Immobilier : annulation de l’encadrement des loyers à Lille

Coup de théâtre sur l’encadrement des loyers à Lille. Le dispositif entré en vigueur dans la capitale des Flandres le 1er février 2017 a été retoqué par le tribunal administratif mardi 17 octobre. Une décision qui suscite l’incompréhension dans le fief de la maire socialiste Martine Aubry à Lille mais la satisfaction chez l’ensemble des professionnels de l’immobilier. La Préfecture du Nord va-t-elle faire appel ? Cette décision va-t-elle faire jurisprudence ? L’encadrement des loyers est-il compromis à Paris ? Les réactions de la FNAIM, de l’UNPI, de Plurience, de la mairie de Paris et de l’OLAP.

La décision des juges lillois est tombée comme un couperet dans la ville de Martine Aubry. Cette dernière, avec le soutien de l’ex-ministre du Logement Emmanuelle Cosse, avait tout mis en œuvre pour faire appliquer le dispositif à Lille, la deuxième ville à le demander, après Paris en août 2015. « L’encadrement des loyers est une nécessité économique et sociale, qui a reçu un fondement juridique avec la loi Alur. Nous ne comprenons pas la décision du tribunal administratif. On ne s’attendait pas à cette décision » a déclaré l’élue lilloise (PS) Audrey Linkenheld à l’AFP.

Le tribunal administratif de Lille, saisi notamment par la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) du Nord et l'Union nationale de la propriété immobilière (UNPI) du Nord, a annulé l'arrêté préfectoral instaurant l'encadrement des loyers, au motif que son périmètre ne pouvait être limité à la seule commune de Lille, mais selon la loi Alur aurait dû s'appliquer à l'ensemble de la zone tendue, regroupant les 59 communes de l'agglomération lilloise.

La loi Alur au pied de la lettre

En effet, la loi Alur du 24 mars 2014 (pour l’Accès au Logement et un Urbanisme rénové), une loi « profondément de gauche, portée par l’ex-ministre du Logement, Cécile Duflot, prévoit que l’encadrement des loyers s’applique dans les 28 agglomérations considérées comme des zones tendues, où il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande.

Mais en août 2014, Emmanuel Valls alors Premier ministre avait annoncé la décision du gouvernement de limiter le champ d’application de l’encadrement des loyers à Paris intra-muros et à titre expérimental, ainsi qu’aux « communes volontaires ». La maire de Lille avait rapidement manifesté son intention de faire entrer le dispositif dans sa ville. Hormis l’élue lilloise et notamment le maire de Grenoble, peu d’édiles avaient manifesté leur volonté de mettre en place un tel dispositif dans leurs communes.

Finalement, le Conseil d’Etat en mars dernier a annulé la décision de Manuel Valls, pour « excès de pouvoir », dans la mesure où sa décision allait à l’encontre de la loi Alur, et donc jugée « illégale ».

 Selon le tribunal administratif de Lille, l’encadrement des loyers doit effectivement être mis en œuvre dans l’ensemble de l’agglomération lilloise, « qui comprend 59 communes et doit être regardée dans son ensemble comme constituant une zone tendue pour l’application du dispositif de plafonnement ».

La préfecture du Nord a deux mois pour faire appel de la décision du tribunal administratif. Le Préfet va-t-il prendre un nouvel arrêté soumettant les 59 communes de l’agglomération lilloise à l’encadrement des loyers pour être en conformité avec la loi Alur ? Ceci « semble peu probable sachant que la présence d'un observatoire des loyers et l'accord de l'ensemble des communes est nécessaire », anticipe la FNAIM.

En effet, il faudrait que tout un travail d’observation des loyers soit mis en place en amont dans les différentes communes incluses dans l’agglomération lilloise. Mais surtout il faudrait que les maires de l’ensemble des communes donnent leur aval.

Une bonne nouvelle pour les professionnels

 Pour l’heure, l’ensemble des professionnels de l’immobilier affirment être satisfaits de la décision rendue par les juges lillois le 17 octobre. Ainsi, l’association Plurience qui regroupe les grandes entreprises d’administration de biens (Advenis, Billon immobilier, Citya-Belvia Immobilier, Crédit agricole immobilier, Dauchez, Foncia, Immo de France, Loiselet & Daigremont, Nexity, Oralia, Sergic, Square habitat) se félicite de la décision du tribunal administratif de Lille d’annuler l’encadrement des loyers.

