Immobilier : une France de propriétaires sereins ?

« 70% de propriétaires ! » Tel était le souhait de l’ancien Président Nicolas Sarkozy lors de sa prise de fonction en 2007. A l’époque, la France comptait 60% de propriétaires. Verdict 10 ans plus tard, en 2017, selon les données d’Eurostat : la proportion de propriétaires français a augmenté de 4%, pour atteindre 64%. Un chiffre qui coïncide plus ou moins avec les statistiques de l’INSEE : on recense en moyenne 60% de propriétaires occupants (hors investisseurs) en France selon les dernières données de 2018. Si l’on regarde dans le détail les données de l’INSEE, certaines régions françaises enregistrent un pourcentage de propriétaires occupants au-dessus de la moyenne nationale. Ainsi, la part des ménages propriétaires en 2014 atteignait près de 70% dans le Cantal. Mais à quel prix ? Zoom sur la situation des propriétaires français.

Accession à la propriété : la France en dessous de la moyenne européenne 

Les chiffres de l’accession à la propriété en France se situent au-dessus de ceux observés en Allemagne où les propriétaires ne représentent que 51% de la population en 2017 (selon Eurostat). Mais par contre la France reste en dessous de la moyenne observée en Europe qui recense 69% de propriétaires. Les pays champions du monde de l’accession à la propriété sont la Roumanie avec 97% de propriétaires. Autant dire qu’il ne vaut mieux pas faire de l’investissement locatif là-bas puisqu’il n’y a que 3% de locataires ! Comment expliquer cette proportion colossale de propriétaires ? Après la chute du communisme, les Roumains ont pu acheter leur logement grâce aux prix de l’immobilier très bas, a expliqué récemment le journaliste Jean-Paul Chapel sur le plateau de France 2. Autre pays de l’Est a bénéficié du même contexte : la Pologne qui monte sur la deuxième marche du podium avec 84% de propriétaires devant l’Espagne qui compte 77% de propriétaires. Le Portugal de son côté recense 75% d’accédants à la propriété, l’Italie, 72% et le Royaume-Uni 65%.

Avec Emmanuel Macron : plutôt vers une France de locataires ?

Emmanuel Macron a émis dernièrement l’idée de taxer les plus-values réalisées lors de la revente des résidences principales alors que pour l’heure, seules les plus-values de cession des résidences secondaires sont taxées. De quoi faire bondir les associations de propriétaires. Si cette idée devenait réalité, la proportion de propriétaires occupants risquerait de reculer. Mais dans le même temps, derrière chaque locataire, il faut bien un propriétaire bailleur !

La plus-value = une pièce en plus !

« Un propriétaire-occupant qui vend pour acheter plus grand dans la même ville, une pièce en plus, peut se le permettre justement grâce à la plus-value réalisée. Il n’y a donc aucun caractère spéculatif derrière ! Ce serait une énormité de vouloir taxer cette plus-value réalisée sur la cession de la résidence principale. D’autant que les droits de mutation ont augmenté et la taxe foncière a explosé, le coût de l’accession à la propriété est loin d’être amorti ! », déplore Pierre Hautus, directeur général de l’UNPI.

Julien Denormandie s’oppose à la taxation de la plus-value sur la résidence principale

Julien Denormandie, ministre de la Ville et du Logement, a récemment déclaré : "Il n’est pas question de taxer la plus-value sur la résidence principale" pour rassurer les Français, s’opposant ainsi à l’idée émise par Emmanuel Macron. Par ailleurs, « le Ministre Julien Denormandie essaye de déminer le terrain notamment sur le niveau de taxation. En tout cas, c’est ce qu’il nous a déclaré lors de notre dernier entretien », rapporte Christophe Demerson, Président de l’UNPI. Le ministre de la Ville et du Logement a écouté attentivement les difficultés observées sur le terrain au quotidien et les requêtes de l’UNPI. L’entretien qui devait durer une heure, s’est prolongé pour durer au final 3 heures, selon le Président de l’UNPI. Ce dernier et Pierre Hautus espèrent de concert que Julien Denormandie parviendra à avoir l’oreille du Président Macron, qui jusqu’alors manifeste une certaine aversion à l’égard du secteur immobilier et des propriétaires de façon générale et systématique. Non tous les propriétaires français ne sont pas des rentiers. Loin de là…

Pour les primo accédants, chaque euro compte !

