Et si vous pouviez connaître le profil de vos futurs locataires ?

Vous êtes propriétaire d’un logement à louer, mais vous craignez de tomber sur les pires locataires possibles ? Loyers impayés, dégradations volontaires (ou non) des lieux… Les risques sont nombreux et ne vous rassurent pas, surtout qu’on ne sait jamais vraiment à qui on loue. Mais imaginez que vous puissiez connaître, à l’avance, le profil de vos futurs locataires : accepteriez-vous de faire votre choix en fonction d’une estimation de ce risque ? C’est le service (polémique) que propose une start-up britannique.

Mesurez la fiabilité de vos locataires

Voilà une start-up qui promet de faire plaisir aux propriétaires… et de s’attirer les foudres des associations de locataires ! La société britannique Score Assured propose un service assez étonnant à destination des propriétaires qui mettent leur logement en location : leur fournir un profil des candidats à la location de manière à estimer s’ils seront en mesure, ou non, de payer leur loyer chaque mois, et s’ils risquent de ruiner le logement.

Comment fonctionne Tenant Assured ?

La start-up passe par un site baptisé Tenant Assured (littéralement « locataire assuré »). L’idée est simple : le propriétaire demande aux candidats à la location de s’inscrire sur ce site et de se soumettre, ce faisant, à une enquête poussée sur leur vie numérique, notamment à travers leur usage des réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Twitter, LinkedIn et consorts). Le logiciel de Score Assured scanne le net à la recherche de tous types de publications, de photographies et d’échanges concernant ces candidats.

Au bout du compte, la start-up remet au propriétaire un dossier complet assorti d’une « note de risque ». Cette note indique que tel candidat a plus ou moins de chance de bien payer son loyer, d’être un locataire convenable, etc.

Une vie passée au crible

Le candidat à la location s’inscrit sur le site Tenant Assured et télécharge un « mouchard », c’est-à-dire un logiciel espion qui va siphonner tous les documents le concernant sur le web. Mais quel genre de documents ? Sur quelle base le rapport final de la start-up se construit-il ?

Essentiellement sur les publications qui peuvent donner une idée du profil et de la personnalité du locataire. Le propriétaire sera ainsi en mesure de savoir si son futur locataire montre une certaine tendance à faire la fête (nombreuses photos sur les réseaux sociaux dans des ambiances festives), ce qui pourrait l’amener à rameuter régulièrement du monde dans l’appartement ; s’il est fumeur (et serait ainsi tenté de s’en allumer une dans un logement qui bannit pourtant la cigarette) ; s’il a des animaux de compagnie… Ou, plus important encore pour le propriétaire, s’il semble financièrement irresponsable : comment ce locataire peut-il présenter des fiches de paie avec un salaire moyen, et se montrer fièrement au volant de sa Mercedes flambant neuve ?

Autant de précieuses informations pour les propriétaires frileux qui aimeraient prévenir plutôt que guérir.

Les avantages pour le propriétaire

Pour vous qui hésitez à louer de crainte de tomber sur un mauvais payeur ou sur un fêtard irresponsable, le service proposé par Score Assured est certes attrayant. C’est qu’il est difficile de mettre la main sur le locataire idéal, sérieux et bon payeur, et les dossiers les plus solides (contrat de travail fixe, rémunération confortable, bon garant, profil agréable) ne vous assurent certainement en rien contre les impayés et les dégradations. Au contraire, il n’est pas rare que les profils les plus en délicatesse économiquement (salaires bas, contrats précaires) se montrent bien plus sérieux que leurs homologues mieux dotés, car ils se savent obligés d’être au-dessus de tout reproche.

Pour un propriétaire méfiant, qui craint les documents falsifiés ou ne parvient pas à repérer les profils les plus à risque, le compte-rendu proposé par la start-up britannique présente bien des avantages. Et même s’il reste impossible de circonscrire les comportements humains, de sorte qu’une série de photos festives n’implique nullement qu’un locataire va remplir chaque samedi soir l’appartement de hooligans alcooliques et vandales, l’usage de ce site permet au moins d’écarter les profils les plus problématiques.

