Parc locatif privé : l’effort d’amélioration et d’entretien a chuté de plus de 40% en 20 ans !

Selon le dernier bilan du marché locatif privé de l’Observatoire CLAMEUR (sur 500 000 baux signés en 2018), dévoilé hier, la mobilité résidentielle se stabilise (30.2 %). Les loyers de marché, quant à eux, progressent de + 1,4% en 2018 à un rythme inférieur à celui de l’inflation.  De 2013 à 2018, les loyers ont cru de 0.5 % par an, pour une inflation à + 0.8 %, en moyenne.  Comment expliquer ce ralentissement de la hausse des loyers puis ce décrochage par rapport à l’inflation ? L’encadrement des loyers a-t-il prouvé son efficacité ? Où constate-t-on la panne des loyers de marché ? Pourquoi les bailleurs entretiennent et améliorent-ils de moins en moins leur bien lors de la relocation ? Pourquoi se tournent-ils de plus en plus vers la location saisonnière ? Bilan du professeur Michel Mouillart, auteur de l’étude, entouré d’Olivier Nivault, président de Plurience et actuel président de CLAMEUR, de Christophe Demerson, président de l’UNPI et de Christophe Tanay, président de l’UNIS, tous les trois membres fondateurs de CLAMEUR (avec également Foncia et le SNPI).

Pas même un coup de peinture ! Près de 87% des bailleurs français relouent leur bien en l’état lors du départ d’un locataire. En effet, seulement 13,3% d’entre eux fournissent un effort d’amélioration et/ou d’entretien lors de la relocation de leur logement. Du coup, peu de locataires du parc privé peuvent emménager dans un bien rafraîchi ou pour les plus chanceux dans un bien amélioré (isolation thermique…).

Parc locatif privé : l’effort d’amélioration et d’entretien s'est effondré de plus de 40% en 20 ans !

13,3% ! Ce maigre taux d’effort est la conséquence directe d’incertitudes relatives à l’évolution des recettes locative, dégradées en raison de vacance locative ou de charges fiscales trop lourdes à supporter pour les bailleurs. « L’effort d’amélioration et d’entretien du parc locatif privé s’est considérablement affaibli. Depuis 2014, 15.4 % des logements remis en location ont bénéficié de travaux permettant d’en améliorer le confort (notamment thermique), contre 23.4 % entre 1998 et 2013. En 2018, cet effort s’est encore réduit pour tomber à 13.3 % », alerte le professeur Michel Mouillart. Soit un taux d’effort qui a diminué de plus de 40% en 20 ans !

Le constat est alarmant pour l’avenir : dégradation de la qualité du parc, détérioration des conditions de logement…. Sur une grande partie du territoire, les loyers sont trop faibles pour assurer l’équilibre financier requis des projets d’investissement, en d’autres termes l’investissement locatif devient de moins en moins rentable pour les propriétaires bailleurs. Tandis que dans les grandes agglomérations, l’instabilité fiscale et règlementaire n’est guère encourageante pour beaucoup de propriétaires bailleurs. Et à Paris notamment, l’encadrement des loyers (celui fixé par arrêté préfectoral) rétabli dans la loi ELAN risque de dissuader les propriétaires bailleurs de maintenir une stratégie active d’entretien de leur patrimoine.

Les bailleurs trouvent une porte de sortie grâce à AirBnB

Si les bailleurs entretiennent de moins en moins leur patrimoine, il se trouve qu'ils se tournent de plus en plus vers la location saisonnière sur les plateformes collaboratives du type AirBnB qui se révèle bien plus rentable que la location classique, déplorent les professionnels. Cette tendance soustrait de plus en plus de biens aux habitants des grandes agglomérations et par exemple les étudiants galèrent pour dénicher un bien sur le marché de la location dans des villes comme Lyon ou Bordeaux comme cela a été observé lors de la rentrée universitaire 2018. Le meublé touristique a soustrait au parc locatif classique entre 20 000 à 30 000 logements dans les quartiers du centre de la capitale, estime la mairie de Paris. Selon une étude de 2015, 63% des immeubles situés sur l’île Saint-Louis à Paris proposent des appartements à la location sur AirBnB. « Place de l’Odéon des biens sont proposés hors de prix à la nuitée », dénonce Christophe Tanay. « La raréfaction de l’offre dans le parc locatif privé pousse les loyers à la hausse », surenchérit Olivier Nivault, président de Plurience.

