Le match du remboursement de l'assurance emprunteur ne fait que commencer

Ce lundi, ce sont plus de 46 000 mises en demeure de payer qui ont été envoyées à plusieurs banques en France. Les emprunteurs réclament le remboursement d'une partie des cotisations de leur assurance crédit. Pourquoi : parce que l'article 331-3 du Code des assurances leur en donne le droit. Pour le malheur des banques, ce même article comportait une clause excluant le remboursement des cotisations liées à l'assurance collective. Or il s'est avéré par la suite que cette clause était illégale, certaines banques sont maintenant tenues de rembourser une partie des cotisations, retour sur cette saga partie pour durer.

Retour sur un bras de fer qui ne fait que commencer

La source du litige banque – emprunteurs

Le 22 mai 2007, estimant que la CNP et la Caisse d'épargne auraient dû rembourser une partie des cotisations à certains emprunteurs, l'association de consommateurs UFC-Que Choisir les assigne en justice. Les intéressés se défendent alors en brandissant l'article A331-3 du Code des assurances. Cet article précise que si les assureurs sont tenus de rembourser une partie des cotisations des assurances crédit, les contrats collectifs ne sont pas inclus.

Plus clairement, lorsque des particuliers empruntent pour acheter de l'immobilier, le prêteur leur demande de souscrire une assurance de prêt. L'assureur se substituera alors aux emprunteurs en cas de décès, d'invalidité ou d'incapacité à travailler.

Cependant lorsqu'à la fin des remboursements l'assurance n'a pas eu à être déclenchée, l'assureur est tenu de rembourser une partie des cotisations à l'assuré. Car les assureurs utilisent les cotisations des assurés pour les placer sur les marchés financiers. Ils en tirent des bénéfices, et sont donc censés « remercier » les assurés en leur remboursant une partie des primes versées.

Dans la pratique, les assureurs ont effectivement reversé ces sommes aux banques, qui les ont gardés dans leurs coffres sans en faire profiter les emprunteurs. Pourquoi : mais parce que l'article à 331-3 du code des assurances le leur permettait.

7 ans de litige sur l'assurance emprunteur

En 2007, la bataille juridique qui s'engage ne fait que commencer. Les banques réagissent en portant plainte pour diffamation contre UFC-Que Choisir, mais elles sont déboutées par le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris le 23 septembre 2009. Le 7 octobre de la même année, l'autorité de la concurrence apporte sa pierre à l'édifice en émettant un avis négatif sur le fonctionnement du marché de l'assurance emprunteur.

Alors que les débats durent, le 29 juin 2010 le TGI de Paris renvoie l'examen de l'article litigieux au Conseil d'État. Et le 23 juillet 2012, le couperet tombe.

Le Conseil d'État déclare l'article à 331-3 illégal

Coup de théâtre, la haute institution donne raison à UFC-Que Choisir le 23 juillet 2012. La nullité de la clause en question paraît au journal officiel du Sénat le 5 octobre 2012.

À ce moment, une lourde épée de Damoclès s'installe au-dessus de la tête des banques.

Obligation de rembourser des cotisations

Selon l'UFC que choisir, les sommes à rembourser aux emprunteurs pourraient représenter plus de 11 milliards d'euros en ce qui concerne les assurances de prêts immobiliers, et près de 4,5 milliards d'euros sur les assurances de crédit à la consommation.

Il n'en fallait pas plus pour éveiller l'attention de certains juristes. C'est ainsi que la société Action Civile SAS voit le jour au mois de mai 2014. Son objet : proposer aux emprunteurs de récupérer les parts de cotisations dues, en échange d'une commission de 15 %.

La société frappe fort ce lundi, avec plus de 46 000 mises en demeure de payer envoyées à plusieurs banques en France. Ces dernières auront le choix d'accepter la négociation, conduite par Action Civile, ou de la refuser. Dans ce cas les emprunteurs n'auront plus qu'à assigner leurs créanciers au Tribunal d'Instance ou de Grande Instance de leur lieu de résidence.

Attention toutefois, les banques ne vont pas se laisser faire et pourrait fort bien préférer une longue procédure juridique, qui leur laisserait le temps de provisionner des indemnisations sans doute inévitables.

 

Assurance emprunteur, la fin de la corne d'abondance

Les primes de l'assurance emprunteur ont toujours représenté une manne financière pour les banques. Avant la loi Lagarde de 2010, le prêteur pouvait imposer à son emprunteur un contrat d'assurance crédit spécifique. Certains consommateurs peu avertis pensaient y trouver leur compte en voyant ce taux intéressant, car basé sur la mutualisation des risques.

Ce que le banquier se gardait bien de leur dire, est que le taux en question était basé sur le capital emprunté, et que le montant de la prime resterait ainsi le même pendant plusieurs années. Mais surtout, l'emprunteur paierait alors une prime sur un montant bien supérieur à ce que devrait payer l'assureur, en cas de déclenchement.

Par exemple, lorsqu'un particulier emprunte 200 000 € avec une assurance crédit à 0,4 %, il doit verser 800 € de primes annuelles (200 000 € x 0,4 % = 800 €). En échange, l'assureur est censé verser 200 000 € de capital au prêteur, en cas de décès de l'emprunteur. Cependant au fur et à mesure du paiement des mensualités, la part de capital diminue, et par conséquent la responsabilité de l'assureur envers le prêteur diminue aussi.

Admettons qu'il ne reste que 120 000 € de capital à rembourser, et que l'emprunteur décède. L'assureur versera 120 000 € de capital au prêteur, alors que l'emprunteur a cotisé sur un capital de 200 000 €.

Mais là n'est pas l'objet du litige, ce mode de calcul représentait tout simplement des bénéfices colossaux pour les banques et les assureurs.

Le 2 juillet 2010, la loi Lagarde paraît au Journal Officiel et entre en vigueur. À partir de ce jour les banques n'ont plus le droit d'imposer une assurance-crédit en particulier à leurs clients. Ces dispositions portent déjà un coup à leur monopole, sans pour autant atteindre l'objectif prévu.

Car les banques font de la résistance, et mettent en avant l'équivalence des garanties. À chaque fois qu'un emprunteur leur apporte un autre contrat d'assurance, moins cher que celui qu'elles proposent, elles refusent systématiquement en arguant que le niveau de garantie n'est pas suffisant.

Le législateur réagit, ainsi le 26 juillet prochain la loi Hamon entrera en application. Elle permettra aux emprunteurs de résilier leur assurance-crédit à n'importe quel moment, dans les 12 mois suivants la signature du contrat. Si le principe est bon, il faudra encore attendre la mise en place de normes de garantie, afin d'éviter à l'emprunteur d'essuyer de nouveaux refus.