Un crédit immobilier avec un CDD, c’est possible ?

Depuis plusieurs mois, les débats sur la loi travail ont remis au goût du jour la question des contrats professionnels en France, en rappelant notamment que le problème de l’emploi dans notre pays est moins lié aux types de contrats (CDI ou CDD, peu importe tant qu’on travaille) qu’à la façon dont ils sont considérés par les banques au moment de souscrire un prêt. Ainsi, obtenir un crédit immobilier lorsqu’on enchaîne les CDD est notoirement reconnu comme étant très difficile, un paradoxe à une époque où le monde du travail connaît de fortes évolutions. Très difficile, mais pas impossible, à condition de respecter certaines conditions.

Demander un prêt

Le bon moment pour emprunter… mais pas pour tous !

Les experts immobiliers se félicitent mois après mois des baisses records des taux d’emprunt – autour de 2 % sur 20 ans en ce moment. Au-delà de cette moyenne déjà avantageuse, certains acquéreurs peuvent bénéficier de taux encore plus intéressants, autour de 1,5 %, dès lors qu’ils présentent aux banques des dossiers considérés comme « excellents ».

Or, qu’est-ce qu’un dossier « excellent » pour une banque ? Le profil type est celui d’un épargnant sérieux, bien rémunéré, doté d’un apport personnel important (dans l’idéal, 10 % au moins du montant total du crédit)... et bénéficiant d’une situation professionnelle stable, à savoir un CDI ou un poste de fonctionnaire. De sorte que si les taux d’emprunt s’avèrent particulièrement attrayants, il faut néanmoins se rendre à l’évidence : tout le monde ne peut pas en profiter. En matière de taux de crédit, il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus (lire notre précédent billet à ce sujet).

CDI contre CDD, une situation paradoxale

Les Français aiment les paradoxes, et celui-ci est de taille : dans un pays où le CDI est un sésame qui ouvre toutes les portes, et surtout celle du crédit immobilier, 87 % des nouvelles embauches se font en CDD (selon les données de l’Insee). Ce qui signifie qu’une grande majorité des personnes qui signent un contrat de travail aujourd’hui éprouveront, demain, des difficultés à convaincre une banque de leur prêter de l’argent pour un achat immobilier.

L’herbe n’est pas plus verte du côté de la location : pour se protéger contre les risques d’impayés, la plupart des bailleurs exigent de leurs locataires un contrat stable – et lorsque ces bailleurs ont souscrit une assurance contre les impayés, ce sont cette fois les assureurs qui demandent la même chose aux candidats.

Les jeunes sont particulièrement touchés par ce phénomène, car ce sont eux qui accèdent à l’emploi dans ce contexte de hausse des CDD. À l’heure où les taux d’emprunt n’ont jamais été si bas, le paradoxe veut que de moins de moins de potentiels primo-accédants aient la chance de pouvoir emprunter la somme nécessaire pour… devenir primo-accédants.

Obtenir un prêt immobilier quand on est en CDD

Du côté des banques, on estime que l’exigence d’un CDI est une requête raisonnable. Et l’on s’appuie volontiers, pour légitimer cette idée, sur la crise des subprimes qui a fait tant de dégâts : n’avait-elle pas, pour origine, des prêts toxiques consentis à des emprunteurs à risques ? (Certes, contre des taux d’emprunt astronomiques et variables, mais c’est une autre histoire.)

Un bon prêt immobilier, c’est celui que l’on octroie à un candidat solide. Dans cette logique, un travailleur en CDD, même s’il enchaîne les contrats précaires depuis longtemps sans trou dans sa carrière, embarque toujours avec lui le risque d’être au chômage du jour au lendemain et de se retrouver dans l’incapacité de rembourser son prêt. Et tant pis si c’est tout aussi vrai d’un salarié en CDI, qui vit lui aussi sous la menace d’un licenciement.

Toutefois, il existe des solutions pour obtenir un crédit même avec un CDD – ou tout autre contrat précaire. Voici sous quelles conditions.