Les signaux négatifs envoyés aux propriétaires comme par exemple l’augmentation des frais de notaire ou la nouvelle taxe de 9% sur l’assurance décès emprunteur exigible depuis le 01/01/2019 ne font qu’accumuler les nuages noirs dans le ciel de l’accession à la propriété. Or, pour les primo accédants chaque euro compte », rappelle Christophe Demerson. L’UNPI les conseille au jour le jour pour structurer leur projet d’accession...et constate que l’équilibre des propriétaires français est fragile. Resolvabilisés grâce aux taux de crédit très bas, près d’un Français sur 3 rembourse un crédit immobilier selon un sondage OpinionWay pour Vousfinancer, 31% des Français ont en effet actuellement un crédit immobilier en cours. Les taux vont rester bas jusque fin 2019 mais quelle politique monétaire va adopter le successeur de Mario Draghi qui prendra ses fonctions à la BCE en fin d’année ? Une politique tout aussi accommodante ? C’est toute la question…

Vendre le garage pour régler les impôts fonciers

Ni milliardaires, ni pauvres, les propriétaires français se retrouvent souvent en difficulté au moment de régler notamment les impôts fonciers. Les retraités doivent faire des concessions pour conserver leur bien et régler les frais inhérents (entretien, chauffage, eau, électricité, gaz, impôts locaux…). « Fini le coiffeur, l’argent de poche donné aux petits-enfants… », rapporte Christophe Demerson, qui recueille au quotidien les témoignages sur le terrain. « De nombreuses veuves âgées de 80 ans qui avaient acheté par exemple un bien dans les années 80 à crédit, un F4 ou F5 à Clermont, ne peuvent assumer le poids des impôts locaux depuis le décès de leurs époux : 2500 euros ! Elles ont commencé par utiliser leurs économies placées sur un livret à la Caisse d’Epargne, puis ont coupé le chauffage, ce qui a engendré des problèmes d’humidité et de moisissures, dégradant de facto leur bien. Pour finir par vendre le garage afin de récupérer les liquidités nécessaires… » Ce ne sont pas des cas isolés, le Président de l’UNPI en reçoit une dizaine chaque mois à Clermont-Ferrand…

Louer une partie de la maison sur AirBnB pour régler les impôts fonciers

Autre exemple du côté d’Aubagne, à proximité de Marseille, un couple de retraités doit régler chaque année 6000 euros d’impôts locaux (taxe foncière et taxe d’habitation cumulées) ! Une somme importante pour ce couple d’octogénaires contraints de louer tous les étés l’étage de leur maison sur AirBnB afin de pouvoir régler plus sereinement et absorber plus facilement cette lourde charge ! A 80 ans passés, ils gèrent durant 8 semaines les entrées et sorties de touristes arrivant des 4 coins de la planète avec la charge colossale de travail que cela implique (ménage, entretien du linge de toilette, repassage des draps…) et l’anxiété qui grandit quand l’été arrive et que le taux de remplissage est faible…la plupart des vacanciers réservant à la dernière minute.

Propriétaires bailleurs : peu de travaux à la relocation !

 Du côté des propriétaires bailleurs, le pourcentage d’entre eux effectuant des travaux à la relocation n’a jamais été aussi bas : seulement 14% selon les données de l’Observatoire Clameur publiées en 2018 (concernant l'année 2017). En effet, croulant notamment sous la charge fiscale, bon nombre hésitent à faire des travaux lors du départ d’un locataire et reloue leur bien en l’état au locataire suivant. Le parc locatif se dégrade ainsi année après année, au détriment des locataires…C’est ainsi qu’on en arrive à des situations dramatiques comme celle survenue rue d’Aubagne à Marseille le 5 novembre dernier, avec l’effondrement de deux immeubles insalubres, faisant 8 morts.

Les résultats 2019 (concernant l'année 2018) de l’Observatoire Clameur seront publiés mardi prochain. Cette proportion concernant l'effort d'amélioration du parc locatif privé a-t-elle encore diminué entre 2017 et 2018 ? Le verdict mardi 26 mars avec le professeur Michel Mouillart.

Alexandra Boquillon