Assurance emprunteur : bientôt la fin du monopole bancaire ?

Malgré la loi Lagarde, la loi Hamon puis récemment la loi Bourquin, permettant de résilier annuellement son assurance emprunteur à date-anniversaire, rien n’a réellement changé. Face au frein exercé par les banques sur la mise en concurrence, une proposition de loi a été déposée mardi 2 avril devant le Sénat pour contraindre les banques à jouer enfin le jeu, sous peine de sanctions pour celles qui ne s’y soustrairaient toujours pas. Quelles sont les sanctions encourues ? Seront-elles vraiment efficaces ? Quels sont les effets pervers à craindre ? Explications d’Astrid Cousin, porte-parole de Magnolia

Les lois se sont succédé en vain. « Depuis 2010 la loi Lagarde permet de choisir librement son assurance de prêt. En théorie la banque n’a plus le droit d’imposer son contrat bancaire pour couvrir le crédit immobilier qu’elle accordé à l’emprunteur. Mais les banques ne s’y sont pas soumis. La situation n’a pas plus progressé avec la loi Hamon instaurée en 2014 permettant de changer d’assurance emprunteur quand on le souhaitait durant la première année. Pour ceux qui avait loupé le coche, la loi Bourquin applicable depuis le 1er janvier 2018 a permis théoriquement à tous les emprunteurs de changer annuellement leur contrat à date anniversaire », rappelle Astrid Cousin. Mais, malgré la loi, les banques ne manquent pas de ruses pour limiter les résiliations. Tout le monde le sait, personne ne dit rien. Les emprunteurs se retrouvent coincés. Les banques continuent d’exercer une certaine pression sur ceux qui tentent de résilier le contrat d’assurance emprunteur proposé par la banque. Si l’emprunteur va frapper à la porte la concurrence, il risque de voir par exemple son taux de crédit proposé initialement revu à la hausse, la banque cherchant logiquement à rattraper le manque à gagner pour elle. Ainsi, elles tentent de dissuader l’emprunteur en complexifiant la procédure de résiliation (délai allongé pour que l’emprunteur rate le coche de la date anniversaire etc.). Face à cette situation qui perdure, une proposition de loi a été déposée mardi 2 avril devant le Sénat pour contraindre les banques à jouer enfin le jeu, sous peine de sanctions pour celles qui ne les respecteraient pas.

Date de résiliation unique : celle de la signature de l'offre de prêt

En effet, le sénateur du Doubs (socialiste) Martial Bourquin a présenté mardi dernier devant le Sénat sa proposition de loi, comprenant 5 articles. Cette proposition a pour vocation de renforcer son amendement en vigueur depuis 1er janvier 2018, qui donne la possibilité à tous les emprunteurs de changer annuellement leur assurance-emprunteur. Le sénateur a apporté deux principales précisions. Il a d’abord intégré dans la loi une date de résiliation unique qui est celle de la signature de l'offre de prêt. Cette date doit être transmise chaque année par la banque à l'emprunteur. Ensuite il a prévu de sanctionner les banques quand elles ne respectent pas les règles, mais surtout de rendre publiques les décisions prononcées à leur encontre dans une logique de "name and shame" (« sauf décision contraire du juge » est stipulé dans l’article 3 de la proposition de loi).

 Accélérer la mise en concurrence

Ce renforcement de loi Bourquin (s’il est adopté en l’état) va-t-il enfin ouvrir massivement le marché de l’assurance emprunteur et accélérer la mise en concurrence ? Selon Astrid Cousin, porte-parole de Magnolia.fr « apporter des précisions sur la date d’anniversaire serait bénéfique. En effet, le flou autour de cette date a laissé la porte ouverte aux banques, qui se livrent à des pratiques abusives depuis des mois afin de retenir leurs clients. Ce comportement de la part des banques a fait perdre du temps à de très nombreux emprunteurs, qui parfois n’ont pas pu profiter de l’amendement et passer à l’acte. SelonMagnolia.fr, le vrai problème reste le manque de communication auprès des emprunteurs sur leurs possibilités de résiliation. Cela sera donc très positif d’informer l’emprunteur chaque année de la date d’anniversaire afin de faire valoir son droit.

Concernant les sanctions, nous attendons qu'elles soient appliquées. L'amende de 3 000 euros visant à sanctionner les banques qui ne répondent pas aux demandes de délégation sous 10 jours ouvrés n'a jamais pu être appliquée. Les banques continuent donc à dépasser largement ce délai sans en être inquiétées.

Le « Name and shame » : point crucial de cette proposition de loi 

Nous espérons que la pression des organismes de contrôle sera assez importante pour limiter ces comportements abusifs. Le "name and shame" est selon Magnolia.fr le point crucial de cette loi. Comme les sanctions financières ne sont pas dissuasives et que les établissements préfèrent payer qu'être nommés, ce serait le seul moyen de pression qui pourrait fonctionner.

30 millions d’euros de pouvoir d’achat récupérés !

Chez Magnolia.fr, on constate que les 4000 clients qui ont profité de l’amendement Bourquin ont pu récupérer 30 millions d’euros de pouvoir d’achat au total. Le chemin vers les 3 milliards est encore long, mais les initiatives de ce sénateur vont dans ce sens », salue Astrid Cousin.

Selon l’article 5 de la proposition de loi déposée mardi dernier devant le Sénat, les dispositions des articles 1 et 2 (concernant la date de résiliation unique, communiquée par les banques à leurs clients) entreront en vigueur 4 mois après la date de publication de la présente loi. A noter qu’elles s’appliqueront aux contrats en cours à cette date. Si la banque ne communique pas à son client emprunteur la date de résiliation annuelle correspondant à la date-anniversaire de la signature de l’offre de prêt, l’emprunteur pourra exercer son droit au changement d’assurance à tout moment prévoit l’article 2 de cette proposition de loi. De plus le non-respect de la transmission de cette date sera passible d’une amende de 1500 euros.

Le renforcement de la loi Bourquin (s’il est adopté en l’état) va-t-il mettre un terme au monopole bancaire sur l’assurance emprunteur ? Comment les banques vont-elles récupérer le manque à gagner ? A termes, vont-elles revoir les taux de crédit à la hausse ? Affaire à suivre…

Alexandra Boquillon