Immobilier de prestige : après une année 2018 record, quelles sont les perspectives pour 2019 ?

Après une année 2018 record, à quoi faut-il s’attendre sur le marché immobilier haut de gamme pour 2019 ? Quel est l’impact des Gilets jaunes sur les volumes et sur les prix de l’immobilier de luxe ? Le retour tant espéré des Brexiters a-t-il eu lieu ? Quelles villes et quels arrondissements parisiens sont particulièrement convoités ? A Paris : La Rive Gauche va-t-elle être détrônée par le centre historique ? Analyses croisées de Laurent Demeure, président de Coldwell Banker France & Monaco et de Charles-Marie Jottras, président de Daniel Féau et Belles demeures de France.

 L’immobilier de prestige français atteint des records en 2018 ! Le volume de vente traité par Coldwell Banker France & Monaco a progressé de 34,49%. Après un début d’année poussif le marché a connu une forte reprise. « Nous avons obtenu un volume de transaction de 754 millions d’euros en 2018 et nous allons essayer de viser le milliard pour 2019 », ambitionne Laurent Demeure, président de Coldwell Banker France & Monaco. Le marché de l’immobilier de luxe a sur-performé par rapport à l’immobilier plus traditionnel, affirme-t-il.

Même tendance observée chez Daniel Féau et belles demeures de France. « L’année 2018 a permis à nos agences d’atteindre un nouveau record avec une progression de son chiffre d’affaires de 32 % par rapport à l’année précédente. Malgré un marché fluide, ce dernier est toutefois marqué par un fort déséquilibre entre l’offre et la demande, qui touche particulièrement les appartements de 3 chambres d’une surface inférieure à 150 m2 », nuance Charles-Marie Jottras, président du groupe Daniel Féau.

Le monde entier rêve toujours de Paris

« Comme le disait Jules Renard : ajoutez 2 lettres à Paris et c’est le Paradis », cite Laurent Demeure. En tout cas, l’appétence pour Paris ne se dément pas en 2018, et une montée des prix se poursuit (de l’ordre de +6% annuel sur des ventes de biens comparables, comme un 150 m2 dans le 16ème Nord). A noter que 12% des ventes dépassent désormais 1 million d’euros, 50 ventes par mois se situent au-dessus de 15 000€/m2 (+17,69%), 10 ventes par mois dépassent 20 000€ du m2 (avenue Montaigne, dans le Triangle d’Or).

« Les appartements avec un grand luxe de finition, de décoration et de services sont recherchés par une élite mondiale », précise Laurent Demeure.

« Au-delà de 4 millions d’euros, les acquéreurs en provenance de l’étranger ont continué de dominer le marché. Les mesures fiscales favorables aux entrepreneurs qui ont suivi l’élection du Président de la République, ont semble-t-il réussi à les convaincre de réinvestir en France. En effet, plus de 50 % de nos acquéreurs au-delà de 4 millions d’euros étaient non-résidents, et parmi ces non-résidents achetant un bien à Paris ou à Neuilly, la moitié (47 %) sont de nationalité française.

Ces Français reviennent donc s’installer en France. Une tendance inédite », témoigne Charles-Marie Jottras président du groupe Daniel Féau.

Les effets bénéfiques de la mise en place de la « Flat Tax » et de la suppression de l’ISF

 « À l’inverse, nous n’avons observé cette année aucune vente liée à un départ à l’étranger pour raison fiscale. Cela rompt avec la tendance de ces dernières années et pourrait être un effet de la suppression de l’ISF et de l’installation de la « Flat Tax ».

Nos ventes d’appartements et d’hôtels particuliers d’une valeur supérieure à 4 millions d’euros ont été effectuées en 2018 à un prix moyen de 18 849 € avec un prix record de 39 294 € du m2 pour un appartement entièrement rénové et décoré avec une vue époustouflante sur la Seine et Paris », ajoute-t-il.

1er arrondissement parisien : + 25% en seulement 5 ans !

"Le 6ème arrondissement reste l’arrondissement le plus cher de Paris (+13 010€) talonné par le 4ème (+ 12 750€/m2) et le 1er (+12660 €/m2) qui dépassent désormais le 7ème (12 340 €)

Le 1er arrondissement est devenu l’un des quartiers les plus attractifs de la capitale parisienne avec une augmentation impressionnante des prix de 25% en seulement 5 années », selon Coldwell Banker France & Monaco.

Le 4ème arrondissement tout comme le 1er arrondissement, attirent au fil des années de plus en plus d’acquéreurs, désireux de s’implanter au cœur de l’hypercentre, dans des quartiers vivants et commerçants, là où la Rive Gauche se dépeuple de ses commerces de bouche et de proximité pour de grandes enseignes.

