Logement : Richard Ferrand succède à Emmanuelle Cosse, en tant que ministre de la Cohésion des territoires

Le ministre en charge du Logement est bien Richard Ferrand. Même si le mot Logement n’apparaît pas dans l’intitulé de son ministère, il succède  à Emmanuelle Cosse, ex-ministre du Logement et de l’Habitat durable. Il a été nommé mardi dernier ministre de la Cohésion des territoires. Cette nouveauté inattendue n’a pas laissé indifférents les professionnels de l’immobilier, suscitant de nombreuses réactions. Qui est Richard Ferrand ? Quelles sont les idées qu’il défend? Répondra-t-il aux attentes des professionnels…et des Français ? Survivra-t-il aux législatives ? Portrait et analyse.

 « Le logement sera au cœur de la cohésion des territoires ». C’est ce qu’a tweeté Richard Ferrand après la passation de pouvoir qui s’est déroulée mercredi 17 mai à 18h30 au ministère du Logement. Il a été nommé le 16 mai ministre de la Cohésion des territoires par le gouvernement d’Edouard Philippe. Mais que se cache-t-il derrière « Cohésion des territoires », un intitulé aussi vaste que flou pour le moment ?

Porter une vraie politique du logement sans ministère de plein exercice, est-ce possible ?

Cette nomination a immédiatement suscité des réactions en cascade de la part des professionnels. Dans un premier temps, l’absence du terme « Logement » a fait bondir Jean-François Buet, Président de la FNAIM.  « Déjà absent de la campagne présidentielle, le logement, 1er poste des dépenses des ménages, est une préoccupation majeure de nos concitoyens. Or pour la première fois depuis de nombreuses années le thème du logement est totalement absent dans les attributions gouvernementales.

Nous déplorons ainsi l’absence d’un Ministère voire d’un Secrétariat d’Etat dédié au logement dans la composition de ce gouvernement et espérons vivement que cette erreur sera réparée après les élections législatives», a réagi Jean-François Buet, dans un communiqué.

Selon Emmanuelle Cosse, ex-ministre du Logement, "il est difficile de porter une vraie politique du logement sans ministère de plein exercice", a-t-elle affirmé au Figaro. "Lorsque le logement est en crise, on en parle. Et dès que ça va mieux, tout le monde oublie. Or, c'est justement dans ces moments-là, qu'il faut mettre un coup de collier. [...] Le logement parle aux gens, la cohésion des territoires, moins. Un travail pédagogique de la part de Richard Ferrand sera nécessaire."

Le fond plus important que la forme

Mais pour bon nombre de professionnels de l’immobilier, au final ce n’est pas l’intitulé du ministère concerné qui a de l’importance mais plutôt la politique qui sera mise « En marche » dans les prochaines semaines et les résultats qui en découleront au fur et à mesure.

Pour d’autres experts du secteur, intégrer le Logement dans le ministère de la Cohésion des territoires est même plutôt bon signe puisque la politique du Logement doit être adaptée en fonction des territoires. En effet,  les besoins ne sont pas les mêmes d’un territoire à un autre, martèlent les observateurs, depuis des décennies. Pour rappel, la décentralisation est un engagement fort des socialistes.

Un choc d’offre

Ministre du Logement ou ministre de la Cohésion des territoires, peu importe, Richard Ferrand a en tout cas du pain sur la planche.

Les professionnels l’attendent à tous les tournants : maintien des dispositifs d’aide à l’accession et de défiscalisation, stabilité de la fiscalité, suppression de l’encadrement des loyers, construction de logements neufs nécessaire dans les zones tendues, réparer les fractures territoriales (désertification des centres-villes, rénovation des banlieues…). En ce qui concerne ce dernier point, le prix des logements neufs a augmenté de 5,1 % au premier trimestre 2017, selon la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), alors que les ventes de logements neufs ont augmenté sur la même période de 13,8% et que les taux restent bas. Alexandra François-Cuxac, présidente de la FPI appelle le nouveau ministre Richard Ferrand à notamment mettre en œuvre un « choc d’offre »…, peut-on lire dans les Echos du 18 mai.

Nicolas Hulot et le défi de la transition écologique

Pour la mise en œuvre de nombreuses mesures, Richard Ferrand ne sera pas le seul ministre du gouvernement Philippe à intervenir. Pour tout ce qui concerne l’Habitat durable, les économies d’énergies, les normes de construction (RT 2020…), Nicolas Hulot qui a accepté le super-ministère de la Transition écologique et solidaire (après l’avoir refusé auprès de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande) devrait logiquement travaillé sur le dossier construction. L’ex globe-trotter de la célèbre émission Ushuaia qui depuis des décennies alerte les Présidents au sujet du péril climatique se retrouve désormais propulsé ministre d’Etat, numéro deux du gouvernement après Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur. Sera-t-il efficace dans ses nouvelles fonctions ministérielles  ? L’avenir nous le dira.

