelques jours après l’annonce du gouvernement. Pour eux, le bail mobilité est une bonne nouvelle en soi qui permettra de faciliter l’accès au marché de la location aux profils les plus précaires. Mais les experts de la location meublée ont toutefois émis quelques réserves sur certains points. Explications.

Pas toujours simple d’accéder à la location d’un appartement. Surtout si vous êtes en CDD, apprenti, stagiaire, en formation professionnelle, ou même étudiant. Pour faciliter l’accès à la location à ces profils de locataires considérés comme précaires aux yeux des bailleurs, le gouvernement va mettre en place un bail court appelé bail mobilité. Il s’agit d’un contrat de location d’un mois à 10 mois, non renouvelable.

Il sera sans dépôt de garantie. « Ce sera la caution locative Visale qui garantira les impayés et la remise en état des lieux pour le nouveau bail mobilité », a annoncé Jacques Mézard, le ministre de la Cohésion des territoires, le 20 septembre dernier.

A noter que dans ce nouveau bail mobilité sera introduite une clause de non solidarité entre locataires en cas de colocation. Selon le gouvernement, cela devrait faciliter davantage ce mode de vie en plein essor.

 « La création d'un bail mobilité est a priori une bonne nouvelle » a réagi Maud Velter, directrice associée de Lodgis, dans un communiqué du 25 septembre. « Disposer d'un bail adapté aux besoins de logement du locataire en mobilité tout en sécurisant ses relations avec le bailleur est essentiel pour maintenir l'attractivité de nos villes.

 En effet, ce nouveau contrat sera particulièrement utile dans les grandes agglomérations où la demande est forte et où il est plus que jamais nécessaire de faciliter l'accès au logement des jeunes actifs, des stagiaires, des étudiants en cursus court, des personnes en CDD, en contrat d'apprentissage, en mission ou en formation professionnelle, etc.

 Les propriétaires bailleurs, trop souvent stigmatisés, seront favorables à la conclusion d'un bail avec des locataires en mobilité. Mais à condition que ce bail soit équilibré et qu'aucune autorisation administrative ne soit nécessaire, l'usage d'habitation étant respecté.

 Aujourd'hui la situation est ubuesque à Paris, la mairie exigeant des propriétaires une autorisation de changement d'usage si le logement n'est pas loué dans le cadre de la loi du 6 juillet 1989, interdisant de facto l'accès au logement à toutes les personnes en mobilité », rappelle Maud Velter. Et d’ajouter, « dans un marché tendu, il est nécessaire d'avoir plus de souplesse et de fluidité. Espérons que le bail mobilité soit une réponse adaptée. »

 Pour un bail mobilité universel

Même discours et même attente de la part d’Alix Tafflé, président fondateur de MorningCroissant. « Le bail mobilité va dans le bon sens. Il répond à une demande croissante. Mais nous attendons le décret d’application pour connaître les conditions d’accès. Si ce bail reste réservé par exemple aux moins de trente ans avec des conditions de ressources, cela risque d’être contre-productif sur le marché de la location. En effet « si le bail mobilité n’est pas universel, c’est-à-dire ouvert à tous, ce serait injuste pour les locataires et une mesure inopérante », prévient Alix Tafflé. Et pour cause, la mobilité concerne tous types de contrat et de revenus : étudiant, stagiaire, alternant, intérimaire, intermittent, CDD, mais également employé en CDI dans un grand groupe et en mutation dans une nouvelle ville, ou encore fonctionnaire détaché.

« Pourquoi une personne âgée de 32 ans, en période d’essai en CDI, et dont les parents ne peuvent se porter garant pour elle, n’aurait pas accès au bail mobilité ? », soulève Alix Tafflé. « Tous les salariés ne gagnent pas trois fois le montant du loyer et en CDI confirmé », ironise-t-il. « Et les chômeurs auront-ils accès au nouveau bail mobilité, ou en seront-ils exclus ? Parmi nos clients chez MorningCroissant, nous comptons également des chômeurs, comme ce couple âgé d’une quarantaine d’années qui va s’installer à Marseille pour ouvrir une boulangerie. En attendant de lancer leur affaire, ils ont besoin d’être logés quelques mois dans un meublé ».

