Investissement locatif : qu’est-ce que le nouveau dispositif de défiscalisation Denormandie ?

La loi de finances pour 2019 crée une aide à l’attention des propriétaires bailleurs rénovant un logement dans une commune dont le besoin de réhabilitation de l’habitat en centre-ville est particulièrement marqué. Ils peuvent ainsi bénéficier d’une nouvelle défiscalisation, baptisée le Denormandie. En quoi ce nouveau dispositif applicable depuis le 1er janvier 2019 diffère-t-il du dispositif Pinel dans l'ancien initial ? Quelles communes y sont éligibles ? Sous quelles conditions ? Sur quoi faut-il être vigilant ? Explications.

8 morts dans l’effondrement de deux immeubles à Marseille le 5 novembre dernier. Il aura fallu ce drame pour que le Gouvernement apporte des « solutions » permettant de lutter contre l’habitat indigne. La nouvelle aide à l’investissement locatif, récemment baptisée le Denormandie (votée dans le cadre de la loi de finances 2019 sur proposition de Julien Denormandie), est un moyen pour les collectivités locales d’associer les investisseurs privés à l’amélioration de l’habitat insalubre, précise le Gouvernement dans un communiqué de presse publié le 4 janvier dernier. Cette mesure incitative entend apporter une « réponse à la dégradation du parc privé » a souligné Julien Denormandie, ministre délégué à la Ville et au Logement auprès de Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, lorsque l’Assemblée nationale a adopté ce dispositif dès sa première lecture.

Quelles sont les conditions d’obtention ?

Le dispositif Denormandie permet de bénéficier d’une réduction d’impôts pouvant aller de 12 % à 21 % du coût total des travaux de rénovation. Le taux de l’aide varie selon la durée de location du bien : 6,9, ou 12 ans. L’obtention de l’aide nécessite que le propriétaire initie des travaux pour un montant correspondant à 25% du coût total de l’opération, selon le dernier communiqué du Ministère de la Cohésion des Territoires. 

Le dispositif Denormandie est éligible dans les 222 communes du programme "Action coeur de ville", ainsi que dans les communes signataires d’une opération de revitalisation du territoire (ORT), dispositif introduit par la loi Elan. 

Quelles sont ces 222 communes du programme "Action coeur de ville" ?

Comme on a coutume de dire, pour un investissement locatif ce qui est primordial c’est d’abord l’emplacement, puis l’emplacement et encore l’emplacement ! Le dispositif Pinel dans l’ancien et dans le neuf a été pour cette raison recentré sur les zones les plus tendues : A, A Bis et B1, excluant d’office toutes les villes de la zone C depuis plusieurs mois, ainsi que depuis le 1er janvier 2019 les communes de la zone B2 également.

Or, le nouveau dispositif Denormandie est à nouveau élargi à des communes des zones C, et B2, donc à des villes ne jouissant pas vraiment d’un grand dynamisme économique. Une ineptie pour les observateurs !

180 communes affichent un taux de vacance locative supérieur à la moyenne nationale

Selon Franck Vignaud, Directeur du Laboratoire de l’immobilier chez Theseis, « ce n’est pas idiot de rénover de l’ancien, plutôt que de faire construire du neuf en périphérie ». Toutefois le fait d’élargir le périmètre d’application du nouveau dispositif aux 222 villes du Plan Action Cœur de ville (dont 209 en France métropolitaine) peut s’avérer risqué pour les investisseurs. « Car de nombreuses communes sont situées en zone B2 et C. D’ailleurs, certaines sont très sinistrées avec un centre-ville qui se dépeuple, des commerces qui ferment, une perte de dynamisme économique. La volonté du Gouvernement de revitaliser ces centres-villes est certes louable mais peut s’avérer risquée pour les investisseurs », martèle l’expert. Certaines communes présentent un taux de vacance locative effrayant, compris entre 14 et 21%, soit 2 à 3 fois supérieur au taux de vacance locative moyen national qui s’établit à 7,9%, selon les données compilées par Le Laboratoire de l’immobilier (statistiques Insee).

Des taux de vacances explosifs, devant faire fuir tout investisseur sensé

Parmi ces villes très sinistrées, on retrouve en tête Vichy et Thiers avec un taux de vacance locative qui plafonne à 20, 7%, suivies de Lens, Montluçon, Béziers, Nevers, Tarbes, Villefranche-de-Rouergue (17%), puis Lourdes, Morlaix, Chinon, Roanne, Pau, Saint-Dié-des-Vosges, Mulhouse, Tulle, Annonay, Lunéville (entre 15 et 16%), et Cahors, Issoire, Bar-le-Duc, Perpignan, Avignon, Châteauroux, Flers, Agen, Épinal, Douai, Rodez, Carcassonne, Digne-les-Bains, Saint-Omer, Brignoles, Foix (14%).

