Le nouveau dispositif Pinel de sécurisation des loyers

La garantie universelle des loyers est morte. Vive la garantie universelle des loyers ! Ce dispositif établi par la loi ALUR et visant à sécuriser le versement des loyers aux propriétaires bailleurs n’a jamais obtenu ses décrets d’application, et n’a donc techniquement jamais vu le jour. Mais c’était pour mieux le remplacer par un nouveau mécanisme baptisé Visale à compter de janvier 2016, qui en reprend les grandes lignes, tout en étant assuré, selon les mots de la ministre du Logement, Sylvia Pinel, d’un fonctionnement moins lourd.

Le principe de la garantie universelle des loyers

Confrontés à une situation de l’emploi complexe, les bailleurs deviennent de plus en plus pointilleux quant au choix de leurs locataires. Ceux-ci doivent justifier de garanties parfois invraisemblables pour pouvoir accéder à la location : CDI minimum, gain d’un salaire au moins trois fois supérieur au montant du loyer, garant capable de se substituer au locataire en cas d’impayés, etc.

Certes, une assurance existe qui offre au bailleur la garantie que ses loyers seront bien versés en cas de problème, mais celle-ci, appelée GLU (garantie des loyers impayés) est soumise à des conditions de location qui sont elles-mêmes extrêmement rigides, imposées par l’assureur pour limiter ses risques.

En réponse à ces difficultés, l’État a mis en place un dispositif de cautionnement des loyers du parc privé, la garantie universelle des loyers ou GUL. Celle-ci était contenue dans la loi ALUR (pour l’Accès au Logement et pour un Urbanisme Rénové) du 24 mars 2014, et accompagnait un autre mécanisme décrié par les professionnels de l’immobilier : l’encadrement des loyers.

La philosophie de cette loi proposée par Cécile Duflot visait à soulager les locataires dans leur recherche d’un logement, pour pouvoir répondre plus efficacement aux exigences toujours plus élevées des propriétaires et des agences immobilières. La GUL devait apaiser les tensions entre propriétaires et locataires tout en protégeant les intérêts des premiers en cas d’impayés de loyers : ceux-ci se voyaient remboursés par une Caisse publique les montants des loyers non recouvrés.

De la GUL au dispositif Visale

Les professionnels sont immédiatement montés au créneau pour dénoncer une mesure qui :

  • Risquait de déresponsabiliser les locataires, « encouragés » à ne plus verser leurs loyers puisque ceux-ci seraient pris en charge par l’État ;
  • Menaçait de coûter bien plus à l’État que la somme avancée de 700 millions à 1 milliard d’euros.

De fait, la garantie universelle des loyers n’a jamais été appliquée. Et, lors de la présentation de son remplaçant, le dispositif Visale, Sylvia Pinel s’est donné beaucoup de mal pour démontrer que ce nouveau dispositif serait moins lourd que la GLU, mais également plus simple que la garantie des risques locatifs (GRL), qui elle aussi a pris fin au 31 décembre 2015.

Gérer un immeuble  syndic

Fonctionnement du dispositif Visale

C’est en concertation avec Action Logement que l’État a mis en place cette Visale, qui garantie aux bailleurs le paiement des loyers impayés (charges incluses) durant les 3 premières années du bail. Ce cautionnement se différencie toutefois grandement de ses prédécesseurs en ce qu’il est choisi directement par le candidat locataire sur un site dédié, pour être ajouté à son dossier et apporté au propriétaire lors de la sélection. Libre au bailleur de sélectionner ce locataire appuyé par Visale ou de lui préférer un autre candidat offrant de meilleures garanties. De fait, ce sont les candidats locataires les plus précaires qui sont visés par le nouveau dispositif.

Un processus dématérialisé

Le dispositif Visale a ceci de singulier qu’il fonctionne uniquement en ligne, sur un site dédié ouvert le 20 janvier 2016. Le candidat locataire ou le propriétaire bailleur y souscrivent durant un processus entièrement dématérialisé. Ensuite, le bailleur, le cas échéant, est amené à faire ses déclarations d’impayés en ligne.

