Immobilier ancien : après une nouvelle année record, le marché va-t-il se stabiliser en 2019 ?

Après une année 2017 exceptionnelle, 2018 s’impose également comme un excellent cru. Une année qui se révèle être, en effet, une nouvelle année record en termes d’activité pour le marché de la pierre au niveau national malgré des disparités régionales criantes et un climat social tendu en fin d’année.  A quoi faut-il s’attendre en 2019 ? Le point avec Orpi, Century21 et SeLoger, qui prennent le pouls du marché immobilier mois après mois.

Le soleil était au zénith tout au long de l’année 2018. En tout cas, dans le secteur de l’immobilier et dans les grandes lignes (un peu moins dans le détail). Pour preuve, le réseau d’agences immobilières Century 21 France enregistre pour la 4ème année consécutive une progression du nombre de ventes de l’ordre de + 3,9% sur un an. 2017 était déjà une année record, dépassant les 950 000 transactions réalisées en France. Même constat chez Orpi qui enregistre une progression du nombre de ventes de l’ordre de + 3,6% sur un an. Par contre, selon les données de l’association LPI (regroupant 13 acteurs de l’immobilier dont SeLoger), les volumes de transactions sont en recul. En effet, en 2018, l’activité dans l’immobilier ancien au niveau national a enregistré un recul de 5,8 %, alors qu’en 2017, une hausse de 2,4 % avait été observée.

Les Français utilisent le crédit à plein régime 

Selon Century 21, « la principale cause de cet extraordinaire dynamisme reste le niveau très bas des taux d’intérêt qui favorise la concrétisation des projets immobiliers et porte le marché. Les Français ne s’y trompent pas et utilisent le crédit à plein régime : la part de l’emprunt souscrit pour un achat immobilier augmente encore (+1,6% sur un an pour représenter 78,4% du montant de l’acquisition) et la durée de crédit s’allonge également (+0,9% pour se situer à 20,5 ans en moyenne). Ce recours optimisé à l’emprunt se révèle nécessaire dans un contexte où les prix continuent de croître, et ce, pour la 3ème année consécutive.

« L’année 2018 a été marquée par une hausse modérée des prix de l’ancien (+3,5%), une hausse qui faiblit par rapport à 2017 (+4,1%) », nuance Michel Mouillart, porte-parole du baromètre LPI-SeLoger. «Il y a un an, à la même époque, nous sortions de trois années d’une hausse ininterrompue des prix. À fin 2018, nous sommes, au contraire, sur l’observation d’une année de ralentissement du prix de l’immobilier (…) Mais en présence d’une demande morose et d’un pouvoir d’achat malmené, on ne pouvait pas s’attendre à autre chose qu’à un ralentissement des prix immobiliers », assure-t-il.

Prix proches des niveaux historiquement hauts de 2011

Chez Century 21, le prix moyen au m² France entière a augmenté de +1,7% entre 2017 et 2018 et atteint 2595€ le m². La progression est plus importante sur le segment des maisons (+ 3,5%) que sur celui des appartements (+1,1%). « Nous nous rapprochons sérieusement des plus hauts constatés en 2011 avec 2665€ le prix moyen au m² », pointe Laurent Vimont. Le montant moyen d’une transaction en France établit, lui, un nouveau record : 213 705€ (contre 208 759€ en 2017) ; 229 489€ pour une maison et 204 695€ pour un appartement », souligne-t-il.

Investissement locatif en très nette progression

Fait notable, selon Century 21 la part consacrée à l’investissement locatif est en très nette progression sur l’année (+24,7%) et représente 21,7% des achats effectués en 2018, niveau historiquement haut dans l’ancien. Le dynamisme généré par les investissements locatifs (21,7% de l’ensemble des transactions) a porté le marché en 2018 », témoigne le Président de Century 21.

Or le retour de l’encadrement des loyers sur le marché n’est pas un signal positif envoyé aux investisseurs. Les professionnels craignent que le retour du dispositif constitue un frein à l’investissement locatif.

Une France à deux vitesses

L’Auvergne-Rhône-Alpes, le Grand-Est, La Nouvelle-Aquitaine, l’Occitanie, Provence-Alpes-Côte-d’Azur enregistrent des progressions de leur prix moyen au m² conséquentes allant de +3,6% à +7,5%, selon le bilan de l’année 2018 publié hier par Century 21.

Parmi les villes qui ont connu les plus fortes hausses de prix, on retrouve en tête du classement LPI-SeLoger : Pessac qui a vu augmenté ses tarifs en 2018 de 20 % par rapport à 2017. Force est de constater que cette commune située en proche périphérie bordelaise profite de la dynamique de Bordeaux et du TGV qui relie Paris en 2 heures depuis l’été 2017. La deuxième plus forte progression concerne Montreuil (+13,1%), il faut dire que les Parisiens pour le même budget peuvent faire l’acquisition d’un plus grand logement, tout en étant aux portes de Paris, avec le Grand Paris express à horizon 2022 (prolongement de la ligne 11 du métro). La Ville de Montreuil sera desservie par deux stations de métro sur le Boulevard de la Boissière : Montreuil-Hôpital et La Dhuys,

Plus surprenant, la 3ème marche du podium est décerné à Limoges. Pour le professeur Mouillart « il s’agit là d’un simple rattrapage ».