Entre plus de 13 et 10% de taux de vacance locative, il est toujours nécessaire d’être très vigilant. Ces niveaux concernent des villes comme : Valence, Vierzon, Manosque, Longwy, Aurillac, Brive-la-Gaillarde, Gien, Béthune, Bourges, Fontainebleau, Auch, Dieppe , Auxerre, Tarascon, Périgueux, Nogent-le-Rotrou, Saint-Dizier, Châtellerault, Castres, Vienne, Le Creusot, Sedan, Saint-Avold, Saint-Brieuc, Chalon-sur-Saône, Bergerac, Lisieux, Forbach, Marmande, Blois, Boulogne-sur-Mer, Draguignan, Vernon, Carpentras, Sarreguemines, Valenciennes, Saumur, Angoulême, Cambrai, Montbéliard, Alès, Romans-sur-Isère, Vire, Bourg-en-Bresse, Cognac, Beauvais, Arras, Sens, Chartres, Millau, Évreux, Cavaillon, Montauban, Troyes, Senlis, Libourne, Toul, Verdun, Charleville-Mézières, Dax, Fécamp, Narbonne, Châteaubriant, Maubeuge, Saintes, Château-Thierry, Vesoul…

Concrètement sur les 209 communes situées en France métropolitaine (hors Corse et hors Dom Tom), près de 180 d’entre elles affichent un taux de vacance locative supérieur à la moyenne nationale (7,9%). Toutefois « Entre 8 et 10%, le taux de vacance sur une commune reste acceptable. Au-delà, il convient d’être vigilant. », nuance Franck Vignaud. Parmi ces communes, dont le taux de vacance oscille entre 8 et 10%, citons : Montélimar, Mâcon, Besançon, Quimper, Grasse, Vannes, Thionville, Calais, Vallauris, Dreux, Coulommiers, Épernay, Chambéry, Belfort, Étampes, Chaumont, Bourgoin-Jallieu, Limoges, Albi, Nemours, Poitiers, Lorient, Niort, Melun, Saint-Lô, Laval, Corbeil-Essonnes, Châlons-en-Champagne, Cherbourg-Octeville, Gap et Mont-de-Marsan…

Cœurs de ville trompeurs…

« La bonne nouvelle qui pourrait être trompeuse finalement c’est que les logements sont théoriquement bien placés en cœur de ville. Certes c’est plus rassurant qu’en périphérie ou dans des zones excentrées, dépourvues de commerces », souligne Franck Vignaud. « Toutefois, il faut bien vérifier que l’offre ne soit pas pléthorique par rapport à la demande. Autres facteurs à vérifier : la démographie, l’évolution de la population, le nombre de locataires dans le parc privé et social, le nombre de propriétaires et surtout le dynamisme économique », met-il en garde.

La short liste des cœurs de ville où le taux de vacance locative est bas

A noter que Meaux se situe juste dans la moyenne nationale avec un taux de vacance de 7,9%, suivie d’Arles avec 7,8%. Les communes les plus dynamiques dans la liste des 209 villes du Programme Action Cœur de ville restent : Bayonne, Dunkerque, Creil, Colmar, Les Mureaux, Rambouillet, Cholet, Évry, Rumilly, Poissy, La Roche-sur-Yon, Trappes, Bressuire, Saint-Malo, Sartrouville, Mantes-la-Jolie, Gonesse, et Agde en tête avec seulement un taux de vacance de 2,9%. Pas de danger non plus en Corse avec Ajaccio et Bastia, dont le taux de vacance locative moyen se situe autour de 3,5%.

Pourquoi il ne faut pas se lancer dans des travaux de grande ampleur ?

Le nouveau dispositif impose que 25% minimum du montant total de l’opération correspondent aux travaux. « Pour autant, il ne faut pas déraper et faire des travaux de grande ampleur car le coût pour rénover de l’ancien chiffre vite. Or si vous faites trop de travaux, l’opération risque de s’avérer peu rentable au final car de toute façon vous ne pourrez pas en contrepartie augmenter le loyer de 25%, ça ne passera pas, c’est certain », prévient l’expert.

« Un autre élément risque de venir contrarier les projets de rénovation : les cœurs de ville abritent souvent des bâtiments classés au titre des monuments historiques. (Comme à Carcassonne, Albi, Agde…, ndlr). La rénovation de ces bâtiments ou même d’un immeuble situé dans un rayon de 500 mètres autour de ces édifices nécessite l’obtention de l’accord des architectes des bâtiments de France. Les délais de traitement des demandes peuvent ralentir considérablement les projets ; quant aux préconisations de travaux, elles peuvent s’avérer dissuasives en termes de complexité, nécessitant le recours à des artisans très spécialisés, et surtout par leur coût », pointe Franck Vignaud. 

Pas de locataire = pas d’avantage fiscal !

Les experts appellent donc à la plus grande prudence quant au choix de la ville où vous allez investir : si l’offre locative est supérieure à la demande et si la demande est faible, vous courez le risque de ne pas louer le bien, or sans locataire, vous perdez l’avantage fiscal.

 « Pas sûr que ce nouveau dispositif soit l’outil de défiscalisation idéal pour rénover dans les vieux centres-villes », conclut Franck Vignaud.

Alexandra Boquillon