Bruno Le Maire et la fiscalité immobilière

Côté fiscalité immobilière, Bruno Le Maire devrait plancher sur le sujet puisqu’il vient d’obtenir les clés de Bercy. En tant que ministre de l’Economie, il hérite avec également le nouveau ministre de l'Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, d’un large portefeuille regroupant Economie, Finances, Fiscalité, Industries et Services. Durant la primaire de droite, Bruno Le Maire (député LR de l’Eure âgé de 48 ans) avait proposé des mesures proches de celles d’Emmanuel Macron comme par exemple la suppression de l’ISF et la fiscalité du capital. Par contre il avait avancé une baisse de la CSG, à l’inverse du programme du nouveau Président.

Pour rappel, Macron veut fixer un forfait unique de 30% pour taxer les intérêts, plus-values…Côté ISF, il veut le supprimer et le remplacer par l’IFI : impôt sur la fortune immobilière, qui ne s’appliquera qu’au seul patrimoine immobilier (tous les autres actifs financiers en seront exonérés). Selon l’économiste Philippe Aghion, professeur au Collège de France et un des inspirateurs du programme d’En marche, cette réforme a été instaurée en Suède dans les années 1990 et a permis de booster l’investissement malgré l’imposition sur les rentes immobilières, peut-on lire dans le magazine Challenges de cette semaine. Et à priori peu d’investisseurs seraient soumis à ce nouvel impôt, surtout si le seuil démarre à 1,3 million d’euros comme pour l’ISF. A suivre de près.

Quel est le parcours de Richard Ferrand ?

Encore inconnu au bataillon il y a quelques semaines en arrière, ce député PS du Finistère, âgé de 54 ans est le premier parlementaire socialiste à avoir rejoint le mouvement En Marche !, lors de sa création en avril 2016. Mais l’histoire entre Macron et Ferrand ne débute pas là. Richard Ferrand, ancien directeur général des Mutuelles de Bretagne a gagné la confiance d’Emmanuel Macron lorsque ce dernier était ministre de l’Economie. En effet, en janvier 2015, l’élu du Finistère, est devenu rapporteur de la loi Macron. Puis l’ancien locataire de Bercy a nommé Richard Ferrand secrétaire général du mouvement En Marche ! Il est devenu depuis l’un des plus fervents défenseurs d’Emmanuel Macron. Pour rappel, pendant la campagne présidentielle, Richard Ferrand le premier des marcheurs convaincu avait déclaré : « Chacun assume son parcours d’origine, mais les choses sont claires : chacun doit s’adapter, nous sommes cimentés par le projet du candidat ». Après sa récente nomination en tant que ministre de la Cohésion des territoires, Richard Ferrand a déclaré : « Honoré de la confiance du Président Emmanuel Macron et du Premier ministre Edouard Philippe, je donnerai toute mon énergie à nos territoires ».

Soutien de Martine Aubry à la primaire de 2011

Selon Vanessa Schneider, journaliste au journal Le Monde, « Richard Ferrand a pris sa carte du Parti socialiste le jour de ses 18 ans, en 1980. Mais le député est inclassable : Mitterrandien, Emmanuelliste, il a ensuite soutenu Martine Aubry à la primaire de 2011

Pour rappel, Martine Aubry, la députée-maire socialiste de Lille a mis en place dans sa ville l’encadrement des loyers, si cher à Cécile Duflot. Que fera Richard Ferrand sur l’encadrement des loyers tel que prévu par la loi ALUR du 26 mars 2014, portée par l’ancienne ministre du Logement Cécile Duflot? Le mystère reste entier même si Emmanuel Macron reconnaît que ce dispositif dégrade le rendement locatif des propriétaires-bailleurs parisiens et lillois, malgré son rôle modérateur… A suivre de près également.

Quel est le sort de la loi Alur  ?

Richard Ferrand a déjà annoncé la couleur lors de la passation de pouvoir mercredi 17 mai au ministère du Logement : « il ne faut pas créer de nouvelles lois mais améliorer l’existant ».

Le nouveau locataire de la rue Saint-Dominique ne semble pas enclin à abroger la loi Alur de Cécile Duflot, comme le proposaient les candidats de droite, Nicolas Sarkozy et François Fillon.

La menace des législatives 

Mais a priori pas grand chose ne devrait être mis en œuvre avant le 18 juin prochain, date à laquelle s’achèveront les élections législatives. Les mêmes ministres gouverneront ils après les législatives ? Une question légitime puisque depuis Mitterrand, en cas de défaite, le gouvernement démissionne après les législatives, comme le veut la tradition, rappelle le journal Le Parisien du 18 mai. D’ailleurs, l’Elysée a été extrêmement clair à ce sujet : ceux qui seront battus aux élections législatives devront quitter le gouvernement. En effet parmi les 22 ministres ou secrétaires d’Etat du nouveau gouvernement, 6 sont également candidats aux législatives. Parmi ces 6 ministres aujourd’hui assis sur un siège éjectable se retrouvent Richard Ferrand (candidat d’En Marche ! aux législatives) et…"Bruno Le Maire (candidat LR mais exclu de son parti suite à sa nomination dans le gouvernement Philippe). Il n’affrontera pas de candidat "La République en marche" mais pourrait faire face à un candidat LR, selon BFMTV.Une véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête.

Alexandra Boquillon