Il ne faut pas oublier que pour un grand nombre de propriétaires, le locatif est un investissement personnel à risque, financé uniquement par les loyers et les charges. Choisir un locataire ne se résume donc jamais à trouver une personne quelconque pour occuper le logement ; il s’agit de sélectionner celui ou celle dont les loyers mensuels vont permettre de rembourser un crédit immobilier.

Évaluer le profil de son locataire : est-ce bien raisonnable ?

Au-delà des avantages évidents de ce type de service, la question se pose néanmoins : tout cela est-il bien moral ? Les avis divergent et opposent, de façon assez attendue, la caste des propriétaires à celle des locataires et de ceux qui aimeraient protéger ces derniers. Voici quelques-uns de leurs arguments.

Entre « optionnel » et « obligatoire », une frontière poreuse

La start-up anglaise frôle la légalité et la moralité, mais se défend en affirmant que ce service reste optionnel. Comprendre : les locataires qui se voient proposer une inscription sur le site peuvent tout à fait refuser, afin de sauvegarder leur vie privée. Personne ne force l’accès à leurs informations, en somme.

Or, est-il toujours possible de refuser ? Dans ce jeu qu’est la location immobilière, s’opposer aux règles peut avoir pour conséquence de se priver du simple droit de participer, et donc de remporter la partie. Dans les grandes villes où la demande est beaucoup plus forte que l’offre, comme à Paris, et où il est très compliqué de se loger, un locataire peut-il vraiment faire valoir son bon droit et rejeter la proposition d’un propriétaire de passer par un tel service ? Le locataire en question ne prêterait-il pas le flanc à des suspicions de la part du bailleur, sur le mode : « s’il refuse, c’est qu’il a quelque chose à cacher » ? Ainsi, il est évident que d’optionnel, ce procédé pourrait aisément devenir obligatoire.

Droit à l’oubli et saisie Google : les risques du profil web

En outre, le passage au crible de toute l’activité d’une personne sur le web comporte deux risques au regard de sa vie privée : tomber sur des informations fausses ou sur des éléments que ladite personne aurait voulu voir effacés.

Le premier risque découle des problématiques liées à la saisie semi-automatique de Google. En inscrivant le nom d’une personne sur le moteur de recherche, des mots-clés peuvent nous être proposés qui ne correspondent pas à la réalité, mais sont le résultat des précédentes recherches, y compris si celles-ci ont été abusives. Par exemple, les mots « pauvreté », « découvert bancaire » ou « chômage » pourraient bien ressortir en collusion avec le nom d’un candidat à la location, sous prétexte que ces termes ont été saisis plusieurs fois sur Google ou sur les réseaux sociaux. Bien qu’abusifs, ils pourraient conduire le propriétaire à se faire de fausses idées sur le profil du locataire.

Le second risque renvoie au passé du candidat qui peut resurgir, et être pris en compte, en contradiction avec le droit à l’oubli propre à chacun. Le fait qu’un candidat à la location ait autrefois eu des problèmes avec un propriétaire (notification d’expulsion, plainte d’un bailleur, etc.) ou qu’il ait fait de la prison sont certes des informations que le bailleur pourrait juger utiles, mais qui font partie du passé et ne devraient pas être utilisées pour dresser un profil actuel de cette personne.

Fenêtre ouverte sur vie privée

Ces problématiques pourraient fort bien dépasser le seul cadre de la location immobilière. Score Assured propose d’ailleurs ses services dans d’autres circonstances, et notamment pour rassurer les parents qui souhaitent connaître un peu mieux le profil de la baby-sitter qu’ils ont engagée.

Sur un modèle équivalent, d’autres start-up offrent à des établissements bancaires la possibilité d’obtenir des profils détaillés sur leurs clients qui désirent obtenir un prêt. Est-ce le commencement d’un monde où le web va se transformer en Big Brother, surveillant chaque utilisateur dans son quotidien ?