La baisse des taux favorise les secundo accédants

Les taux d'emprunt immobilier sont au plus bas, et coup de théâtre, risquent même de descendre encore. Pourtant le marché tarde à voir revenir les primo accédants, alors que les ménages propriétaires disposent d'un pouvoir d'achat grandement amélioré. Certes les bonnes conditions du marché soutiennent les transactions, mais l'écart se creuse entre les jeunes aux revenus moyens et les familles de secundo accédants.

717 000 transactions immobilières grâce à la baisse des taux

D'après les données glanées par la note de conjoncture notaire/INSEE, l'année 2014 a vu une baisse de -2,4 % des transactions immobilières par rapport à 2013. On est loin toutefois des catastrophiques résultats observés en 2009, lorsque les ventes d'immobilier s'étaient maintenues en dessous de 600 000 unités.

Il faut dire que l'année avait commencé avec des taux d'emprunt au-dessus de 4 %, pour finir vers 3,8 % au 3e trimestre 2009. Mais l'année dernière les banques ont pu bénéficier de très bonnes conditions de financement, et notamment d'une baisse du rendement de l'OAT à 10 ans (Obligations Assimilables du Trésor remboursable à 10 ans). Forte de ce financement moins cher, elles ont donc progressivement abaissé leur taux de prêt immobilier, jusqu'à battre record sur record depuis le début de l'été.

Selon Sandrine Allonier, responsable des relations banque chez Vousfinancer.com, c'est ce qui a soutenu le marché de l'immobilier : « chaque année, on s'attend, compte-tenu de l'atonie de l'économie, à une baisse des prix et du nombre de ventes de l'ordre de 10 %. Mais cela ne vient jamais ».

 

Des taux immobiliers de plus en plus attractifs

Les calculs de l'Observatoire CSA/Crédit Logement placent le taux de prêt immobilier moyen, hors assurance et hors frais, à 2,21 % en février. En décembre 2014, le taux moyen dont pouvait bénéficier les meilleurs profils du premier quartile, s'établissait à 2,24 % sur 20 ans. Clairement on voit que les conditions se sont grandement améliorées en l'espace de 2 mois, permettant désormais aux profils moyens d'accéder aux meilleures conditions du trimestre dernier.

Mais pour l'instant ce ne sont pas les primo accédants qui en profitent, ces derniers bénéficiant toujours d'un pouvoir d'achat limité, et surtout d'un horizon économique encore morose. Aujourd'hui beaucoup restent embauchés en CDD, ce qui limite la confiance des banques.

 

Le pouvoir d'achat immobilier des primo accédants en question

Le magazine capital.fr dresse un tableau du pouvoir d'achat en Île-de-France, avec les données de la fondation Chaireville de l'université Paris-Dauphine. L'équipe du professeur d'économie Michel Mouillart s'est attachée à mesurer la capacité d'achat au 2e trimestre 2014, en se basant sur les taux d'alors. Ils étaient déjà bas et à cette époque le marché immobilier restait atone.

C'est la ville d'Évry (91) qui offre le plus de pouvoir d'achat, 48,20 % des primo accédants y étant en mesure de devenir propriétaire, d'après le tableau dressé par capital.fr. Les notaires y calculent le prix médian des appartements à 1900 €/m², en baisse de -6,5 % sur 1 an.

Comme de logique les secundo accédants sont quasiment tous en mesure de déménager, 96,70 % de la population d'Evry disposent de suffisamment de capacité d'emprunt. Les chiffres sont quasiment les mêmes pour Argenteuil (95), avec 47,70 % de primo accédants capables d'acheter leur résidence principale, et 96,70 % de secundo accédants disposant des mêmes possibilités.

Précisons toutefois que ces chiffres ont été établis en consultant la moitié des transactions enregistrées par les notaires. Dans la réalité la capacité d'emprunt est certainement plus basse, car elle dépend du taux d'endettement et de la stabilité professionnelle des candidats emprunteurs.

Bien entendu le pouvoir d'achat des primo accédants chute fortement dès lors que les prix du m² s'envolent. C'est notamment le cas à Neuilly-sur-Seine (92), où seuls 8,50 % des jeunes peuvent espérer devenir propriétaires. Il s'agit également de la plus faible proportion de secundo accédants capables de déménager : 58,70 %. Les notaires ont calculé un prix médian des appartements anciens à 8570 €/m², en baisse de -2,6 % sur 1 an, mais en hausse de 21,4 % sur 5 ans.

 

La baisse des taux immobiliers au secours des secundo accédants

Si les banques aiment les jeunes couples qui démarrent dans la vie, elles apprécient également tout particulièrement les propriétaires. Lorsque ceux-ci souhaitent vendre leur bien immobilier pour déménager, pour des raisons familiales ou professionnelles, ils bénéficient d'un apport important. Cet apport est constitué par le remboursement de capital effectué depuis ces dernières années, ainsi que par l'éventuelle plus-value.

À titre d'exemple, selon les données compilées par les notaires, les appartements anciens dans les Hauts-de-Seine (92) ont gagné +19,6 % sur 5 ans. En Seine-Saint-Denis (93) ils réalisent +13,8 % sur la même période, dans le Val-d'Oise les performances sont plus mitigées avec des prix en hausse de +4,2 % sur 5 ans.

Fort de ce capital et d'un historique de remboursement sans défaut, les secundo accédants sont alors en meilleure position pour obtenir les taux les plus bas.

Ainsi dans des villes comme Créteil, Fontainebleau et Palaiseau, plus de 90 % des propriétaires disposent de suffisamment de pouvoir d'achat pour déménager. Comme on l'a dit Neuilly est à la traîne avec ses 58,7 %, mais elle est la seule. La plus mauvaise élève est Boulogne-Billancourt, dans laquelle 70,10 % des secundo accédants sont tout de même en mesure d'acheter. Même dans des communes prisées comme Saint-Germain-en-Laye et Saint-Mandé, on reste au-dessus de 75 %.

 

La baisse des taux peut-elle jouer contre les primo accédants ?

Mardi 10 mars un nouveau record a été battu. La France a pu émettre des obligations françaises remboursables à 10 ans, pour le taux défiant toute concurrence de 0,466 %. Or ces fameuses obligations constituent l'une des principales sources de financement des banques pour fournir le marché en prêt immobilier.

Une continuité de la baisse des taux n'est donc pas à exclure, mais Sandrine Allonier finit par s'interroger sur le risque d'effets négatifs. « À mesure que les taux s'effondrent, la rentabilité diminue. Les banques pourraient donc devenir plus vigilantes et privilégier les prêts aux clients à qui elles pourront proposer davantage de services ».

Et ces clients susceptibles de consommer des produits bancaires sont ceux qui disposent d'une certaine capacité d'épargne, donc d'un taux d'endettement futur suffisamment bas. La baisse des taux pourrait alors se tourner contre les revenus moyens – faibles, qui pourtant bénéficient de plusieurs dispositifs aujourd'hui, comme les aides personnalisées au logement.

Oui mais voilà, il manque toujours le sacro-saint apport personnel, qui selon le rapport CSA/Crédit Logement représente 20,6 % dans l'accession en immobilier neuf, et 22,1 % dans l'accession en immobilier ancien.