Devenir propriétaire : plus dur qu'il y a 15 ans

En 2001 les taux de prêt immobilier étaient au-delà de 2 fois leur niveau d'aujourd'hui. Et pourtant le coût du crédit était près de 30 % plus faible, autant pour la durée des remboursements. Au fil du temps les taux ont joué les montagnes russes, tandis que la durée et le coût des prêts à l'habitat n'ont jamais cessé leur ascension. La coupable est certainement la hausse des prix de l'immobilier, au désavantage des jeunes couples souhaitant devenir propriétaire. Mais la tendance est en train de s'inverser, notamment sous la poussée des banques qui souhaitent désormais s'attirer cette clientèle bien spéciale.

Moins de 14 ans de remboursement en 2001

Le XXIe siècle avait plutôt bien commencé pour l'économie en général. Enfin presque, car la bulle Internet explosa en 2001, et avec elle les espoirs des jeunes couples de primo accédants. Et pourtant à cette époque il était encore possible de devenir propriétaire avec peu d'efforts.

Au premier trimestre 2001 le taux de prêt immobilier moyen était élevé : 5,62 %. Mais pourtant les prix restaient abordables, à en juger par les 165 mensualités nécessaires à la moyenne des emprunteurs pour rembourser leur crédit à l'habitat. Et malgré un taux aussi élevé, le coût du financement ne leur revenait qu'à 2,81 années de ressources.

Par la suite les taux des prêts immobiliers diminuèrent sous les efforts monétaires des banques centrales, et notamment de la toute jeune BCE (Banque Centrale Européenne). Et pourtant l'effet inflationniste continua de se faire ressentir sur le secteur de l'immobilier. Au premier trimestre 2003 si le taux de crédits moyen était descendu à 4,56 %, le coût relatif montait à 3,09 année de revenus, il était alors nécessaire de rembourser sur près de 175 mensualités.

Et pourtant l'indicateur de solvabilité calculé par l'observatoire CSA/Crédit Logement n'était que légèrement descendu à 97,8, contre 98,6 au premier trimestre 2000.

Des taux d'emprunt qui diminuent pour un coût plus élevé

Les taux d'emprunts immobiliers diminuèrent progressivement jusqu'à 3,36 % au 4e trimestre 2005. Mais le marché avait évolué de telle manière qu'il fallait désormais 201,5 mensualités en moyenne pour rembourser son crédit. L'indicateur de solvabilité restait élevé à 98,7 %, mais il fallait compter sur 3,77 années de revenus pour couvrir le coût du financement.

Au cours des trimestres qui suivirent les taux des crédits à l'habitat remontèrent progressivement jusqu'au 4e trimestre 2008. À ce moment ils avaient atteint 5,07 %, il fallait 216 mensualités pour les rembourser, ce qui coûtait 3,56 années de revenus. C'est précisément durant cette période que l'indice de solvabilité atteignait son record : 105. En clair, les accédants à la propriété étaient on ne peut plus solvables, malgré un coût d'emprunt toujours plus important.

C'est à cette époque que le marché de l'immobilier était en train de s'écrouler de l'autre côté de l'Atlantique. Aux États-Unis de nombreuses sociétés de crédit avaient accordé des crédits à l'habitat à des emprunteurs difficilement solvables. Pour ce faire elles avaient emprunté auprès de structures plus importantes, à taux variable, et demandé aux accédants américains de rembourser à taux variable.

Lorsque les circonstances économiques firent que le prêteur dû augmenter ses mensualités à un niveau trop élevé pour les emprunteurs, les premiers défauts de paiement arrivèrent. Chaque domino fit écrouler l'autre, jusqu'à ce que la crise mondiale se manifeste, pour arriver sur les rivages de l'Europe au début de l'année 2009.

Rebelote, les banques centrales se mirent au travail en ajoutant des liquidités au système. Les banques de détail pouvaient alors emprunter moins cher, et force est de constater qu'elles ont effectivement joué le jeu jusqu'au 4e trimestre 2010. À ce moment elles proposaient des taux nominaux à 3,27 %, bien plus bas qu'il y a 9 ans. Et pourtant la durée de remboursement continuait d'augmenter invariablement, à 210 mensualités. Invariablement le coût du crédit augmentait à 3,90 années de revenus, bien que l'indice de solvabilité restait à 98,3.

Et le même scénario se répéta au cours des mois à venir, car même lorsque le niveau record du taux immobilier moyen à 2,02 % fut atteint au cours du 2e trimestre 2015, le coût de financement restait élevé à 3,83 de revenus.

Si l'on peut expliquer cette différence par l'évolution des prix de l'immobilier, depuis le début de cette année le retour des primo accédants vient chambouler les calculs.

Devenir propriétaire pour les ménages aux revenus moyens

La baisse des taux de prêt immobilier initiée depuis le début de l'année 2015, permet aux primo accédants de revenir sur le marché. Pour preuve, au 2e trimestre de l'année dernière 31,3 % des emprunteurs de moins de 35 ans choisissaient des remboursements sur des durées comprises de 15 à 20 ans.

Mais avec la baisse des taux ils ne sont plus que 26,4 % à en profiter, désormais 36,9 % d'entre eux s'engagent sur des durées de 20 à 25 ans. Ils sont même désormais 26,8 % à choisir de rembourser sur 25 à 30 ans. Ils peuvent se le permettre car la faiblesse du coût du crédit leur permet de pouvoir envisager une revente à moyen terme, lorsque la famille se sera agrandie.

Mais ils sont tout de même moins nombreux qu'avant. En plein cœur de la crise économique de 2010, les moins de 35 ans représentaient 50,2 % des acheteurs d'immobilier résidentiel neuf. Leur proportion monta même jusqu'à 52,4 % en 2012, pour redescendre à 47,2 % depuis le début de l'année 2015.

La désertification des jeunes acheteurs et encore plus linéaires sur le marché de l'immobilier ancien. En 2009 ils représentaient 52,3 % des accédants à la propriété, puis leur présence chuta progressivement jusqu'à 43,3 % en 2015. À cause de prix en augmentation par rapport à des revenus qui n'évoluent pas, il faut souvent attendre quelques années de plus avant de réunir l'apport personnel nécessaire pour devenir propriétaire.

Ainsi la barre des 35 à 45 ans sur l'accession à la propriété dans l'ancien, passe de 29,2 % en 2009 à 32,7 % en 2015. Mais depuis le début de l'année les choses sont en train de changer, avec une tendance à confirmer en 2016.

Les banques cherchent à attirer les jeunes ménages

Le PTZ+ va être amélioré dans l'immobilier neuf, c'est ce qu'a annoncé le président François Hollande à Nancy. Les plafonds de revenus pour y être éligible vont être rehaussés, et la part de financement pourra être montée jusqu'à 40 %. Mais ces mesures ne s'adresseront qu'à l'immobilier neuf, dans l'ancien il sera nécessaire d'effectuer au moins 25 % de travaux.

Cela ne décourage pas les banques, qui demandent toujours moins d'apport personnel pour obtenir un prêt immobilier. Elles sont le véritable moteur du marché, grâce à leur stratégie d'instaurer une relation de clientèle à long terme avec les jeunes ménages.