La BCE va racheter les crédits titrisés des banques

La Banque Centrale Européenne a décidé de mettre les bouchées doubles pour relancer l'économie. Sa stratégie : un rachat massif de crédits titrisés par la BCE auprès des banques. Objectif : permettre à ces dernières de se reconstituer une trésorerie afin de prêter aux entreprises. La chute des taux de prêt immobilier ayant été observée en parallèle de la baisse continuelle du taux de refinancement de la BCE, tout porte à croire que l'emprunteur en sortira gagnant.

Opération massive de rachat massif de crédits titrisés

Les crédits titrisés, qu'est-ce que c'est ?

La Banque Centrale Européenne s'apprête à racheter « un large portefeuille de titres adossés à des titres de créances ». Ces créances sont connues sous leur nom anglais asset backed-securities, et dénommées par leurs initiales : ABS.

Il s'agit de fonds composés de prêts immobiliers et autres créances privés, que les banques initialement prêteuses ont revendu à d'autres banques, selon le principe de la titrisation. Cette pratique a l'avantage de permettre à la première banque prêteuse de se créer de la trésorerie en revendant ses créances à une autre banque, soi-disant pour investir dans l'économie réelle. Le fait est que les fonds ainsi récoltés en revendant lesdites créances ne servent pas toujours à l'économie réelle.

Plus encore, le risque de la titrisation est que la seconde banque ayant racheté les créances fasse de même, en enveloppant ces crédits ainsi rachetés dans un fonds contenant d'autres crédits, pour les vendre à une autre banque, et ainsi de suite. C'est cette pratique qui avait causé la crise des subprime, et le marasme économique mondial qui s'en est suivi.

La finance européenne préfère la prudence

Le fait pour la Banque Centrale Européenne de racheter elle-même ces crédits permet de stopper la gangrène, car la BCE n'a pas de vocation spéculative. Cette opération devrait donc permettre de soulager le ratio risque des banques.

Il est important de rappeler que la culture financière européenne est beaucoup plus prudente que ce qui se pratique outre-Manche et outre-Atlantique. M. Draghi n'a pas manqué d'assurer les journalistes présents à la conférence de presse que « toutes les règles pertinentes ont été intégralement respectées ».

Il semble par ailleurs que le programme de rachat de crédits titrisés par la BCE ne fait que commencer. Il y en aura sans doute d'autres, car selon Monsieur Draghi ces programmes démontrent « le rôle du marché d'ABS pour faciliter les flux de nouveaux crédits pour l'économie ».

 

Comment racheter les crédits titrisés des banques

La planche à billets ne suffit pas

Pour acheter des titres adossés à des titres de créance, il faut de l'argent. Cet argent la BCE n'en manque pas, car elle peut l'imprimer. Bien entendu le risque est qu'à trop créer de la monnaie ont fini par créer de l'inflation, or la zone euro souffre de déflation.

Il ne faudrait donc pas que les banques, ainsi soulagées par le rachat de leurs titres lourds, n'en profitent pour distribuer des bonus. Une mesure est nécessaire afin d'éviter qu'elles ne placent leurs fonds dans les coffres ultra sécurisés de la Banque Centrale Européenne. Et pour cela, Mario Draghi a choisi les taux de dépôt négatif.

Le taux de dépôt descend à -0,2 %

Si les banques souhaitent déposer leurs fonds à la BCE, elles perdront 0,2 % sur le capital. Au même titre que la France et l'Allemagne ont pu emprunter à des taux négatifs cette semaine, les banques pourront placer à des taux négatifs auprès de la Banque Centrale Européenne.

Cette mesure est bien entendue destinée à les inciter à prêter aux entreprises. L'objectif affiché de M. Draghi est de « fournir du crédit à l'économie réelle ». Et pour convaincre les sceptiques qui estiment que cela ne suffira pas à forcer les banques à aider les entrepreneurs, une mesure choc a été mise en place.

Abaissement historique du taux de refinancement à 0,05 %

M. Mario Draghi avait déjà habitué le public à des mesures choc. Il a montré hier qu'il pouvait faire mieux, en abaissant le principal taux directeur de la BCE (taux REFI) à 0,05 %, du jamais vu dans l'histoire. Le monde de la finance avait été surpris à l'annonce de l'abaissement du taux REFI à 0,15 % en juin, et pensait déjà avoir atteint un maximum.

Hier matin, certains spécialistes anticipaient tout de même un effort supplémentaire, mais pas à ce point. À partir de maintenant les banques pourront donc emprunter à 0,05 % de taux d'intérêt à la BCE, pour prêter en retour à d'autres banques, à des entreprises ainsi qu'à des particuliers. Elles pourront même emprunter pour acheter de la dette des états.

À sa création le 22 janvier 1999, le taux directeur de la BCE était de 3 %. Son plus haut niveau de 4,75 % fut atteint le 11 octobre 2000, pour descendre ensuite à 4,25 % le 5 septembre 2001. Il oscilla entre 2 % et 2,25 % de juin 2003 à juin 2005 et après une remontée à 4,25 % en juillet 2008, il fut placé à 1 % le 13 mai 2009. La politique monétaire commença le 11 juillet 2012 à 0,75 %, pour atteindre son niveau d'aujourd'hui.

 

Quel impact sur les taux de prêt immobilier

Des taux de prêt immobilier encore plus bas en août

Les taux de prêt immobilier ont battu un nouveau record à la baisse au mois d'août, avec une moyenne à 2,68 % hors frais. La durée de remboursement des contrats signés se situe à 209 mensualités, soit 17,4 ans. Les taux moyens dans l'ancien ont été de 2,68 %, pour 2,71 % dans le neuf et le coût du financement moyen revient à 3,75 années de revenus. Au final, 97 % des contrats de prêt immobilier souscrit au mois d'août l'ont été à un taux nominal inférieur à 3,5 %, c'est ce que nous apprend le dernier rapport de l'observatoire CSA/Crédit Logement.

Vers une baisse ou une stabilisation ?

Dans la pratique les taux de prêt immobilier sont surtout influencés par l'OAT (Obligations Assimilables du Trésor). Cependant les banques peuvent également emprunter auprès de la BCE afin de financer le secteur immobilier privé. Au mois de juin dernier on pensait qu'il était difficile de descendre plus bas. Le mois de juillet nous a montré que les taux pouvaient toujours battre des records, records qui d'ailleurs ont été battus au mois d'août.

Il est raisonnable de prévoir que les taux varieront peu, à la hausse ou à la baisse. Quoi qu'il en soit les efforts de la BCE ne peuvent qu'aller dans le sens de l'emprunteur. Plus que jamais les opérations de rachat de crédit immobilier seront viables ce mois-ci et jusqu'à la fin de l'année.