3 régions voient leur prix moyen au m² baisser : la Bretagne (-0,5%), Centre Val-de-Loire (-1,5%) et les Hauts-de-France (-1,9%).

Orpi pointe du doigt des disparités grandissantes sur le territoire français, indiquant que les écarts se creusent entre les grandes villes et les zones non tendues

« Un tiers des ventes se fait dans 10 départements, l’activité se concentre notamment en Ile-de-France et dans les départements des grandes métropoles comme Lyon. 38,2 % du volume
des ventes est réalisé en zone tendue et connait une hausse de 3,6 % du prix du mètre carré,
quand les zones non-tendues affichent une légère baisse voire une stabilité du prix du mètre
carré à - 0,5 %. La fracture immobilière entre zone tendue et zone non-tendue s’élargit en
2018 » constate la Présidente d’Orpi.

Quels indicateurs annoncent un changement de tendance ?

Selon Century 21, le marché immobilier en 2018 a été exceptionnel par sa vitalité et le montant des sommes consenties pour acquérir un logement. Toutefois, un certain nombre d’indicateurs commence à craqueler. Le recours au crédit est pleinement exploité, les surfaces sont réduites pour pouvoir acheter. Le marché semble atteindre un plafond de verre.

A noter par ailleurs que « si le marché bat à plein régime, il n’est pourtant pas en effervescence, et les délais de vente restent stables en 2018 à des niveaux relativement hauts (91 jours) ; nous sommes loin de la frénésie observée en 2004 où les délais de vente nationaux ne dépassaient pas 64 jours en moyenne.

Par ailleurs, « c’est la première fois depuis 2011 que la surface d’une acquisition est en recul : elle perd -0,5m² en un an pour s’établir en moyenne à 85,7 m² tous types de biens confondus (113,5m² pour les maisons et 58,1m² pour les appartements). Pour acheter, les ménages consentent des efforts en sacrifiant un peu de superficie. Ce n’est pas un indicateur à prendre à la légère », met en garde Laurent Vimont.

« Sans les évolutions des conditions de crédit voulues par les établissements bancaires, l’affaiblissement de la demande qui a fait écho à la hausse des prix de l’immobilier, puis à la suppression des aides personnelles à l’accession, aurait été plus sévère que celui constaté depuis l’automne 2017 », tient à souligner, pour sa part, Michel Mouillart.

Quelles sont les perspectives pour 2019 ?

Le mouvement social des Gilets jaunes qui perdurent depuis plusieurs semaines va-t-il impacter le marché immobilier ?  « Avec le mouvement des Gilets jaunes nous n’avons plus du tout de demande concernant les murs de commerces et les fonds commerciaux », observe Neil Narbonne, agent immobilier à Bordeaux et intervenant dans l’émisssion Recherche appartement ou Maison sur M6. « Il y a clairement un lien de cause à effet car 3 mois de bilan négatifs affectent de facto le bilan annuel, ce qui reflète mal l’activité et pourrait se répercuter sur le prix de vente au final. D’ailleurs les vendeurs préfèrent retarder la mise en vente pour le moment ». Ce segment de marché est actuellement au point mort. Et sur l’immobilier résidentiel ? Selon le professeur Michel Mouillart « on pourra voir si les Gilets jaunes ont eu un impact sur le marché immobilier lors du prochain baromètre LPI-SeLoger (celui publié en février prochain) ».

Autres facteurs extérieurs entravant le dynamisme du marché : les catastrophes naturelles, comme les inondations qui ont fortement endommagé l’Aude cette année (- 13,3 % de volume de vente), rappelle Christine Fumagalli. «Ou encore les annonces gouvernementales, comme le prélèvement à la source, qui vont conduire les ménages à repenser leur pouvoir d’achat. Adossant à ces éléments, une éventuelle remontée des taux immobiliers, il devient de plus en plus difficile de faire des prévisions ».
« Il reste 4 millions de Français qui sont mal logés et qui souffrent de la précarité énergétique. Les défis pour 2019 ne sont pas des moindres et ils doivent être collectifs », met en exergue Christine Fumagalli.

De son côté, le professeur Michel Mouillart, porte-parole du baromètre LPI-SeLoger mise sur « une hausse probable des prix à un rythme modéré en 2019, de l’ordre de 2 à 2,5%, avec une accélération des disparités entre les grandes métropoles et le reste du territoire. Et enfin une nouvelle baisse probable du nombre de transactions de l’ordre de – 5%. Tout dépendra de l’évolution des conditions de crédit », conclut le professeur Mouillart.

Alexandra Boquillon