Locataires, faut-il encore passer par les agences ?

En mars, l’UFC-Que Choisir pointait du doigt les pratiques peu recommandables des agences immobilières en regard de leurs clients locataires. Manque de transparence tarifaire, excès en tous genres, obligations légales non respectées… Le tableau est sombre. Dans un contexte qui a fait de l’accès au logement une problématique majeure, notamment dans la sphère politique, ce bilan en demi-teinte interroge : les locataires doivent-ils encore faire confiance aux agences immobilières pour se loger ?

L’enjeu de l’accès au logement en France

En France, les tensions sur le front du logement sont vivaces depuis de longues années. En cause : une offre qui ne parvient pas à satisfaire une demande de plus en plus importante, notamment dans les zones dites « tendues » et « très tendues » (grandes agglomérations et région parisienne).

Une impasse dont tous les gouvernements successifs essaient de se tirer, avec plus ou moins de succès, et moins que plus, d’ailleurs. Loi Alur en 2014 (portée par sa mesure phare sur l’encadrement des loyers, qui a accouché d’une souris), dispositif Pinel pour favoriser l’investissement locatif, prêts à taux zéro pour les primo-accédants… Et, dernièrement, une priorité nette donnée au logement des jeunes avec des mesures à destination des acquéreurs et des locataires.

L’accès au logement n’est donc pas un sujet mineur, loin de là. Pourtant, les exigences conjointes grandissantes des banques – pour ce qui est de prêter de l’argent aux candidats à la propriété – et des agences immobilières – pour les garanties que doivent désormais présenter les futurs locataires – semblent jouer à l’encontre de cette réalité. Ce que tend à démontrer une enquête menée par l’UFC-Que Choisir auprès des agences immobilières françaises, dont un certain nombre ne respecte pas la loi en matière de traitement des locataires.

Le point de vue de l’UFC-Que Choisir sur les agences

Paradoxalement, plus l’accès au logement devient un sujet majeur pour la société française, plus les locataires seraient mal considérés par les agences immobilières, si l’on en croit une enquête menée par l’association de consommateurs UFC-Que Choisir. Celle-ci a analysé les comportements de 1 246 agences réparties dans 76 départements, et le bilan est catastrophique.

Le titre qui ouvre un article de La Tribune consacré à cette étude ne fait pas dans la dentelle : les locataires seraient bel et bien « le cadet des soucis » des agences. Opacité totale des tarifs et des informations sur les biens mis en location, excès dans de nombreux domaines, manque de considération pour les locataires qui apparaissent comme les parents pauvres des consommateurs de l’immobilier… Les agences sont-elles, à ce point, devenues des grands méchants loups ?

Des services en berne

Premier point souligné dans cette étude : les services fournis par les agences immobilières ne sont pas à la hauteur des promesses. Ces structures sont bel et bien censées jouer les intermédiaires entre les candidats à la location et les biens disponibles sur le marché, en toute transparence et dans le respect des volontés des deux parties – autrement dit, les agences doivent louer un appartement ou une maison pour satisfaire les propriétaires, mais elles doivent, dans le même temps, proposer un bien de bonne qualité aux locataires.

Or, 4 agences sur 10, soit 38 % d’entre elles, ne fourniraient pas aux clients les informations détaillées sur les biens en location. Il n’est pas rare qu’un candidat à la location ait besoin d’insister auprès de l’agence pour obtenir des renseignements précis constitutifs du bien (savoir si les toilettes se trouvent bien dans tel appartement parisien, et pas sur le palier, par exemple). Il n’est pas rare, non plus, que le locataire trouve plus d’informations dans des annonces publiées par des sites de particuliers à particuliers que sur les vitrines (et à l’intérieur) des agences.

Pire, Alain Bazot, le président de l’UFC-Que Choisir, souligne un surprenant paradoxe : les indications fournies pour un logement sont plus détaillées sur une plate-forme comme Airbnb qu’elles ne le sont dans les documents des agences immobilières. Le problème, c’est qu’Airbnb propose des locations saisonnières. Et qu’un logement loué dans une agence l’est souvent pour une longue période de temps, en échange d’un budget important, ce qui mériterait une plus grande attention.

Des demandes illégales

Autre point problématique : les documents demandés au locataire. Au fil du temps, les exigences des agences immobilières en matière de garanties locatives se sont durcies plus encore que celles des propriétaires qui louent de particulier à particulier. Certes, tous ont envie de choisir le locataire « parfait », sérieux et bon payeur (voir ici), mais la loi fixe clairement le type de documents que les bailleurs sont autorisés à demander au candidat pour juger de sa fiabilité.