Chez MorningCroissant, nous n’avons encore jamais eu d’impayés. Nous offrons systématiquement aux bailleurs une GLI (garantie loyer impayé) pendant toute la durée du bail. Nous vérifions la solvabilité des locataires : ils doivent percevoir un salaire minimum de 1200 euros par mois (le smic). Et nous ne raisonnons pas en taux d’effort, c’est-à-dire que nous n’exigeons pas qu’il gagne trois fois le montant du loyer en salaire net), mais nous regardons le reste à vivre : si après avoir déduit le loyer de ses revenus, il reste au moins 500 euros, c’est ok ».

« Visale est une réponse adaptée pour les plus précaires, même si elle n’est pas simple car trop conditionnée », regrette-t-il. Certes, « Visale sera étendue à l’ensemble des étudiants », a annoncé le gouvernement le 20 septembre dernier. Pour rappel, auparavant les étudiants n’y étaient pas éligibles (seuls pouvaient en bénéficier tous les jeunes actifs de moins de 30 ans quel que soit leur contrat de travail, y compris en CDI confirmé. A condition d’entrer dans un logement dans les 12 mois de leur prise de fonction. Autres bénéficiaires : les salariés précaires de plus de 30 ans. Exemple : les salariés en CDD, les salariés en période d'essai pour un CDI, les intérimaires, les intermittents, les apprentis, les salariés en contrat-aidé...à condition d’entrer dans un logement dans les 3 mois de leur prise de fonction, NDLR). Mais il est dommage que Visale ne s’adresse qu’aux jeunes en priorité. « Les gens de tous âges ont besoin d’aide », déplore Alix Tafflé

Tous les locataires en situation de mobilité doivent pouvoir avoir accès au bail mobilité, même ceux qui ne peuvent bénéficier de Visale. Dans ce cas, pour ces profils de locataires non précaires mais qui se retrouvent momentanément en situation de mobilité, il suffirait de mettre en place une GLI », propose Alix Tafflé.

Loyer libre non encadré pour les bailleurs

Selon Alix Tafflé, les personnes en situation de mobilité professionnelle optent dans 99% des cas pour une location meublée. Pour rappel, en matière de location meublée, pour une location à titre de résidence secondaire (ce n’est pas la résidence principale du locataire), il existe le bail de droit civil, qui est borné dans le temps, de date à date, sans tacite reconduction. Et pour une location à titre de résidence principale, il y a le bail de la loi Alur : bail classique d’un an renouvelable, ou 9 mois pour les étudiants. Ce dernier bail est soumis à l’encadrement des loyers à Lille et à Paris et à l’encadrement des loyers à la relocation dans 28 agglomérations.

« A quel régime va se rattacher le bail mobilité, au bail de la loi Alur ou au bail de droit civil ? », s’inquiète Alix Tafflé. Pour ce dernier, le bail mobilité doit offrir plus de souplesse sur le loyer aux bailleurs. Le bail mobilité doit se rapprocher du bail de droit civil, avec un loyer libre, et non encadré.

Notion de courte durée clarifiée grâce au bail mobilité

Selon Alix Tafflé, au moins le bail mobilité va avoir l’énorme bénéfice de clarifier la courte durée, une notion autour de laquelle plane un véritable flou juridique aujourd’hui, dans la capitale. Ainsi la courte durée correspondra à une location à une clientèle de passage, qui n’élit pas domicile dans le bien et y restera moins d’un mois. La distinction sera plus simple à établir : entre un touriste qui reste 15 jours ou 21 jours dans un bien et une personne en formation professionnelle qui a signé un bail mobilité d’un mois ou deux. En d’autres termes, les bailleurs disposant d’une résidence secondaire dans Paris intra-muros et souhaitant louer le bien à une personne en mobilité 3 mois, ou 6 mois, n’auront plus de craintes à avoir quant à la notion de courte durée, actuellement dans le viseur de la mairie de Paris.

« On espère que ça va se finir avec un texte de loi simple », conclut Alix Tafflé. Le décret d’application devrait être publié d’ici la fin de l’année ou début 2018.

Alexandra Boquillon