Mon CDD ? C’est un choix !

Le CDD est perçu par les banques comme un contrat subi par l’employé, qui ne s’inscrit pas dans la durée. Un peu comme un stage amélioré. Mais tout est affaire de perception, car les établissements prêteurs savent aussi adoucir leurs exigences lorsqu’il s’agit des intérimaires ou des intermittents du spectacle, dès lors qu’ils peuvent justifier d’une activité professionnelle sans interruption depuis au moins 18 mois.

De fait, suivant le domaine d’activité et les conditions d’embauche, un CDD peut durer 6, 12, 18 ou même 24 mois (détails sur cette page). Avec un contrat à durée déterminée de 2 ans en poche, il est plus facile de convaincre sa banque d’octroyer un prêt, à égalité avec un contrat intérimaire de durée identique. Le fait de cumuler les CDD dans un même secteur d’activité et avec un minimum d’interruptions est également un bon argument : il prouve, du moins, que le secteur en question embauche et que vous ne serez pas à la rue du jour au lendemain.

En somme, il est tout à fait possible de persuader un établissement prêteur que votre contrat précaire n’est pas un handicap, mais une force. Et que c’est un choix, qui vous offre une plus grande liberté de mouvement, la possibilité d’aller chercher un emploi là où il se trouve, n’importe où en France, etc.

Emprunter à deux

Le meilleur moyen pour emprunter lorsqu’on est en CDD consiste à le faire en couple… mais avec un conjoint qui, lui, est en CDI ! Une banque confrontée à la demande d’un ménage dont au moins l’une des deux parties peut justifier d’une situation professionnelle stable n’aura aucun mal à consentir un prêt immobilier – avec, toutefois, des conséquences sur les taux et la durée d’emprunt, car le banquier ne prendra en compte que le salaire de la personne en CDI pour calculer la capacité d’endettement…

Autant dire qu’un couple dont les deux conjoints sont embauchés en CDD aura toutes les peines du monde à obtenir son prêt.

Mettre en avant son bon profil

Le fait d’être en contrat précaire n’empêche nullement d’avoir un excellent profil d’emprunteur. Mais pour cela, il faut penser sur du long terme et polir ce profil suffisamment en avance, pour en présenter tous les avantages au banquier. En voici les conditions essentielles :

  • Savoir anticiper sa demande de crédit, c’est aussi ne pas avoir un compte en banque dans le rouge trois mois, au minimum, avant de négocier son prêt ;
  • Réunir un apport personnel, donc montrer son bon profil d’épargnant (comptez 10 à 15 % du montant total du crédit) ;
  • Profiter des aides à l’accession à la propriété pour financer votre projet (et montrer à votre banquier que vous avez bien préparé votre affaire) ;
  • Sortir vos contrats de travail des 2 ou 3 dernières années, y compris CDD et intérim, pour mettre en valeur votre régularité ;
  • S’adresser à la bonne banque, certains établissements étant plus intéressés par des profils en contrats précaires que d’autres (vous pouvez aussi demander de l’aide à un courtier qui connaît bien les banques) ;
  • Appuyez-vous sur la relation de long terme que vous avez avec votre banque.

Investir plutôt qu’acheter

La dernière solution peut sembler étonnante, mais elle est très logique, en réalité. Plutôt que de souscrire un prêt pour accéder à la propriété avec un contrat précaire, vous pouvez investir dans de l’immobilier locatif.

Quelle différence ? Dans ce cas, les mensualités seront remboursées par les revenus des loyers. Quel que soit votre salaire, votre stabilité professionnelle, votre contrat, ces revenus seront pérennes, et la banque le sait.

À condition, bien sûr, de bien préparer son projet d’investissement, de bénéficier des aides dédiées (dispositif Pinel et autres) et de tenter l’aventure dans une ville où la demande locative est suffisamment forte. Le bon côté des choses, c’est que le logement sera vôtre lorsque que vous aurez fini de rembourser votre prêt !