Pourtant, toujours selon l’UFC-Que Choisir, une majorité des agents immobiliers exige des documents interdits aux locataires lors de la constitution de leur dossier. Il peut s’agir de pièces diverses : relevé d’identité bancaire, copie de l’acte de mariage ou de divorce, extrait de casier judiciaire, etc., qui relèvent de la vie privée du candidat.

Plus grave, la proportion des professionnels hors-la-loi est en augmentation : 81 % des agences ont demandé au moins un document qu’elles n’avaient pas le droit de réclamer, contre 62 % lors d’une précédente enquête, en 2011. Généralement, le document en question est un RIB.

Le locataire est-il la 5e roue du carrosse ?

De façon générale, il semble plus intéressant de passer par une agence immobilière lorsqu’on est propriétaire que lorsqu’on est locataire. C’est ce que nous dit cette étude, en pointillés : les agences prennent un meilleur soin des premiers que des seconds. Les locataires manquent ainsi d’informations qui peuvent, à terme, peser lourd dans leur budget :

  • Le diagnostic de performance énergétique (DPE) du logement à louer n’est pas systématiquement affiché par une agence sur trois (35 %, contre 28 % en 2011), ce qui peut représenter une grosse différence budgétaire pour le locataire en termes de coût de chauffage.
  • Les détails des honoraires de location ne sont précisés que dans une agence sur cinq (18 %), ce qui complique la distinction entre les frais d’agence, inéluctables, et le coût de l’état des lieux, qui peut parfaitement être réalisé gratuitement en accord entre le propriétaire et le locataire.

Faut-il se passer des agences immobilières pour de la location ?

Le bilan de l’enquête de l’UFC-Que Choisir favorise un questionnement plus global, renforcé par le développement des plates-formes de mise en relation entre les propriétaires et les candidats à la location : en tant que locataire, a-t-on encore besoin de passer par les agences immobilières ? Les avantages de cette intermédiation compensent-ils toujours les tarifs très élevés (en moyenne un mois de loyer) ?

Ce que coûtent les agences

En effet, les tarifs des agences semblent croître plus rapidement que la palette des services aux locataires. Malgré la volonté gouvernementale de diviser leurs honoraires par deux par le truchement de la loi Alur de mars 2014, les tarifs n’ont que peu baissé, voire pas du tout, en fonction des zones concernées :

  • Les honoraires ont baissé de 20 % en zone très tendue
  • Ils ont baissé de 10 % en zone tendue
  • Ils ont augmenté de 5 % en zone non tendue

Il faut néanmoins préciser que 9 agence sur 10 (94 %) respectent les plafonds légaux instaurés par cette même loi, soit 12 € le mètre carré en zone très tendue, 10 € en zone tendue et 8 € partout ailleurs. Sauf qu’au passage, c’est une autre obligation légale qui passe à la trappe : celle d’afficher en vitrine les informations sur leurs honoraires, ce que ne font pas 26 % d’entre elles (contre 21 % en 2011).

Ici, c’est moins la lenteur de la baisse des honoraires (et leur hausse dans les zones non tendues) qui pose question, que le rapport qualité-prix entre ces tarifs et les services rendues aux locataires, qui sont moindres qu’en 2011.

Ce qu’apportent les agences

Toutefois, au-delà des honoraires, qui peuvent à eux seuls dissuader un candidat à la location de passer par une agence immobilière, d’autres services proposés par celles-ci ne sont pas à négliger. En particulier, le fait de passer par un professionnel au moment d’une location permet de profiter de deux avantages majeurs :

  • Le gain de temps et de sérénité lors des visites : en se passant d’agence, le candidat à la location plonge de plein gré dans un panier de crabes où les visites d’appartements se font par groupes de 10 ou de 20, et où la moitié des biens choisis par annonces ne correspondent pas à la réalité.
  • Les garanties pendant l’occupation du logement : en cas de problème indépendant du locataire (dégât des eaux, incendie) ou de litige avec le propriétaire (par exemple à propos de l’état des lieux), le fait de pouvoir compter sur l’aide de l’agence immobilière est une véritable sécurité.

Ce que ne dit pas cette étude UFC-Que Choisir, c’est qu’il y a, à propos des agences immobilières, du mauvais ET du bien, et que toutes ne rechignent pas à respecter la loi et leurs locataires. Ceux-ci doivent néanmoins se montrer prudents, veiller à ce que toutes les informations (honoraires, détails sur le logement, DPE) soient mises à disposition, connaître leurs droits pour ne pas se voir réclamer un document interdit – afin que la relation d’agence à locataire se passe dans les meilleures conditions.