Plus Paris devient une mégalopole mondiale, plus ses habitants recherchent une vie de village, renforcée par l’image caricaturale d’un Paris peuplée de petites rues et d’attractions typiquement françaises (commerces de bouche, théâtres, vie culturelle), précise Coldwell Banker.

Pour preuve, un appartement de 110m2, de style Haussmannien niché au coeur du Marais entre Saint-Paul et Hôtel de Ville (4ème) a rapidement trouvé preneur à 1 500 000€

Autre appartement vendu récemment dans le 2ème arrondissement (dans le quartier de Montorgueil) : 71,71 mètres carrés pour 1 100 000€.

Le XVIe arrondissement redevient à la mode

Selon Daniel Féau, « tous les quartiers ont connu une progression à deux chiffres, avec, en tête, des performances notables dans l’ouest parisien et particulièrement dans le XVIe arrondissement. Ce dernier redevient à la mode : les grands appartements des beaux

immeubles haussmanniens du XVIe Nord retrouvent, lorsqu’ils ont bien été rénovés, une certaine fluidité. Passy et Auteuil bénéficient de leurs écoles et de leur offre en appartements familiaux de taille raisonnable. La proximité d’écoles de qualité est plus que jamais devenue un critère de recherche déterminant. »

Toulouse : l’étoile montante de l’immobilier de prestige 

Ce n’est pas un hasard si Coldwell Banker va ouvrir une nouvelle agence dans la ville rose. « Toulouse pourrait connaître le parcours de Bordeaux dans les deux ans qui viennent », annonce Laurent Demeure. En effet, les « prix ont augmenté de façon significative, observe-t-il. Grâce à une démographie en hausse et une conjoncture favorable conjuguées à des taux d'intérêt très bas, Toulouse a même enregistré de véritables records de vente. »

Le flop du Brexit

Le retour massif tant attendu des Brexiters n’a pas encore eu lieu. « Contrairement à l'anticipation initiale prévoyant rapidement des transferts d'équipes dirigeantes, nous constatons un flux constant mais relativement modéré d'arrivées sur Paris », confie Laurent Demeure! Il faut dire qu’avec la baisse de la livre sterling et celle des prix de l’immobilier londonien, le pouvoir d’achat des Britanniques diminue sensiblement », analyse-t-il.

Plusieurs acquisitions de familles arrivant de Londres ont été réalisées. Ce sont principalement des appartements familiaux situés dans le 16ème arrondissement Nord et sur la Rive Gauche entre 1,8M€ et 4M€. Chez Daniel Féau, La majorité des Brexiters rentrés à Paris ont acquis des biens entre 1,5 et 3 millions d’euros pour loger leur famille, à Paris ou à Neuilly, à proximité des écoles. D’après les professionnels, ce flux devrait s'intensifier en 2019. Mais force est de constater que pour l’instant le mouvement social des Gilets jaunes n’aide pas !

Quel est l’impact des Gilets jaunes sur l’immobilier parisien ?

La mobilisation des Gilets Jaunes freine la dynamique du marché. « Certains clients étrangers décalent leur venue à Paris en vue de réaliser des visites », déplore Laurent Demeure. « Les gilets jaunes ne modifient en rien la perception de la France et des Français par nos clients et investisseurs. En dépit d’un volume de vente qui pourrait être affecté, les prix ne baisseront pas », assure Laurent Demeure.

A quoi s’attendre en 2019 ?

Selon les professionnels de l’immobilier haut de gamme, l’année 2019 devrait rester sur une bonne dynamique. L’immobilier de luxe en France demeure la valeur refuge par excellence ! Acquérir un bien à Paris reste un placement sans risque, affirme Laurent Demeure. Et d’ajouter « la situation que nous vivons aujourd’hui n’est aucunement comparable aux vagues d’attentats qui ont meurtri la France ».

Toutefois, suite au mouvement social des Gilets jaunes, nous pouvons néanmoins nous attendre à une très légère baisse du nombre de transactions immobilières pour le premier trimestre 2019 », anticipe-t-il.

Selon Daniel Féau, « tout indique que notre clientèle en provenance de Londres sera de plus en plus présente en 2019 ».

Cependant, « d’autres facteurs pourraient venir freiner la dynamique actuelle comme une plus lourde taxation des successions, l’abandon de la suppression de la taxe d’habitation pour les foyers les plus aisés ou encore le retour de l’ISF. Il serait dommage d’alourdir à nouveau la fiscalité des haut revenus », conclut Laurent Demeure.

Alexandra Boquillon