Renégocier son taux immobilier devient plus difficile

La hausse des taux d'emprunt immobilier est désormais actée par les banques, mais reste faible. Une quinzaine des partenaires de Vousfinancer.com ont désormais revu leurs barèmes, y ajoutant au pire 0,3 points de base. Le crédit à l'habitat reste donc moins cher qu'il y a 3 ans, mais les propriétaires actuels ont de plus en plus de mal à en profiter. Les banques ferment progressivement la porte des renégociations de taux, préférant se focaliser sur les dossiers d'accessions et d'investissements locatifs. La raison est plus d'ordre stratégique que financier, ainsi les meilleurs profils peuvent encore voir leur dossier déposé sur la pile du dessus.

Les banques rechignent sur les renégociations de taux

Au plus fort de la crise économique de 2008, les ménages souscrivaient des prêts à l'habitat au-dessus de 5 %. Puis les banques centrales ont dû intervenir en injectant des liquidités sur les marchés, permettant aux banques locales d'abaisser leurs taux jusqu'à atteindre environ une moyenne de 3,2 % (source CSA/Crédit Logement) à la fin 2010.

Ainsi lorsque les banques se mirent à prêter pour moins de 3 % dès le début 2014, tous les ménages qui étaient devenus propriétaires de la fin 2008 à la fin 2010, réalisèrent qu'ils pourraient faire renégocier leur taux de prêt, abaissant ainsi drastiquement leurs mensualités. Selon les conditions accordées au moment de la signature du contrat, un couple d'emprunteurs pouvait économiser plus de 20 000 € sur la durée restant des remboursements.

Mais aujourd'hui avec un taux moyen en phase de stabilisation, voire à la hausse dans certains cas, les banques sont de plus en plus réticentes. Sandrine Allonier, responsable des relations bancaires chez vous Vousfinancer.com, remarque que « d'ores et déjà certains réseaux ne veulent plus traiter ce type de dossier ».

Il faut rappeler qu'en novembre les dossiers de demande de prêt immobilier se faisaient rares dans les agences, l'activité principale se confinant surtout dans le rachat de crédit. Puis vers la fin de l'année dernière les acheteurs revinrent progressivement sur le marché, engorgeant les bureaux des conseillers clientèle dès la fin du 1er trimestre 2015.

Or jusqu'à présent les banques ne prenaient pas de risques en rachetant la dette des ménages, car il était difficile d'imaginer que ces derniers puissent trouver moins cher ailleurs dans un futur proche. Cependant les taux étant légèrement en train de remonter, il arrivera un moment où une nouvelle baisse ne sera pas à exclure, permettant peut-être à cette clientèle nouvellement attirée de partir faire des infidélités auprès de la concurrence.

 

Un pouvoir d'achat immobilier toujours aussi intéressant

Avec des taux d'emprunt restant sous la barre des 2,5 % pour les bons dossiers remboursés sur 20 ans, les accédants à la propriété continuent de gagner en pouvoir d'achat. Ils peuvent désormais s'engager même sur des durées de 25 ans, les excellents dossiers bénéficiant de conditions là-aussi en dessous des 2,5 %.

L'Observatoire CSA/Crédit Logement note que 35,3 % des contrats de prêts immobiliers du mois de mai, se sont souscrits sur des périodes de 20 à 25 ans. On compte même 18,4 % de ménages qui en ont profité pour s'engager au delà de 25 ans.

D'autant plus que l'on est loin d'une remontée spectaculaires des taux. Dans la pratique si la plupart des banques ont augmenté leurs barèmes, la plus forte ampleur se limite à 0,3 points de base. Certaines enseignes ont tout simplement cessé d'accorder des rabais sur les taux qu'elles proposaient, ce qui est une forme de durcissement des conditions.

D'autres vont plus loin en conservant leurs barèmes inchangés, mais deviennent plus regardantes sur les conditions d'octroi. Aucune ne souhaite enrayer la faible reprise du marché de l'immobilier constatée depuis quelques mois.

 

Un marché du crédit à l'habitat difficile à prévoir

Historiquement, la courbe du rendement des obligations d'État à 10 ans exerçait une influence sur les taux immobilier distribués par les banques. Dès lors que le rendement des bons du trésor est plus important, l'État emprunte plus cher. Par effet de ricochet les banques finissent-elles aussi par se financer plus cher sur les marchés, ce qui pousse certains analystes à calquer leurs courbes sur celle d'OAT 10 ans.

Et justement le marché des obligations a surpris tout le monde, en quadruplant de rendement en l'espace d'1 mois.

Vendredi dernier l'État a emprunté à 1,229 % sur 10 ans, alors que le 20 avril il le faisait au taux imbattable et record de 0,352 %. Une telle différence en quelques semaines est difficile à expliquer, on peut toutefois avancer le point de non-retour qu'avaient atteint les investisseurs institutionnels.

Assurances et fonds de pension étaient contraint de prêter à moins de 0,7 % depuis la mi-janvier, alors que de leur côté ils devaient procurer un rendement à leurs membres. On est donc tenté d'en conclure qu'ils ont placé la barre haut lors des récentes émissions effectuées par l'Agence France Trésor.

En tout état de cause, les taux des prêts immobiliers auraient dû eux-aussi grimper en flèche, mais il n'en est rien. On parle davantage d'une stagnation, avec une éventuelle remontée à l'horizon. Car entre-temps la BCE est entrée dans la danse.

En suivant l'exemple de la Fed américaine, elle-même reprenant la stratégie inventée par la banque centrale japonaise, la BCE s'est livré à un programme massif de rachat de dette souveraine auprès de ses états membres. Pas moins de 60 milliards d'euros sont ainsi consacrés chaque mois pour soulager les banques de leurs créances des états de la zone euro. Dès lors ces dernières se retrouvent avec de l'argent frais, qui ne leur a que peu coûté. Ainsi l'historique de l'évolution des taux immobilier ne s'est donc pas répété, et beaucoup tablent sur ce scénario pour les prochains mois.

 

Quand les taux immobiliers vont-ils vraiment remonter ?

Bien peu s'aventurent aujourd'hui à prédire à quelle date les taux immobiliers vont vraiment remonter de manière significative, par rapport à la situation d'aujourd'hui. Il y a tout d'abord les mécanismes de l'offre et de la demande, faisant que plus les particuliers cherchent à emprunter, plus les taux augmentent. Mais cette théorie est balayée par l'afflux de liquidités dont vont disposer les banques françaises pendant encore au moins 1 an.

Il est facile d'imaginer qu'emprunter deviennent plus cher au cours des prochains mois, voire des prochaines semaines, mais il est clair que les banques freineront des 4 fers. Tout d'abord aucune ne voudra être plus chère que sa concurrente, mais surtout elles ne voudront pas enrayer le redémarrage d'un marché immobilier, sur lequel elles comptent beaucoup.