Nouveau taux directeur de la BCE : des crédits en baisse ?

Jeudi 5 juin, le président de la Banque Centrale Européenne. M, Mario Draghi, a annoncé des mesures fortes. Baisse du principal taux directeur, taux des dépôts négatifs, autant de mesures annoncées pour relancer les crédits des ménages et combattre la déflation. Les réactions sont unanimement positives dans la presse spécialisée, mais ces mesures auront-elles effectivement un impact sur les taux des crédits ?

Les mesures de la Banque Centrale Européenne

Abaissement du principal taux directeur

La BCE a abaissé son principal taux directeur de 0,1 point. Le taux directeur d'une banque centrale est le taux fixe auquel d'autres banques peuvent emprunter. Les banques françaises pourront théoriquement se refinancer à un taux historiquement bas de 0,15 %, et ainsi proposer des prêts aux entreprises et particuliers pour un taux légèrement supérieur. Mais attention, il s'agit d'emprunts à court terme, dont les dates d'échéances ne dépassent généralement pas 15 jours.

Mise en place d'un taux de dépôt négatif

Cette mesure est unique en son genre, c'est la première fois dans l'histoire qu'une banque centrale met en place un taux de dépôt négatif. À partir de maintenant, les banques souhaitant placer leur argent dans les caisses de la BCE ne généreront aucun rendement, mais au contraire perdront de l'argent. Le nouveau taux de dépôt est effectivement à -0,10 %. Pourquoi ? Pour inciter les banques à ne pas placer, mais à prêter.

Des mesures votées et applaudies à l'unanimité

La baisse du principal taux directeur et du taux de dépôt a été votée à l'unanimité par les membres du conseil des gouverneurs de la BCE. Quelques heures plus tard, les nouvelles de cette annonce font elles-aussi l'unanimité des journaux spécialisés.

Le ministre de l'économie, M. Michel Sapin, salut les annonces de la Banque de France. Le journal financier les Échos.fr ne tarit pas d'éloges à propos de Monsieur Draghi. Seules les autorités allemandes semblent dubitatives, les politiques inflationnistes n'étant pas dans leurs habitudes.

De leur côté, les banques centrales asiatiques sont plus réservées. Le fait est que les mesures prises par la BCE ont déjà eu pour conséquence une baisse de la devise euros. Cette baisse pourrait obliger leurs exportateurs à diminuer leurs marges.

 

Objectif : créer de l'inflation

Pourquoi la BCE va-t-elle créer de l'inflation ?

Les internautes peu au fait des mécanismes financiers sont souvent surpris par la volonté des banques centrales de maintenir un certain taux d'inflation. En l'occurrence, la BCE aimerait que le coût de la vie augmente de + 2 % d'année en année dans la zone euro. Or cet objectif est loin d'être atteint, car l'inflation sur un an est retombée à 0,5 % au mois de mars, selon les chiffres d'Eurostat.

Le contraire de l'inflation s'appelle la déflation, et pose problème aux entreprises. Lorsque les prix sont généralement bas, il se crée une dynamisme dans le comportement des consommateurs. Ces derniers recherchent des prix bas, obligeant les entreprises à casser leurs prix de vente.

Cependant le coût de production est loin de varier avec l'indice du coût de la vie. Le résultat de l'équation entre la baisse des prix de vente et le maintien, voire la hausse des coûts de production est claire : plan de restructuration. Les plans de restructuration impliquent du chômage, ce qui implique une baisse de la consommation, ce qui implique une baisse des prix, et le cercle vicieux est lancé.

Comment la BCE espère-t-elle créer de l'inflation ?

Pour créer de l'inflation, la BCE descend son principal taux directeur pour permettre aux banques d'emprunter moins cher, et instaure un taux de dépôt négatif pour les forcer à investir dans l'économie réelle.

Si une banque peut emprunter pour moins cher, elle peut accorder des crédits à taux faible aux ménages et aux entreprises. Si les entreprises peuvent emprunter moins cher, elles peuvent augmenter leurs marges, et donc augmenter leurs prix sans craindre qu'une baisse des ventes ne les mette en difficulté. Si les ménages peuvent emprunter moins cher, ils n'ont plus besoin d'être regardant sur les prix des biens de consommation durables qu'ils convoitent.

En suivant ce raisonnement, et eu égard aux statistiques de l'INSEE sur la consommation, il se pourrait que les ménages mettent l’éventuelle baisse des taux à profit pour acheter des véhicules. Ce serait tout du moins le scénario idéal pour l'industrie automobile française, et par effet domino pour l'économie globale du pays.

 

Les taux des crédits immobiliers vont-ils baisser ?

La logique voudrait effectivement que les les taux des crédits immobiliers, déjà faibles, s'orientent vers la pente descendante. Comme le rappelle Sandrine Allonier, responsable des relations banques de Vousfinancer.com : « La politique de la Banque centrale européenne n’a pas d’impact direct sur le niveau des taux de crédit immobilier, fixés librement par les banques, mais elle influe sur les conditions de refinancement de celles-ci ».

« Cette double baisse annoncée du taux de refinancement et du taux des dépôts va donc permettre aux banques de continuer à obtenir des liquidités à moindre coût tout en rémunérant moins l’argent qu’elles placent, ce qui devrait les inciter à prêter davantage aux ménages et aux entreprises ».

« Du côté des taux de crédit immobilier, si le potentiel de nouvelles baisses est limité, celles-ci ne sont pas à exclure, notamment d’ici le mois de septembre, mois traditionnellement riche en transactions immobilières et dernière fenêtre de tir pour les banques avant une fin d’année souvent plus calme ».

 

Une relance du marché immobilier en perspective ?

Un redémarrage probable de l'immobilier ancien

Les prix du mètre carré de l'immobilier ancien s'ajustent à la baisse, sans toutefois présenter de gros écarts. Cependant certains ménages disposent maintenant de l'apport personnel nécessaire pour obtenir leur prêt immobilier. De plus, la faiblesse historique des taux de crédit actuels leur permet d'emprunter sans dépasser le seuil d'endettement limite de 33 %.

Il est possible que les ventes de biens immobiliers anciens augmentent, et le volume des prêts immobiliers accordés avec.

L'immobilier neuf devrait attirer les investisseurs

Tandis que les accédant à la propriété boudent les programmes immobiliers, les investisseurs semblent choisir le neuf. Les remises d'impôts disponibles dans le cadre du dispositif Duflot n'y sont certainement pas étrangères. La baisse du taux directeur de la BCE pourrait permettre aux promoteurs de diminuer leurs stocks grâce à l'intérêt des particuliers pour l'immobilier locatif.