Mais le phénomène tend à se généraliser et la location saisonnière attire les bailleurs aussi dans des petites communes comme Vichy, Besançon ou Colmar…pour ne citer qu’elles. « Vichy affichait un taux de vacance locative proche de 40% » rappelle Michel Mouillart. Mais grâce à AirBnB, les bailleurs ont pu trouver une porte de sortie. Croulant sous les charges et paralysés par le manque de rentrées locatives, en raison parfois de taux de vacance élevés, les bailleurs ne peuvent plus entretenir leur patrimoine, d’où ce taux d’effort d’entretien ou d’amélioration au plus bas (13,3%) ! Mais force est de constater que « grâce à AirBnB, les logements redeviennent salubres », observe pour sa part Christophe Demerson.

Avec ou sans encadrement, les loyers s’auto-régulent !

Depuis plus de dix années les loyers de marché ont ainsi progressé moins que l’inflation, quelle que soit la conjoncture du marché locatif privé. « On pourrait bien sûr être tenté de conclure que l’action publique a remis de la sagesse dans le marché et que les décisions d’encadrement des loyers en évolution et en niveau ont prouvé leur efficacité », relève Michel Mouillart. En réalité, les observations que propose CLAMEUR (Connaître les Loyers et Analyser les Marchés sur les Espaces Urbains et Ruraux) soulignent que depuis 2013, les loyers de marché ont baissé ou progressé sous l’inflation dans plus de trois quarts des petites communes situées hors les agglomérations retenues par l’encadrement des loyers en évolution.

La panne des loyers de marché se constate partout

Même sur les communes dites « rurales » et sur les plus petits des marchés situés en dehors des zones d’encadrement : la panne des loyers de marché n’est pas spécifique aux seules grandes villes et à leurs agglomérations. « Il ne semble donc guère évident de pouvoir imputer aux dispositions publiques d’encadrement des loyers en évolution le retour du marché « à plus de raison et à plus de calme », souligne Michel Mouillart.

Bailleurs : misez sur Villeurbanne !

Si l’on regarde les 20 premières villes françaises en nombre d’habitants (plus de 148 000), dans 70 % d’entre elles, les loyers ont baissé ou ont augmenté moins vite que l’inflation depuis 2013. Et en 2018, les loyers ont même baissé dans 25 % de ces villes, alors que le rythme de l’inflation s’est nettement redressé. 

Seule exception notoire parmi ces 20 premières villes française en termes de population où le loyer moyen a significativement progressé plus rapidement que l’inflation en 2018 : Villeurbanne ! En tête du classement, cette commune limitrophe de Lyon affiche un loyer moyen en 2018 de 12,7 €/m², soit en augmentation de 6,1% par rapport à 2017. Faut-il investir à Villeurbanne, commune très bien situé en périphérie lyonnaise ? « Villeurbanne est un territoire en cours de développement qui récupère une clientèle qui se déplace », observe Michel Mouillart. Située dans la métropole de Lyon en région Auvergne-Rhône-Alpes, Villeurbanne comptait 148 543 habitants au 1ᵉʳ janvier 2014, soit la commune de banlieue la plus peuplée de France, devant Boulogne-Billancourt, en banlieue parisienne. Abritant notamment l’université Villeurbanne La Doua, dotée d’un bon réseau de transport, avec la ligne du tramway T6 prolongée à Villeurbanne à horizon 2024, et connue pour son marché aux Puces du canal qui font le bonheur des chineurs, Villeurbanne affiche un dynamisme certain et promet aux investisseurs de belles opérations en perspective, les prix étant encore inférieurs à ceux pratiqués dans la capitale des Gaules, avec des loyers en réelle augmentation. Les prix de la pierre commencent aussi à grimper. Investisseurs : c’est maintenant qu’il faut acheter à Villeurbanne !

Alexandra Boquillon