Immobilier 2019 : un marché dynamique attendu mais suspendu à la confiance des ménages

Le marché de la pierre s’annonce dynamique en 2019. Du moins, si les conditions d’octroi de crédit restent souples et si le moral des ménages ne flanche pas. Or, le mouvement des Gilets jaunes reflète la perte de confiance des Français. Il ne faudrait pas que ce climat social tendu perdure et s’installe dans la durée, pouvant remettre en question les perspectives positives du marché immobilier, étroitement dépendant du moral des ménages. Autre condition essentielle : que les conditions d’octroi de crédit exigées par les établissements prêteurs restent souples (faible apport, durée longue…). Analyse de la FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier), croisée avec les données de l’Observatoire Crédit Logement/CSA, du Baromètre LPI/SeLoger, de Century 21 et d’Orpi.

965 000 ventes réalisées en 2018 ! « L’activité s’est maintenue à ses sommets (avec une progression de 0,3% par rapport à 2017 », indique la FNAIM. « En trois ans, ce sont 170 000 transactions supplémentaires qui ont été finalisées. Le taux de rotation est resté aussi élevé que lors de la période record du début des années 2000. Les taux d’intérêt historiquement bas ont certainement motivé les ménages pour passer à l’acte, mais la confiance est par nature fragile. Or en novembre, une baisse a été constatée. Il faudra surveiller ce facteur en 2019, même si, en l’état actuel des choses, l’indice reste plus élevé que sur la période 2008 à 2015 ». Attention donc à la perte de confiance des ménages.

En tout cas pour l’heure, la demande reste présente. « Le marché de l’immobilier a connu une année 2018 très dynamique et 2019 devrait l’être également » vient d’annoncer Orpi qui a prévu de recruter 1000 personnes cette année. Des postes à pourvoir dans différents métiers : transaction, gestion locative, syndic, immobilier d’entreprise ...Même opération de recrutement d’envergure annoncée 3 jours plus tôt chez Century 21 : 1000 postes également à pourvoir à travers 17 métiers différents (assistante commerciale, conseiller, gestionnaire, comptable, manager d’agence...).

Le soutien indéfectible des banques 

Incontestablement, les taux très attractifs accordés par les banques soutiennent le marché. Selon les dernières données de l'Observatoire Crédit Logement/CSA, « le taux moyen hors assurance s'est établi à 1,44 % toutes durées confondues (1,21 % sur 15 ans, 1,41 % sur 20 ans et 1,63 % sur 25 ans en décembre), au 4ème trimestre 2018, soit un niveau quasi constant depuis plus de 6 mois sur le marché de l’ancien », souligne Michel Mouillart, professeur d’économie à l’Université de Paris Ouest. « Les taux vont augmenter de façon très modérée en 2019 pour atteindre 1,65 ou 1,70% en fin d’année », anticipe le Professeur Mouillart. Des niveaux qui vont donc rester attractifs.  Mais ces niveaux bas à eux seuls suffiront-ils à soutenir le dynamisme du marché ? « Ce qui est crucial, c’est que les conditions d’octroi de crédit restent très favorables avec un niveau faible d’apport exigé par les banques et avec des prêts octroyés sur de longues durées », prévient Michel Mouillart. Le marché immobilier hexagonal a accusé en 2018 un recul des volumes de l’ordre de 5,8 % et si les banques n’avaient pas considérablement assoupli leurs conditions de crédit, notamment en « réduisant leurs exigences en termes d’apports personnels », la baisse aurait été plus importante encore, rappelle Michel Mouillart. Le nombre de ventes devrait à nouveau reculer de 5% en 2019 », anticipe-t-il. 

Détérioration de la solvabilité de la demande

« Alors que le rythme de l’inflation a accéléré en 2018, les taux d’intérêt réels sont négatifs depuis juin 2018, confirmant une situation inédite depuis 1974 », relève Michel Mouillart.

« Il est toutefois intéressant de noter que depuis la fin de l’année 2016, l’amélioration des conditions de crédit ne compense plus la détérioration de la solvabilité de la demande provoquée par la hausse des prix de l’immobilier et par la dégradation des soutiens publics », déplore Michel Mouillart.

Le marché semble atteindre un plafond de verre

Selon Century 21, le marché immobilier en 2018 a été exceptionnel par sa vitalité et le montant des sommes consenties pour acquérir un logement. Toutefois, un certain nombre d’indicateurs commence à craqueler. Le recours au crédit est pleinement exploité, les surfaces sont réduites pour pouvoir acheter. Le marché semble atteindre un plafond de verre. Pour acheter, les ménages consentent des efforts en sacrifiant un peu de superficie. Ce n’est pas un indicateur à prendre à la légère », met en garde Laurent Vimont. Tous les professionnels soulignent en effet une baisse du pouvoir d’achat généralisée.

Les prix tendent à décélérer

« Les chiffres synthétiques des prix font apparaître une décélération : ils ont augmenté de 2,7% dans la France entière contre 4,2% en 2017. Mais avec combien de disparités, rappelle Jean-Marc Torrollion, président de la FNAIM (Fédération nationale de l’immobilier) !

D’abord, entre types de biens : la hausse est de 3,8% pour les appartements (contre 4,9% en 2017) et de 1,5% pour les maisons (contre 3,7% l’année précédente).

Ensuite entre Paris, l’Ile de France et le reste du territoire. Dans la capitale, les prix ont augmenté de 5,9% (contre 6,5% en 2017). En Ile-de-France, la progression est de 4,1% (5% l’année précédente). Et dans le reste de la France, elle est de 2,1% (au lieu de 3,9% en 2017).

Mais là encore, les écarts sont considérables, entre une augmentation de 6,7% à Nantes, contre un petit 0,7% à Rouen ou Lille, et une baisse de 1,6% à Ajaccio. Du coup, la statistique se traduit sur le terrain par des réalités contrastées d’une ville à l’autre », indique la FNAIM.

Prix immobilier : la France coupée en deux

Même constat dans le dernier baromètre LPI/SeLoger publié hier : En 2018, l’activité du marché de l’ancien s’est redressée dans plusieurs régions : parfois rapidement (Champagne-Ardenne et Limousin) ou plus lentement (Basse Normandie et Lorraine, voire Centre et Midi-Pyrénées). Ce redémarrage s’est toujours appuyé sur le dynamisme de l’offre bancaire.

En revanche, la reprise du marché de la pierre ne parvient pas à s’affirmer dans d’autres régions (comme en Bretagne, en Ile de France, dans les Pays de la Loire ou en Picardie, par exemple), les hausses de prix constatées par le passé ayant nettement pesé sur la demande.

A surveiller : taux, conditions d’octroi de crédit, confiance des ménages et emploi

« Même si le pouvoir d’achat immobilier devrait rester supérieur à la moyenne historique de ces dernières années, une inflexion du marché est à prévoir. Trois voyants devront être particulièrement surveillés en 2019 : les taux d’intérêt, la confiance des ménages et le niveau de l’emploi », met en garde Jean-Marc Torrollion, président de la FNAIM. Ainsi que les conditions d’octroi de crédit concernant l’apport exigé et la durée d’emprunt accordée, « elles doivent rester favorables pour soutenir les ménages », martèle le Professeur Mouillart.  A suivre...

Alexandra Boquillon