Les prêts immobiliers bientôt mieux encadrés en Europe

Le 10 décembre 2013 a peut-être marqué un tournant dans le domaine de la politique bancaire européenne. Dans le but d'éviter l'apparition de nouvelles bulles immobilières, le parlement européen a adopté un texte permettant l'entrée en mesure de nombreuses règles d'encadrement des prêts immobiliers. Obligation des prêteurs de contrôler le taux d'endettement des clients, droit de regard de l'Autorité Bancaire Européenne (EBA), et informations aux consommateurs sur les risques de l'endettement devraient être les chevaux de bataille de cette réforme à venir.

Pourquoi encadrer les prêts immobiliers ?

L'origine de la crise : le surendettement

Personne aujourd'hui n'ignore que la crise économique arrivée en 2009 en Europe, a démarré un an plus tôt aux États-Unis suite à la crise des subprimes. Ce nom un peu technique cache en fait des prêts immobiliers à taux variable non-capés, accordés à des ménages dont la capacité de remboursement était insuffisante. Et précisément, pour se couvrir des risques de non-paiement dus à un taux d'endettement trop élevé, les sociétés de crédit nord-américaines n'ont rien trouvé de mieux que d'imposer des TEG importants dès le départ.

Et le surendettement créa la bulle immobilière

De mois en mois, les ménages américains eurent de plus en plus de difficultés à payer les mensualités de leur prêt immobilier. Ils se déclarèrent en état de surendettement les uns après les autres, et les sociétés de crédit ne purent que constater ces paiements qui ne rentraient pas. Problème : l'argent que les sociétés de crédit avaient prêté aux emprunteurs, elle l'avaient elles-même emprunté à autrui. Double problème : cet autrui l'avait lui-même emprunté à quelqu'un d'autre.

L'effet domino : quand personne ne rembourse plus personne

Une première société de crédit rencontra des difficultés de paiement, mettant ses créanciers dans l'embarras. Les créanciers de ses créanciers furent touchés, et plus personne n'eut d'argent à prêter à personne. Conséquence : les projets immobiliers en cours furent arrêtés, et les projets aboutis ne purent pas trouver preneur car personne ne voulait plus prêter aux ménages.

Résultat final : une bulle immobilière

Au bout du compte, les États-Unis se retrouvèrent avec des projets immobiliers non-achevés, des projets immobiliers achevés mais non-vendus, et des emprunteurs propriétaires saisis. Comme les sociétés de crédit avaient emprunté à des établissements financiers européens, la crise fut déplacée en Europe.

Arrivée de la crise immobilière en 2009 en Europe

L'Espagne et l'Irlande avaient basé leur modèle de développement sur celui des États-Unis. Elles se retrouvèrent donc très rapidement avec cette bulle immobilière, qui mirent les banques dans l'embarras financier. La suite est connue, l'Europe arrive à la rescousse et injecte de l'argent dans le système. C'est à ce moment que des voix se sont élevées pour réformer, afin que ce genre d'excès ne se reproduise plus.

La réforme européenne sur l'encadrement des prêts immobiliers

Évaluation obligatoire du taux d'endettement futur

D'après le texte adopté par une immense majorité des députés européens (596 voix pour, 65 voix contre, 31 abstentions), les établissements financiers prêteurs seront mis à contribution. Ils ont l'obligation de contrôler le taux d'endettement des demandeurs, et de ne pas leur prêter si ces derniers se trouvent dans une situation financière délicate. En France, seules les banques s'imposent cette autodiscipline rigoureuse. Elles ne prêtent pas si le taux d'endettement futur est au-dessus de 33 % des revenus imposables nets. Mais ce n'est pas le cas ailleurs en Europe.

L'Autorité Bancaire Européenne sera le gendarme

L'Autorité Bancaire Européenne (EBA) est désignée comme le gendarme par le texte voté. L'institution devra enquêter sur les respects et les violations de la règle de contrôle de taux d'endettement dans différents pays. Elle devra alors demander aux autorités compétentes nationales d'agir. Cela pourrait signifier que si l'EBA. constate qu'une société de crédit française rechigne à mettre en place un dispositif de contrôle, elle en avisera l'AMF (Autorité des Marchés Financiers).

Il reste à savoir maintenant si les organes nationales disposeront d'outils législatifs pour obliger les récalcitrants à rentrer dans les rangs.

Obligation d'information des emprunteurs

Le texte adopté par le parlement européen prévoit l'obligation par les prêteurs de présenter des documents informatifs aux emprunteurs. Risques des crédits, coût des opérations, à priori les Européens disposeront des mêmes outils de protection que le consommateur français.

Conséquence pour le prêt immobilier en France

Vers un contrôle plus strict du taux d'endettement

La mesure votée par le parlement européen s'inscrit dans la lignée du Registre National des Crédits aux Particuliers (RNCP), prévu par la loi Hamon. Certes cette structure est difficile à mettre en place, cependant elle représentera sans aucun doute un outil intéressant pour les établissements financiers. Si le texte de l'Assemblée Européenne est adopté par le Conseil Européen, la mise en place de ce registre prendra tout son intérêt. N'en attendons pas trop dans l'Hexagone toutefois, car il faut bien admettre que le risque de bulle immobilière en France est faible.

Souscrire un prêt immobilier en France

Si les banques ne s'engageront pas lorsque le taux d'endettement des emprunteurs arrive à 33,1 %, certaines sociétés de crédit le feront. Cependant, elles agissent avec prudence car elles ont retenu la leçon de 2008/2009. Mais surtout, très peu de prêts immobiliers en France sont souscrit avec un taux variable, la plupart sont à taux fixe. Et lorsque les taux sont variables, ils disposent d'une cape, c'est-à-dire d'un pourcentage maximum de variation à la hausse.

Un accédant à la propriété ne peut pas signer son prêt immobilier dès qu'on le lui accorde. Il doit d'abord se voir remettre une offre préalable officielle, renfermant les informations et avertissements que les députés européens souhaitent voir diffuser auprès de l'Union Européenne. Ensuite, l'emprunteur dispose d'un délai supplémentaire de 10 jours francs avant que la somme ne soit virée sur son compte, c'est le délai Loi Scrivener. Le fait est qu'en France, nous avons compris l'intérêt de protéger le consommateur avant tout le monde.

L'encadrement européen des prêts immobiliers est le bienvenu

Une réforme encadrant les prêts immobiliers sur le plan européen sera la bienvenue. Elle permettra effectivement de limiter, voire d'empêcher les bulles immobilières à venir. L'Europe est en train de retrouver lentement le chemin de la croissance, et personne n'a envie de gâcher ce redressement avec de la sur-spéculation.