Une fois le propriétaire indemnisé, Action Logement agit auprès des locataires afin de se faire rembourser le montant des loyers impayés. Une fois de plus, les locataires peuvent effectuer leurs démarches et s’acquitter de leurs dettes via le site. Le remboursement peut être échelonné dès lors que les locataires ont repris le rythme du paiement régulier du loyer.

Qui sont les bénéficiaires ?

Visale est essentiellement ciblé sur les candidats locataires les plus fragiles. Sont concernés les salariés d’une entreprise du secteur privé hors agricole, assujettie à la PEEC (Participation des entreprises à l’effort de construction, le dispositif d’Action Logement) se portant candidats à l’entrée dans un logement du parc privé. Voici les profils ciblés dans le détail :

  • Les salariés de moins de 30 ans, quel que soit leur contrat de travail, entrant dans un logement dans les 12 mois après la prise de fonction et pendant la durée du contrat de travail.
  • Les salariés de plus de 30 ans, quel que soit leur contrat de travail (hors CDI, mais en incluant la période d’essai d’un CDI), entrant dans un logement dans les 3 mois après la prise de fonction et pendant la durée du contrat de travail.
  • Les ménages entrant dans un logement locatif privé via un organisme d’intermédiation locative agréé, type Fapil.
  • Quel que soit le cas, locataires ou ménages doivent respecter les conditions d’éligibilité liées aux revenus, qui sont les suivantes : un taux d’effort qui ne doit pas dépasser 50% (loyer + charges / revenus d’activité ou de remplacement du ménage locataire), et pour les jeunes salariés de moins de 30 ans justifiant d’un CDI confirmé, un taux d’effort compris entre 30 et 50%.

Quels sont les logements concernés ?

Tout logement soumis au dispositif Visale appartient nécessairement au parc locatif privé. Il doit en outre :

  • Être la résidence principale du locataire ;
  • Être situé sur le territoire français.

Quels sont les types de bail concernés ?

Les baux concernés par le dispositif Visale doivent répondre aux conditions suivantes :

  • Ils doivent être conformes à la loi du 6 juillet 1989;
  • Ils ne peuvent pas être conclus entre les membres d’une même famille ;
  • Ils doivent être signés après l’obtention du contrat de cautionnement Visale, et dans le délai de validité du visa présenté par le locataire ;
  • Ils doivent contenir une clause de résiliation en cas de non versement du loyer ;
  • Ils doivent être individualisés pour chaque locataire en cas de colocation (plus de 2 personnes dans le logement qui ne sont pas de la même famille) ;
  • Les logements doivent être loués vides ou meublés ;
  • Les loyers, charges comprises, ne peuvent pas dépasser 1 500 € dans Paris intra-muros, ou 1 300 € sur le reste du territoire.

Immeuble au coin arondi avec colonnes, Paris

Visale, une bonne nouvelle pour les propriétaires ?

Avec de telles conditions de souscription, le rythme de croisière attendu par le gouvernement de 150 à 200 000 locataires couverts devrait difficilement être atteint. Les bénéficiaires en sont plutôt attendus dans des zones non tendues où les propriétaires peinent à trouver des locataires solvables, mais pas tellement dans Paris, en petite couronne ou dans les grandes agglomérations, le choix étant donné aux propriétaires bailleurs de sélectionner un profil offrant de meilleures garanties.

En sorte que Sylvia Pinel, avant de quitter ses fonctions de ministre du Logement, a symboliquement enterré sans fleurs ni couronnes un dispositif – voulu et assumé par Cécile Duflot – qui avait attisé le mécontentement des professionnels de l’immobilier. La mise en place de Visale a donc tout d’une bonne nouvelle pour les propriétaires bailleurs, déjà fortement encouragés à investir dans le locatif par… le dispositif Pinel !