Déficit foncier : pourquoi faut-il faire beaucoup de travaux en 2017 ?

Les investisseurs doivent-ils lancer des travaux en 2017 ou les reporter à 2018, en raison de l'instauration du prélèvement à la source (PAS) prévue au 1er janvier 2018 ? Réponses de Florian Burnat, avocat fiscaliste au Cabinet Francis Lefebvre et de Bertrand de Raymond, président de la société Capcime, spécialisée en investissement locatif ancien. Démonstration.

Le CIMR : une « magnifique invention technocratique »

A première vue, Bercy a lancé « une véritable usine à gaz ». Mais pour éviter que les investisseurs ne reportent leurs travaux en 2018, ce qui risquerait de mettre en péril les professionnels du bâtiment, le fisc a mis en place des avantages incitatifs. Du coup, il est intéressant de faire des travaux en 2017 car l’Administration fiscale permet de reporter en 2018, 50% du déficit lié aux travaux effectués en 2017. Exemple : vous réalisez 30 000 euros de travaux en 2017, vous gagnez alors une déduction de 15 000 euros en 2018. Bercy vous permet de bénéficier de cet avantage fiscal, baptisé le CIMR (crédit d’impôt modernisation du recouvrement), une « magnifique invention technocratique », ironisent les experts.

150% de travaux déduits

« Ce mécanisme permet une optimisation fiscale en fonction de l’année de réalisation des travaux », témoigne Bertrand de Raymond, président de la société Capcime. Après avoir réfléchi à trois cas de figure, il constate au final que le contribuable peut être vraiment gagnant dans l’un des trois scénarios possibles.

Premier scénario :

Les revenus fonciers d’un contribuable sont de 20 000 euros en 2017 et 2018. Les charges courantes sont de 5 000 euros en 2017et 2018. Ce contribuable effectue 30 000 euros de travaux (non urgents) en 2017 et aucuns travaux en 2018. En 2017, ce contribuable déclarera un déficit foncier de 15 000 euros (20 000 de revenus fonciers – 5 000 de charges – 30 000 de travaux), dont 10 700 euros seront imputables sur les autres revenus de 2017 et 4 300 euros (15 000 – 10 700) sur les revenus fonciers des dix années suivantes, selon la règle d’étalement des déficits fonciers.

En 2018, ce contribuable déclarera un revenu foncier de 0 euros (20 000 de revenus fonciers 2018 – 5 000 de charges – 15 000 (moyenne des travaux 2017/2018 soit 30 000 : 2  = 15 000)

Les 30 000 euros de travaux réalisés en 2017 seront donc déduits à hauteur d' 1,5 fois leur montant (30 000 euros en 2017 et 15 000 euros en 2018). S’ils étaient effectués en 2018 le déficit imputable se réduirait à 15 000 euros. Le propriétaire-bailleur réalise donc sur le déficit imputable un gain de 15 000, soit 150 % de travaux déduits! Un scénario très avantageux.

Deuxième scénario :

Les revenus fonciers d’un contribuable sont de 20 000 euros en 2017 et 2018. Les charges courantes sont de 5 000 euros en 2017 et 2018.  Ce contribuable effectue 15 000 euros de travaux en 2017 et 15000 euros de travaux (non urgents) en 2018.

En 2017 comme en 2018, ce contribuable ne déclarera ni revenu ni déficit foncier (20 000 de revenus fonciers – 5 000 de charges – 15000 de travaux = 0). Pas très avantageux donc.

En réalité, « l’idéal  est de réaliser beaucoup de travaux en 2017 et seulement un peu en 2018, pas autant, pour être gagnant, car ils font la moyenne des deux années » conseille Bertrand de Raymond. Exemple pour être gagnant : vous réalisez 30 000 euros de travaux en 2017 et 10 000 euros en 2018, soit 40 000 euros au total. La moyenne des deux années s’établit à 20 000 euros, soit 10 000 euros de déficits imputables supplémentaires !

Aucuns travaux en 2017 : une erreur magistrale

Dernière hypothèse :

Les revenus fonciers d’un contribuable sont de 20 000 euros en 2017 et 2018. Les charges courantes sont de 5 000 euros en 2017 et 2018. Ce contribuable n’effectue aucuns travaux en 2017 et 30 000 euros de travaux (non urgents) en 2018.

En 2017, ce contribuable déclarera un revenu foncier de 15 000 euros (20 000 de revenus fonciers – 5 000 de charges – 0 de travaux).

En 2018, il déclarera un revenu foncier nul (20 000 de revenus fonciers – 5 000 de charges – 15 000 de travaux (moyenne des travaux 2017/2018 soit 30 000 : 2=15 000).

Les 30 000 euros de travaux seront donc déduits à hauteur de 15 000 euros de travaux sur l’année 2018, soit une perte de 15 000 euros de déficit imputable. C’est le pire des scénarios en termes d’optimisation fiscale. Vous avez donc tout faux si vous reportez vos travaux à 2018.

Vous l’aurez compris, le contribuable a tout intérêt à réaliser beaucoup de travaux en 2017 et un peu en 2018. Attention à ne pas s’emballer pour autant  car « ces travaux ne doivent pas être des travaux de construction, de reconstruction ni d’agrandissement », rappelle Bertrand de Raymond.  Sous peine de se faire retoquer par l’Administration fiscale.

Et en 2019, que va-t-il se passer ? « Ce sera le retour à la situation de droit commun en vigueur avant l’instauration du PAS ».

A noter par ailleurs que les dépenses urgentes et les travaux effectués sur un immeuble acquis en 2018 sont déductibles en totalité des revenus fonciers de l’année de leur paiement.

PAS : Aucun changement sur les règles d’imputation

Malgré l’avantage fiscal (le CIMR), une inquiétude demeure chez les contribuables : avec l’instauration du Prélèvement à la source (PAS), prévue le 1er janvier 2018, comment vont être imputés leurs déficits fonciers ?

"Il n'y a aucun changement sur les règles d'imputation. On peut continuer à créer du déficit foncier sur des travaux et en déduire une partie l'année suivante. 10 700 euros de travaux sont imputables sur le revenu global et le reste est toujours reportable », assure Florian Burnat, avocat fiscaliste au Cabinet Francis Lefebvre.

Si j'ai 100 000 euros de revenus courants et 50 000 euros de revenus qui ne bénéficient pas de l'année blanche, comme des revenus exceptionnels (bonus, indemnités de retraite...) ou des revenus hors champ (dividendes, intérêts, plus-value...), j'ai donc un tiers hors champ du PAS et les 10 700 euros ne sont déduits qu'à hauteur de ce tiers, on fait un prorata entre les revenus courants et les revenus hors champ, précise-t-il.

2017 n'est donc pas une année blanche sur le plan fiscal. On calcule tout d'abord l'impôt comme une année normale, ensuite on calcule le CIMR en fonction des revenus courants. Le CIMR est imputable sur tous les revenus. In fine on se retrouve avec un solde d'impôt dû sur les revenus exceptionnels ou hors champ, non soumis au PAS. Pour ceux qui n'ont pas de revenus exceptionnels ou hors champ, ils vont se retrouver avec une annulation effective de tout leur impôt", conclut Florian Burnat, avocat fiscaliste au Cabinet Francis Lefebvre.

Alexandra Boquillon