 « Comme le dénoncent les professionnels de l’immobilier, l’encadrement des loyers à Paris a prouvé son inefficacité, il pousse les propriétaires à vendre leurs logements et ne les incite pas à rénover ceux mis en location.

 Les loyers baissent partout en France, encadrement des loyers ou non. Cette mesure produit des effets négatifs sur le long terme avec une baisse significative de l’offre locative dans les villes où elle serait mise en place, au détriment des foyers les plus modestes.

 De plus, l’encadrement des loyers est une mesure idéologique qui a pour effet de faire baisser de manière arbitraire la valorisation d’un bien mis en location et pousse donc les propriétaires à vendre leurs biens et ne pas investir pour renouveler l’offre de logements dans les zones les plus tendues notamment. 

« Une usine à gaz » : il n’est nul besoin d’encadrement des loyers

 Les professionnels rappellent qu’ils peuvent être des acteurs de la mise en œuvre des politiques publiques dès lors qu’elles font appel à la confiance et à la mobilisation des bailleurs privés. Un plan d’orientation du parc privé en faveur d’une offre de loyers abordables est possible, avec le concours des professionnels. Ce plan suppose que les aides au parc privé existant soient proportionnelles aux loyers de sortie offerts. Il n’est nul besoin d’encadrement des loyers », indique Plurience à travers un communiqué.

 « C’est un très grand jour pour nous, le résultat d’un combat mené depuis bientôt un an dans l’intérêt des propriétaires », a affirmé Jean-Pierre Berlinet, le président de l’UNPI du Nord de la France, considérant l’encadrement comme étant une « usine à gaz ».

 Même satisfaction chez la FNAIM : « Cette décision de justice va dans le bon sens. Nous espérons qu'elle fera jurisprudence et que Paris suivra », a déclaré Jean-François Buet, Président de la fédération.

 « Une folie de renoncer à l’encadrement » pour la mairie de Paris

De son côté, la mairie de Paris reste a priori sereine : « Nous continuerons à appliquer le dispositif », a indiqué à l’AFP Ian Brossat, adjoint (PCF) d'Anne Hidalgo, en charge du Logement à la mairie de Paris. « Nous sommes confiants et nous ne sommes pas inquiets », a tenu à préciser l’élu en soulignant que sur le plan juridique « la Métropole du Grand Paris n’a pas pour l’instant la compétence du Logement ». Et d’ajouter « ce serait une folie de renoncer au dispositif alors que depuis sa mise en place, les loyers qui explosaient au cours des années précédentes, se sont stabilisés ».

Extension de l’encadrement en Ile-de-France ?

L’encadrement des loyers va-t-il être étendu dans l’agglomération parisienne, regroupant 412 communes, à l’horizon 2018, comme l’avait annoncé Emmanuelle Cosse en juin 2016 ? Réponse de l’Observatoire des loyers de l’Agglomération parisienne (Olap), contacté par la rédaction : « Nous observons bien les loyers sur l'ensemble de l'Ile de France», a confirmé Genevièce Prandi, directrice de l’Olap. Mais « sans être actuellement en mesure d'établir les statistiques permettant la mise en place de l'encadrement en dehors de Paris », a-t-elle précisé. 

Le ministère va faire appel

Le ministère de la Cohésion des territoires a annoncé mercredi qu'il va faire appel contre la décision du tribunal administratif de Lille d'annuler le dispositif d'encadrement des loyers, entré en vigueur en février dernier. « Cette décision de faire appel ne préjuge pas de l'évaluation en cours du dispositif d'encadrement des loyers, qui n'est pour le moment appliqué qu'à Paris et Lille », a indiqué le ministère à l'Agence France Presse.

Au moment où nous écrivons ces lignes, la Préfecture du Nord n’a pas encore précisé si elle comptait faire appel. Affaire à suivre à Lille…et à Paris.

Alexandra Boquillon