Pourquoi le viager libre est-il moins intéressant qu’un achat financé par une banque ?

La rédaction a interviewé Hervé Lapous, spécialiste du viager depuis 1975 et auteur de l’ouvrage « Vade mecum du viager » paru aux éditions L’Harmattan en avril dernier.

Le viager libre est le contraire du viager occupé. C’est-à-dire qu’il est libre de tout occupant. Vous pouvez ainsi directement l’habiter vous-même ou le louer à un locataire. En échange d’un bouquet et d’une rente viagère versée chaque mois au crédirentier (le vendeur du viager) jusqu’à son décès. Formule attractive, non ? Surtout si vous le louez, ainsi le loyer versé par votre locataire vous permettra de payer la rente au crédirentier.  Mais Hervé Lapous, spécialiste du viager depuis 1975 ne voit pas les choses de la même manière. A ses yeux, « le viager libre ne présente aucun intérêt compte tenu des taux de crédit actuellement bas. En moyenne on peut emprunter actuellement à 1,45 % sur 15 ans, 1,65 % sur 20 ans, et 1,85 % sur 25 ans, selon le courtier Vousfinancer. Certes, les taux ont légèrement remonté depuis décembre 2016 mais ils demeurent indéniablement toujours avantageux.

Déduire les intérêts d’emprunt

Donc dans ce contexte de taux attractifs, pas de doute pour Hervé Lapous, autant emprunter pour une acquisition classique au lieu de se lancer dans un viager libre. Pourquoi ? Car déjà vous connaissez le montant et la durée de remboursement (contrairement au viager) et aussi vous pouvez déduire fiscalement les intérêts d’emprunt. Alors que si vous vous lancez dans un viager libre, premièrement, vous n’avez aucune possibilité d’emprunt pour payer le bouquet, vous allez devoir le payer cash, ce qui est dommage compte tenu de la faiblesse des taux bancaires actuels. Et d’autre part, vous ne savez pas combien de temps vous allez verser une rente viagère au crédirentier. Puisque le versement de la rente cessera seulement le jour de son décès.

Viager libre : très peu d’offres

Hervé Lapous est formel : mieux vaut éviter d’investir dans le viager libre car d’une part l’acquéreur aura très peu de choix sur le produit. En effet, les biens proposés sur le marché du viager libre ne courent pas les rues : seulement 1% des transactions concernent un viager libre. En viager libre, vous allez chercher trop longtemps, si c’est pour votre résidence principale et que vous êtes pressé, autant emprunter à la banque pour l’acquisition d’un bien classique, vous gagnerez du temps.

Viager libre : pour qui ?

Toutefois, dans certains cas le viager libre présente un intérêt certain. Par exemple, pour les personnes qui ont des revenus faibles ou fluctuants, le viager libre reste une solution adaptée. A condition de ne pas être pressé et d’avoir quelques économies pour pouvoir payer en cash le bouquet. Prenons l’exemple d’un garçon de café qui touche un salaire net de 1500 euros avec à côté des pourboires pouvant s’élever jusqu’ à 1000 euros. Certes, les pourboires augmentent nettement son salaire mais ils ne seront pas pris en compte par la banque, lors de sa demande de financement. Avec une fiche de salaire plafonnant à 1500 euros mensuels, il sera donc compliqué pour lui de pouvoir emprunter auprès d’un établissement bancaire. Par contre, s’il parvient à dénicher un petit studio en viager libre pour s’y installer, « pourquoi pas », admet Hervé Lapous. Cette formule lui permettra au moins d’accéder à la propriété, sans passer par la case crédit.

Propos recueillis par Alexandra Boquillon