Transformation de l’ISF en IFI, votée par l’Assemblée nationale

Les députés ont voté le 12 octobre dernier la transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière. Face à la polémique qui enfle concernant l’exonération sur tous les actifs financiers, la majorité a cependant accepté de taxer davantage certains biens de luxe (voitures, yachts, métaux précieux). Dans ce contexte fiscal empreint de contradictions, le gouvernement parviendra-t-il à attirer de nouveau les ultra-riches et à enrayer l’exil fiscal ? Qui seront les grands perdants de ce nouvel impôt ? Comment échapper à l’IFI ? Zoom sur une mesure très controversée.

C’était l’une des promesses d’Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. La très controversée transformation de l’ISF (impôt de solidarité sur la fortune) en IFI (impôt sur la fortune immobilière) a bel et bien été votée le 12 octobre par les députés. Cette mesure phare a, en effet, été adoptée jeudi dernier par la majorité en commission des Finances à l’Assemblée nationale. Les rangs de la gauche ont dénoncé « un budget pour les riches », du fait que les actifs financiers (devises, obligations, actions, titres…) soient désormais exonérés d’impôt.

Un cadeau aux plus grosses fortunes de France

 Selon le rapporteur général Joël Giraud (LREM), cette mesure est destinée « à orienter l'épargne des gros patrimoines vers le financement des entreprises». Tandis que pour la gauche, elle représente indéniablement « un cadeau aux plus grosses fortunes de France», a dénoncé le communiste Fabien Roussel. Pour le député Charles de Courson (UDI), ce sont  «les petits riches» qui vont payer l'IFI. Pire, pour le député LR Nicolas Faurissier, ce sont même «les classes moyennes» qui payeront l’IFI.

 Selon Natixis, en effet, en raison de l’exonération de taxation sur les actifs financiers, pas de doute, « les patrimoines élevés seront les grands bénéficiaires du passage de l’ISF à l’IFI », a publié sur son blog le 10 octobre Philippe Waechter, directeur de la recherche économique chez Natixis Asset Management. Avec un graphique illustrant son propos : « On voit que pour les patrimoines les plus importants (à droite sur le graphe) la composante actifs financiers est prépondérante et celle-ci sera exonérée », précise-t-il.

Taxation à la hausse des métaux précieux, des voitures de luxe et des yachts 

La majorité a cependant accepté de taxer certains biens de luxe afin d’éteindre la polémique que suscite cette réforme. Ainsi, elle a adopté ce jeudi plusieurs amendements sur la taxation des métaux précieux, des voitures de luxe ou encore des yachts : augmentation des taxes pour les propriétaires de yachts de luxe, dépassant 30 mètres, hausse de 10 à 11 % de la taxe sur la vente d’objets précieux, et création d’une taxe additionnelle sur les immatriculations de voitures de luxe, dès 36 chevaux fiscaux. Ce qui devrait rapporter 40 millions d’euros.

Une démarche jugée contradictoire aux yeux de l’opposition. Les députés ont voté plusieurs amendements ce jeudi en commission des Finances à l'Assemblée nationale visant à augmenter  la taxation de certains « signes extérieurs de richesse », afin de compenser la réduction de l'assiette de l'ISF. A compter de janvier 2018, celle-ci sera restreinte aux seuls actifs immobiliers. « Nous voulons nous assurer que la modification de l'ISF n'aboutisse pas à des effets d'aubaine sur les biens non productifs », a argumenté Amélie de Montchalin, coordinatrice du groupe La République En marche (LREM) à la commission des Finances. 

Politique d’attractivité ?

L'opposition à droite ne s’est pas non plus privée de montrer du doigt les contradictions de cette initiative. « On est quand même dans la vieille politique, a ironisé le président de la commission des Finances, Eric Woerth (LR). On a mauvaise conscience de supprimer l'ISF, donc on vote ces mesures. »  Alors que le gouvernement Edouard Philippe souhaite redorer l’image fiscale de la France quelque peu ternie par le taux de 75% appliqué durant le précédent quinquennat, la volonté de taxer les produits ostentatoires, saute aux yeux des députés de droite comme une totale contradiction. Les méga riches ne seront plus taxés sur leurs actifs financiers, mais sur leurs actifs immobiliers ET sur leurs signes extérieurs de richesse (Lamborghini, lingots d'or, yacht...).

Enrayer l’exil fiscal ?

