Logement : Emmanuel Macron tiendra-t-il ses promesses?

Au programme : une politique de l’offre ciblée et vigoureuse, de la stabilité normative, un accès facilité à la location pour les salariés précaires, l’ISF transformé en IFI, l’exonération de la taxe d’habitation pour une majorité de contribuables, les revenus des propriétaires-bailleurs taxés à un taux unique de 30%, le Pinel et le PTZ prolongés jusqu’en 2018 et  rénovation énergétique pour tous. Zoom sur ses 10 principales propositions.

 "Le logement c'est ce qui fait que l'on est bien dans sa vie. Le logement est un sujet qui n'a rien de mineur ", avait déclaré Emmanuel Macron en novembre dernier (lors de l’OrpiLab organisé par Bernard Cadeau). Elu Président de la République, le 7 mai dernier, Emmanuel Macron a déjà planché sur le dossier du Logement bien avant son élection. En effet, lors de la campagne présidentielle il a présenté tout un éventail de propositions. Des propositions plutôt en phase avec la réalité du terrain qui concernent aussi bien les propriétaires- bailleurs que les locataires, les primo-accédants, les investisseurs dans le neuf, les contribuables redevables de l’ISF, ceux redevables de la taxe d’habitation...

Par ailleurs, Emmanuel Macron a souligné plusieurs évolutions sociétales dont il a bien conscience pour mener sa politique du logement : à savoir le nombre de divorces en augmentation constante et la garde partagée des enfants qui révolutionnent aujourd’hui le logement. Et également le nombre important de salariés en CDD qui représentent plus de 80% des embauches à l'heure actuelle mais qui sont aujourd'hui privés d'accession à la propriété, en raison de la frilosité des banques pour les financer. 

Parmi les mesures phares du programme fiscal du mouvement En marche !,on trouve quelques précisions, notamment en ce qui concerne le nouvel impôt sur la fortune immobilière (IFI).

1-L’ISF rebaptisé IFI dès 2019 ?

Emmanuel Macron propose de transformer l’impôt de solidarité sur la fortune (l’ISF) en impôt sur la fortune immobilière, rebaptisé IFI. Dans le programme du nouveau Président, « la rente immobilière » pour reprendre ses mots, devient la principale source de richesse taxable pour les contribuables français. 
Pour rappel, les contribuables sont aujourd’hui redevables de l’ISF dès lors que leur patrimoine global hors œuvres d’art (biens mobiliers, biens immobiliers, bijoux, actions, épargne, assurances-vie et autres actifs…) dépasse 1, 3 million d’euros.

Selon l'équipe d'En Marche !, l'assiette fiscale devrait totalement être repensée. L'IFI s'appliquerait, "aux seuls actifs immobiliers ». D’ailleurs Emmanuel Macron avait tweeté le 1er février dernier « Je transformerai l'ISF en impôt sur la rente immobilière. J'exonèrerai tout ce qui finance l'économie réelle ». 

Reste à préciser si les placements dans la pierre papier comme l’achat de parts de SCPI (Sociétés civiles de placement immobilier) seront inclus ou non dans l’assiette de calcul. Autres interrogations : L’abattement de 30% sur la résidence principale sera-t-il conservé ? A priori oui. Le barème de l'IFI resterait-il le même que celui de l'ISF ? Pour rappel, actuellement il s'agit d'un barème à six tranches. Et le seuil de déclenchement de l'impôt resterait-il fixé à 1,3 million d'euros ? Si c’est le cas, les petits propriétaires et primo investisseurs ne seraient pas concernés. Au final, seuls les multi-investisseurs seraient redevables de ce nouvel impôt sur le patrimoine immobilier.

Il faudra attendre la mise en place de la mesure puis les décrets d’application pour connaître en détail toutes les subtilités. En tout cas, il reste peu envisageable qu’une telle mesure soit mise en place la première année du quinquennat, ni même la deuxième année. Selon l’équipe du mouvement En Marche, il est plus probable que la mise en œuvre s’opère dans le courant de l’année 2019.

2-Taux unique d’imposition de 30% pour les propriétaires-bailleurs

Autre mesure envisagée : Les revenus des propriétaires-bailleurs (y compris les loyers perçus) seraient taxés au taux unique de 30%. Une bonne nouvelle donc pour ceux qui sont aujourd’hui imposés à plus de 30% de tranche marginale d’imposition (TMI). Un signal positif envoyé aux contribuables les plus aisés ? Pour les inciter à investir en France et pour enrayer le phénomène d’exil fiscal qui a pris de l’ampleur sous le quinquennat de François Hollande ? A voir. Attendons les conditions et les détails de la mesure.

3-Créer un choc de l’offre

Emmanuel Macron a fait le constat que depuis Georges Pompidou (élu en 1969), tous les gouvernements se fixent toujours le même objectif : à savoir la construction de 500 000 logements par an dans toute la France. Or il n'y a pas besoin de construire partout, mais uniquement en zones tendues, comme les grandes agglomérations. Pour Emmanuel Macron, construire mieux, de façon ciblée et vigoureuse sera le seul moyen de faire baisser les prix !