Malgré une avalanche de critiques qui émanent des rangs de l’opposition, les députés LRM défendent bec et ongles une promesse de campagne d’Emmanuel Macron et malgré la taxation des objets ostentatoires, font le pari qu’elle incitera les contribuables les plus aisés à rester en France ou à y revenir, grâce à l’exonération d’impôt sur les actifs financiers, en espérant enrayer ainsi l’exil fiscal qui a pris de l’ampleur sous le quinquennat de François Hollande. Ainsi le retour de ces riches contribuables permettrait de stimuler la croissance, grâce à leurs investissements dans « l’économie réelle ». D’une part, dans ce contexte empreint de contradictions, le pari de faire revenir les ultrariches n’est pas gagné et d’autres part, ces arguments font bondir les professionnels.

Les professionnels de l’immobilier vent debout contre l’IFI

 "Il est totalement injuste de considérer que l'investissement locatif n'est pas productif dans l'économie réelle, puisqu'un logement construit correspond à deux emplois créés", déplore Alain Dinin, président du groupe immobilier Nexity. Par ailleurs, "l'investissement locatif est un placement risqué : défaut de paiement, vacance locative, voire dégradations, que supporte seul le propriétaire-bailleur", surenchérit Bernard Cadeau, président du réseau d'agences immobilières Orpi.

Le bailleur privé est un agent économique à part entière

Pour Bernard Cadeau, « le bailleur privé est un contributeur à l’économie en général et un agent économique à part entière. En effet, il paye des droits de mutation, il fait travailler des artisans pour les travaux réalisés dans le bien qu’il a acheté dans le but de le louer. Son locataire ou lui-même (dans le cadre d’une location meublée, ndlr) va acheter des meubles chez Ikéa etc. Il s’agit bien là d’économie réelle ».

Fuite des bailleurs privés = tension sur les prix

Le gouvernement doit faire la distinction entre les rentiers multipropriétaires et les petits bailleurs privés, qui eux doivent être exonérés d’IFI. Les bailleurs privés ne sont pas tous fortunés : « Imaginez que vous ayez hérité d’un appartement à Paris et que vous l’habitez, que vous achetiez un studio à chacun de vos deux enfants dans une ville universitaire et que vous investissiez dans l’immobilier pour pallier une perte de revenus à la retraite, et bien vous devenez redevable de l’IFI et pourtant vous n’êtes pas un multipropriétaire », déplore Bernard Cadeau. Pour ce dernier, le risque avec l’IFI est de faire fuir les bailleurs qui a coup de matraquage fiscal vont finir par se désintéresser de l’immobilier et privilégier des actifs non taxés. L’effet pervers est simple à deviner : « il y aura encore moins de logements sur le marché, le déséquilibre entre l’offre et la demande va se creuser davantage, et finira par exercer une tension sur les prix.

Mauvaise nouvelle pour les nu-propriétaires

Par ailleurs, selon Le Revenu : « Lorsqu’un bien a fait l’objet d’un démembrement de propriété suite à un décès, le nu-propriétaire devra dans certains cas payer une partie du futur impôt sur la fortune immobilière. Une véritable bombe à retardement posée dans le projet de loi de finances ». Les détails sont stipulés dans les alinéas 28, 29 et 30 de l’article 12.

Astuce pour échapper à l’IFI : acheter de l’immobilier en société et pas en nom propre !

« En septembre dernier, le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, avait précisé que l'IFI concernerait les patrimoines immobiliers nets supérieurs à 1,3 million d'euros. Par rapport à l’ISF, «rien ne change sur le seuil d'entrée, les taux et les abattements, comme celui de 30 % sur la résidence principale. De même, l'immobilier affecté à l'exploitation de l'entreprise du contribuable ne sera pas concerné», avait-il expliqué. C’est-à-dire que seul l’achat d’immobilier en nom propre sera taxé. Il est donc conseillé d’acquérir des biens immobiliers via des SCI par exemple, afin d’échapper au nouvel impôt...

Le champ d'application réel de l’IFI n'est pas encore entièrement défini. Par exemple, on ne sait toujours pas si les biens détenus par des Sociétés civiles de placements immobiliers (SCPI) ou des Organismes de Placement Collectif Immobilier (OPCI) y seront finalement assujettis ou pas. La rédaction vous conseille d’attendre la présentation finale du projet de loi de Finances pour 2018, avant de procéder à d'éventuels arbitrages dans votre patrimoine.

Cette réforme, qui va être revotée dans l'hémicycle, malgré les vives critiques suscitées, devrait entraîner un manque à gagner de près de 3,2 milliards d'euros pour les caisses de l'État, alors qu'en 2016 l'ISF a rapporté près de 5 milliards », selon Le Figaro.

 Le texte définitif sera voté fin 2017.

 Alexandra Boquillon