Emmanuel Macron préconise donc de construire en Ile-de-France : 70 000 logements par an au lieu de 40 000 aujourd'hui, ensuite dans la région Paca (du côté d'Aix-Marseille) : 45 000 nouveaux biens chaque année au lieu de 30 000 actuellement et aussi dans l'agglomération toulousaine. A l'inverse, "Construire à Aurillac ou à Châteauroux n'a pas de sens", a-t-il précisé en novembre dernier.

Il veut mettre un coup d'arrêt à l'instabilité normative. "Plus on empile les normes, moins on rend facile la construction de logements", a-t-il souligné. Pour ce faire, il compte adopter un moratoire sur les normes afin de faciliter la construction. En ce qui concerne la délivrance des permis de construire, les collectivités territoriales joueront toujours un rôle majeur. Mais Emmanuel Macron a laissé entendre que l’Etat pourra également intervenir si besoin pour attribuer un permis de construire ou réduire les possibilités de recours abusifs contre les permis de construire, toujours dans l’optique de faciliter les nouvelles constructions.

4-Exonération de taxe d’habitation pour 80% des contribuables dès 2018 

Une taxe injuste ! C’est ce que pense le nouveau Président de la taxe d’habitation. Par conséquent , 80% des contribuables qui en sont actuellement redevables en seraient exonérés dès 2018. Cette mesure devrait entrer progressivement en vigueur à partir de 2018 jusqu’en 2020. Reste à préciser qui pourra ou pas en être bénéficiaire.

5- Locataires : mise en place d'un bail mobilité

Emmanuel Macron propose la mise en place d'un bail mobilité professionnelle de moins d'un an (entre 3 et 12 mois), qui permettrait aux personnes salariées en CDD ou aux intérimaires d'accéder au marché locatif, sans dépôt de garantie exigé. Cela permettrait aussi selon lui de mieux réguler le marché, et de limiter le nombre d'appartements mis en location sur Airbnb qui est "un farwest complet" a-t-il déploré.

6- Encadrement des loyers : a priori pas étendu à d’autres agglomérations 

« Il faut évaluer ce dispositif avant de le débrancher" a-t-il affirmé. Actuellement en vigueur à Lille et à Paris, le dispositif ne devrait pas être étendu à d’autres agglomérations. En effet, si Emmanuel Macron admet le rôle modérateur de l’encadrement des loyers, il reconnaît par ailleurs qu’il dégrade le rendement locatif des propriétaires-bailleurs parisiens et lillois…

7-Stop au yo-yo fiscal

En ce qui concerne l'exonération de taxation sur la plus-value au terme de 22 ans, le nouveau Président ne compte pas réduire ce délai à 15 ans comme le préconisait François Fillon. Il y a eu trop de politique de yo-yo ces dernières années. "Je ne suis pas pour bouger la fiscalité, je suis pour la stabilité fiscale. "Il faut annoncer la couleur et s'y tenir ensuite", a-t-il prévenu. Pour rappel, cette mesure concerne la vente de résidence secondaire. La résidence principale reste totalement exonérée quelle que soit la durée de détention.

8-Démocratisation de la rénovation énergétique

Pour lutter contre la précarité énergétique, il propose de baisser les droits de mutations des propriétaires-bailleurs qui s'engageraient à rénover énergétiquement leur bien. Selon lui "La rénovation énergétique ne doit pas être réservée à une élite. Il a rappelé que 600 000 familles souffrent aujourd'hui du froid et vivent dans des passoires énergétiques. Une bonne piste donc pour inciter les bailleurs à réaliser les travaux nécessaires. L’objectif du nouveau Président est d’interdire les passoires énergétiques sur le marché de la location d’ici 2025. Ainsi, le CITE (Crédit d’impôt pour la Transition énergétique) deviendrait une prime à utiliser pour régler les travaux (plus besoin d’avancer les sommes). On attend les conditions et les détails de cette mesure.

9-PTZ reconduit en 2018

Le PTZ, prêt à taux zéro facilite les projets d’accession à la propriété pour les primo-accédants les plus modestes. Ce coup de pouce devait prendre fin en 2017. Mais Emmanuel Macron ne souhaite pas le débrancher brutalement. Ce crédit gratuit devrait être reconduit en 2018. Au moins le temps qu’Emmanuel Macron lance son choc de l’offre afin de faire baisser les prix ? A terme, le marché ne devrait plus avoir besoin d’outil comme le PTZ, qui maintient un marché de la pierre…aujourd’hui sous perfusion.

10- Pinel également prolongé

Pour les investisseurs dans le neuf, l’avantage fiscal Pinel, qui devait prendre fin au 31 décembre prochain, devrait lui aussi être prolongé. Il faut dire qu’il représente 55% des ventes de logements neufs. Emmanuel Macron reste conscient que les investisseurs et les promoteurs ont besoin de visibilité et de confiance. Et comme le dit l’adage : quand le bâtiment va, tout va !

Voilà pour l’essentiel des mesures évoquées par Emmanuel Macron. Reste à savoir si le nouveau Président de la République pourra appliquer son programme sur le logement et tenir toutes ses promesses de campagne… Affaire à suivre.

Alexandra Boquillon